La prolifération des mouvements de soutien politique n’est pas certes un phénomène nouveau au Sénégal, mais aujourd’hui elle connait une ampleur sans précédent.
En effet, ce nouveau visage de la politique quoique révélateur d’un nouveau souffle de la démocratie qui repose sur des principes essentiels dont la liberté d’association et d’expression appelle à des questions qu’il faut pourtant poser.
Comment expliquer l’irruption des mouvements de soutien politiques au Sénégal ? Quelle analyse faire de leur positionnement et quelle valeur ajoutée apportent-elles dans l’animation de la vie politique globale ? A quelles fins ?
Au-delà de cet écran de fumée qui cache le véritable jeu des acteurs, comment enfin apprécier ces tendances et aller au-delà d’une certaine lecture à la fois simpliste et dissimulé du vrai visage de nos partis qui sont en pleines mutations.
Dans l’écosystème politique de notre pays, il ya de multiples enjeux et des jeux de pouvoirs à dénicher pour comprendre au finish les véritables logiques qui structurent le champ de la compétition électorale.
Ainsi, concevoir la politique comme une entreprise où s’activent des promoteurs qui proposent des services à une clientèle appelée la population, un business modèle et un plan marketing savamment bien concoctés de toute pièce avec l’attente d’une rentabilité peut paraitre paradoxal.
Pourtant, c’est ce que révèlent les grandes tendances et les caractéristiques déterminantes de notre espace politique. Petite clarification, il ya plusieurs types d’entrepreneurs et citons en par exemple l’entrepreneur de marché économique, et celui politique. Le principal champ d’investigation du premier c’est son esprit d’innovation et sa créativité légendaire. Le second quant à lui, utilise plus la propagande, son pouvoir d’influence et ses relations avec les lobbys politiques pour assoir sa mainmise et arriver à ses succès.
Et pour cause, partageons ces constats qui de nos jours sautent à l’œil nu :
- Notre modèle politique est en agonie et se cherche quand les prétendants au pouvoir par pures erreurs ou par méconnaissance et manque de professionnalisme confondent déclarations d’intention et modèle de développement fiable et viable. Mal entretenu, il tombe chaque jour en désuétude et inspire déceptions.
- L’offre politique proposée par nos leaders n’est pas attractif et relève plus de mesures cosmétiques et contextuelles pour capter des voies.
- Les anciens grands partis politiques tels que le parti socialiste et le parti démocratique connus pour leur authenticité et leur fort ancrage idéologique sont dans une profonde crise de leadership ;
- Il y’a une énorme perte de légitimité et une réelle crise de confiance entre nos dirigeants et les citoyens lamdas ;
- Pour illustration, cette perte de confiance se repère facilement dans toutes les sphères du pouvoir et plus précisément dans l’administration publique où tout est sujet à dialogue et à négociation, pendant ce temps les textes applicables dorment tranquillement dans les tiroirs ;
- La confusion des champs politiques et celui de l’économie est une réalité palpable au Sénégal. Elle est préjudiciable à l’éclosion démocratique et au souci de transparence toujours clamée par l’Etat. Elle active et entretient une corruption quasi institutionnalisée créant des frictions sociales et un soupçon de non transparence dans la gestion des affaires publiques.
- Face à cette situation de pauvreté devenue endémique chez nous, la décentralisation de l’offre politique désormais libéralisée et la longue attente des jeunes pour trouver l’insertion dans un environnement d’incertitudes crée chez eux un raccourci et précipite leur engagement pour la politique devenue un ascenseur social et un moyen de promotion économique rapide. Il est temps de préciser que le dévouement d’un jeune à la politique est une option louable, car le champ politique est un champ de formation, une école d’apprentissage des valeurs citoyennes et du comment vivre ensemble.
Mais, chez nous, une telle situation a créé la capture de l’Etat pris en otage par des groupes souvent inclassables et disparates, non maitrisés qui naviguent entre pouvoir et société civile pour se remplir les poches et revenir à la base politique dans le but de raviver les foules.
En outre, dans ce tableau assez sombre, les mouvements de soutien trouvent un terreau facile et fertile à l’expression de leurs forces. Ils se consolident et deviennent une sorte de paravent, évoluant comme des vases communicants entre les populations dont ils sont plus proches et les partis politiques. Voilà qui crée un espace de business protégé par les différents acteurs dont les promoteurs (leaders politiques et mouvements de soutiens intermédiaires utilisés comme points focaux et points de chute) et les masses sociales.
Faites l’exercice très simple et promenez votre curiosité en demandant aux populations le mobile de leur adhésion aux partis, vous risquez de tomber sur cette surprise très amère en comprendre que leur premier motif relève d’attentes et d’intérêts pour la plupart exclusivement financiers qu’ils soient avoués ou non.
Aujourd’hui, cette photographie politique se voit dans toutes les quatorze (14) régions du Sénégal où l’on retrouvera pratiquement les mêmes modes opératoires. Pour s’en rendre compte, il suffit de scruter les moments de rassemblements populaires du genre meetings de masse et apprécier le contenu des pancartes, tableaux et affiches scandées, un décor souvent ignoré mais qui dit tout sur notre environnement politique.
Cependant, une interrogation demeure toujours ; c’est-à-dire que recherchent les mouvements de soutien politique dans ce jeu ?
Il faut l’avouer, les méthodes de conquêtes du pouvoir ont changé avec la naissance de réseaux et d’alliances plus fortifiées localement.
Toute tendance qui explique qu’à ce jour, à force de s’imposer les mouvements de soutien sont devenus des incontournables de la politique. Mieux, pour des raisons de proximité avec la base, ils ont la capacité de déloger un électorat souvent caché et de convaincre les indécis de participer au jeu démocratique, une action que ne pourraient réussir les grands partis. Ce visage de la politique me direz-vous a toujours existé chez nous, mais il s’est renforcé en épousant d’autres contours plus adaptés à la situation du moment.
Donc, les mouvements de soutien fonctionnent finalement comme des réceptacles d’électorat et des espaces de récupération et de mobilisation au niveau local. Leurs stratégies impacte et donne à la régulation politique une nouvelle configuration et grâce à ce travail de chasse gardée et à cette conquête, ils gagnent en privilèges sociaux et c’est également une porte ouverte comme contre partie aux nominations et à des poste de direction et de management de haut niveau dans la pyramide administrative et politique.
Alors, préparez vous, ne sera bon politique que celui qui a un bon business modèle politique à vendre parce que le produit est désormais commercialisé et rentable à qui sait s’engager.
Ghansou Diambang, Sociologue et travailleur social
Tel : 77 392 86 58/ 76 847 75 99 Mail : gdiambang@yahoo.fr