mardi, avril 30, 2024

Financement du PSE : le Professeur d’économie Moustapha Kassé recadre le débat !

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Après l’euphorie qui a suivi la bonne performance du Sénégal au Groupe consultatif de Paris, le Professeur d’économie Moustapha Kassé recadre le débat. Dans cet entretien, il explique le grand fossé qu’il y a entre les engagements des bailleurs et la réalité du terrain.

Qu’est-ce qui peut expliquer la bonne performance du Sénégal au Groupe consultatif de Paris ?

Il y a la position géostratégique du Sénégal qui est en quelque sorte la porte d’entrée de l’Afrique de l’Ouest. Il y a des projets qui sont ouverts ou des intentions de projets, cela intéressera un certain nombre de bailleurs de fonds. La deuxième raison est liée à la stabilité du pays. Depuis des décennies, le Sénégal n’a pas connu de crise majeure. Ce climat est extrêmement favorable à l’investissement, qui a toujours besoin d’un environnement sécurisé. C’est un atout important. Il y a un troisième atout qui est lié au fait qu’il existe énormément d’argent dans le monde et il y a la crise européenne qui fait que les investissements sont de retour en Afrique. Les conditions de rentabilité commencent à se réunir. Il y a aussi la dimension du politique. Le fait que le Président soit allé lui-même avec une bonne partie de son gouvernement crée un environnement de confiance. L’investissement, c’est la confiance. Dès l’instant qu’on réunit un certain nombre de conditions qui sont favorables, on trouve les capitaux pour y répondre. Mais, il faut aussi préciser que ce ne sont pas des engagements définitifs, nous avons là des intentions très fortes d’investir sur les projets. Maintenant, c’est au gouvernement de se mettre au travail, de reficeler les projets qui peuvent intéresser, de les retravailler davantage et de continuer à se battre.

Est-ce qu’on a la possibilité d’absorber tous les crédits ?

Ce ne sont pas encore des crédits. Le pouvoir public doit communiquer et expliquer exactement les significations de cela. Si les gens décident d’investir directement, c’est parce qu’il y a une rentabilité. Si ce n’est pas rentable, les gens ne viendront pas mettre leur argent pour ensuite faire faillite. Maintenant, on se demande si tout cela ne va pas augmenter la dette du Sénégal, mais ma position en matière d’endettement depuis toujours est que, dès que nous avons des projets qui sont bancales, qui sont rentables, capables de rembourser les échéanciers, la dette n’est pas tellement un frein. Ce qu’il faut, c’est que la gestion de ces crédits soit suffisamment adéquate. C’est pourquoi, il y a certaines conditionnalités que l’on pose déjà, comme la bonne gouvernance, l’utilisation rationnelle des ressources qui seront mises à notre disposition…Surtout la création d’un environnement qui soit propice à la rentabilité des investissements. Vous avez vu la déclaration de la Banque mondiale qui dit qu’il faudra améliorer l’environnement des affaires. C’est-à-dire mettre l’entreprise au cœur du dispositif et faire en sorte que l’entreprise soit le levier de l’exécution des projets. Que l’Etat puisse également accompagner cela par un Etat de droit, cela suppose que les magistrats jouent leur rôle de manière indépendante. Il y a un monde entre les engagements que les bailleurs de fonds ont pris et les capacités de mobilisation et d’absorption des ressources promises.

Donc, il peut arriver que certains bailleurs renoncent à leurs engagements ?

Cela peut arriver. C’est même très courant. Ce n’est pas un renoncement, c’est parce qu’ils n’ont pas vu tous les effets attendus pour la rentabilité de leurs investissements. Ce n’est pas un engagement définitif une fois de plus. C’est une manifestation de volonté. C’est à nous de créer les conditions de confiance pour que les investissements puissent arriver. Il y a encore beaucoup de travail à faire, énormément même. Il faut reficeler les projets. Il faut les loger quelque part et il faut les gérer et être extrêmement attentif. Il arrivera un moment où un bailleur peut trouver ailleurs les conditions de rentabilité meilleure, il ira là-bas. Il ne faut pas se faire d’illusions. La mobilité des capitaux dépend de certaines conditions. Mais il n’y a pas un engagement fixe et définitif qui oblige le bailleur à s’exécuter. Il y a beaucoup de potentialités qui sont extrêmement importantes. Nous ne devons plus avoir une contrainte de financement de l’investissement. Il faudra travailler pour une bonne orientation des investissements. Cela pose la problématique de nous-mêmes. Serons-nous capables d’ouvrir les projets, de créer un environnement incitatif suffisant, serons-nous capables d’avoir un Etat extrêmement stratège qui sera capable de tout mettre en place pour répondre aux conditionnalités que posent les bailleurs de fonds ?

Et quelle procédure sera utilisée pour le décaissement des fonds ?

Le décaissement se fera à partir du respect des conditions de financement. Il ne faut pas penser que dès demain, on commencera à recevoir les 3 729 milliards FCfa, que ce sera la pluie des milliards. Il y a des contraintes qu’il faut lever à notre niveau.

Cela risque de prendre du temps alors ?

Oui. Il y a des investisseurs qui vont reculer, d’autres vont apparaître. C’est un mouvement. Mais tout dépendra de notre capacité à absorber les investissements en question. Il faut continuer d’avoir le contact avec ceux qui sont intéressés, améliorer notre environnement des affaires. Il faut donner les meilleures conditions d’exploitation des investissements. Il va falloir aussi voir comment se structurent tous ces engagements. Voir qui s’engage à faire quoi ?

Cela peut prendre des mois et des mois ?

Oui. Mais cela peut aller vite aussi. Tout dépend de la volonté de l’Etat. Il faut se mettre tout de suite au travail pour exploiter toutes ces opportunités. Les investisseurs s’engagent à vous accompagner, sur la base d’un schéma encore global, d’un schéma non encore si bien défraîchi. Les gens ne viendront pas les poches pleines vous dire j’ai 10 milliards ou 100 milliards de FCfa pour telle ou telle autre chose. Il faut continuer de convaincre les bailleurs qui se sont engagés. Mais s’ils arrivent à déceler des lacunes et des insuffisances dans notre pays, ils ne viendront pas. Ils iront chercher ailleurs.

L’OBS

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