En prenant le pari d’aborder cette thématique, nous avons conscience de son extrême sensibilité, et de toute sa complexité dans un monde en constantes mutations.
Ainsi, dès l’entame, il faut l’avouer sans oeillières, le genre tout autant qu’il soit un sujet passionant dérange les esprits et apparait comme une sorte de caisse à raisonnance. Il souleve les interrogations les plus frustrantes et implique presque toutes les dimensions stratégiques de notre société: question de l’autorité et du pouvoir, blocages et pressions psychologiques intériorisées par les femmes, balbutiements de la cellule familiale en agonie, poids et influences de la religion, déliquescence des moeurs, charges psychosociales, émotionnelles et sexuelles, pesanteurs socioculturelles, traditions en situation de survivances, complexe de subordination profondement ancré dans la conscience féminine, affront supposé et mort programmée de la puissance masculine en déclin, agitements liés aux droits sociaux et à la question des minorités sexuelles, la liste pourrait être allongée).
Bref, toutes les thèses développées en la matière connotent une dose de préjugés, de perceptions, d’opinions personnalisées et reposent au finish sur des positions partisanes.
Epictete disait que: « Ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses».
Gill Whitty Collins consultante et coach le dira autrement dans un de ses best sellers intitulé: «Les femmes travaillent, les hommes triomphent».
En effet, parce que le sujet invite à questionner un des plus vieux leviers de l’humanité, celui des rapports entre femme et homme, la confusion est si profonde que les dérives quant à sa comprehension et son application dans le champ du développement posent problème.
Résumons nous pour dire qu’en termes de définition, toute la problématique du genre se ramène juste à un «construit, un système de perceptions, de rapports sociaux, de croyances axées non pas seulement sur la femme ou sur l’homme mais sur l’organisation de l’espace, de la famille, de la société, de la politique, de l’économie, de la culture, de l’idéologie, des loisirs, la manière dont nous exprimons notre leadership, nos émotions, nos salutations, nos fréquentations et interactions sociales» etc.
Le genre est une approche de développement, un nouveau paradigme pour accompagner et influencer les dynamiques de pouvoirs et les rapports femme-homme.
Ensuite, parlant justement de rapports, il s’avère évident et cela à tort ou à raison que nous avons toujours développé des conceptions binaires, voire purement manichéennes sur le genre, le tout dans une posture ou la femme est vue comme l’ opposée de l’homme.
Un peu de clarification, du point de vue de l’identité, l’homme n’est pas la femme et vice versa, mais, acceptons aussi que l’identité de l’homme ne se construit pas par opposition à celle de la femme, autrement dit aucun homme n’est homme parce qu’il est différent et supérieur à la femme mais parce qu’ils sont complémentaires et inclusifs même dans leur apparente différence naturelle.
Il ne s’agit nullment de blâmer les hommes pour essuyer les larmes des femmes.
Autre illustration, dans la dialectique du maitre et de l’esclave, l’esclave n’est pas l’opposé du maitre, mais plutôt son compélement. Il ne faut pas analyser leurs rapports avec les lunettes de la domination et de l’opposition si non l’idée même de dialectique n’a plus de sens.
Le rapport dialectique ne se ramène pas ici à des situations contraires, il est certes l’addition de statuts opposés mais, complémentaires. Dans un tel schéma, le sens du vécu et de l’existence de chacun d’eux n’a de valeur qu’en reférence à l’autre pas dans une dynamique d’opposition mais de complémentarité.
L’inclusivité en soi est naturelle avant d’être socialement construite et élaborée. Si comme l’admettent les textes religieux, Eve est une emanation d’Adam, cela veut dire qu’Adam ne pouvait aller sans Eve malgré leur difference de sexe.
Cette première alliance naturelle que Dieu a scellé reflète toute l’unité et condamne ces deux êtres dont nous sommes tous des descendants à être des modèles finis de complémentarité et de diversité.
L’inclusivité, c’est donc l’unité, c’est à dire l’association des différences et non leur soustraction. C’est également de la diversité par opposition à des clivages factices nés d’esprits manipulateurs qui veulent toujours enfoncer les cloisons homme-femme.
La notion d’obeissance n’a pas d’attribut féminin ou masculin. Elle prend toute sa signification dans une société de réciprocités et relèverait plutôt de différences naturelles. Adosser tout cela à des injustices sociales, c’est oublier que toute société est faite de rapports de forces.
En reprenant une publication de la banque mondiale titrée: «L’inclusion sociale: nécessaire fondation pour une prospérité partagée», (1997), quatre concepts clés ont une résonnance forte en rapport avec le genre, il s’agit de la «participation» des «capacités», des «opportunités» et de la notion «d’identité».
D’après cette source, l’inclusion sociale est: « le processus d’amélioration des conditions de participation des personnes désavantagées par le renforcement de leurs capacités, leur accès aux opportunités de base et la protection de leur dignité».
Ainsi, nous devons nous garder d’avancer certaines thèses littéralistes et de naviguer dans des clichés et des catégorisations sans fondement dans un domaine aussi glissant que celui du genre.
Il est tant vrai que nous avons de véritables difficultés de traduction linguistique sur le terrain du développement, car la plupart des concepts et terminologies à l’image de celui du genre sont un emprunt de l’occident souvent mal traduits lorsqu’on se retrouve en territoire local et dans le domaine du développment.
Ces manquements conduisent à des écarts de comprehension pour des acteurs aux profils différents (bailleurs, décideurs politiques, personnes ressources, populations).
En 1949, Simone de Beauvoir apprehendait déjà la femme comme une créature inachevée et en construction, comme qui dirait «l’homme est, alors que la femme est en devenir». Olivia Gazalé, parlera d’une révolution féministe loin d’être achevée dans l’histoire.
Cela est tout à fait vrai parce que nous sommes des sociétés à transformations rapides et vivons l’ère des droits sociaux et ce depuis les indépendances ou les années 70 avec les luttes d’émanicpation féminine. La manifestation de ce long processus est le combat pour la préservation des dignités et des identités jugées faibles et fragiles (pauvres, groupes vulnérables comme les enfants, les femmes, les handicapés, les minorités sexuelles).
En somme, le déclin du mythe de la virilité masculine telque préconçu sonne comme une onde de choc dans la psychologie collective des hommes.
Voici quelques éléments de cette situation;
- Ce n’est pas un écart de langage, mais dans le secret de nos intimités familiales et conformément à nos traditions, la femme se couche derrière l’homme qui est préssenti comme le sauveur et maitre du lit conjugal;
- Côté procréation, l’homme parcequ’il est le donneur, le pénétrant est vu comme le dominant alors que la femme reçoit, encaisse et subit;
Malgré tout, le devoir de prudence s’impose à tout le monde, concevoir aujourd’hui que le progrès de nos sociétés ou leur épanouisement passera par l’assujetissement de l’un des sexes, c’est avoir une vision tronquée et non fondée du bien être social, un franc coup de poignard à l’éthique humaine.
Tout aussi évident est que dans un monde civilisé, on ne peut pas construire une société juste et équitable sur le mal être et la souffrance d’un des genres (hommes ou femmes).
L’entretien et la mauvaise interprétation de certaines réalités persiste, et pour Tarik Ramadan, il est de nature à noircir davantage la question du genre. Parmi celles ci nous avons:
- Homme et femme sont égaux en droit et en dignité, mais ils ne sont pas similaires biologiquement;
- Il ya une mauvaise lecture et surtout de l’amalgame entretenu entre notre perception des habitudes et la réalité de ce qu’elles doivent être;
Nous confondons par exemple la répartition des rôles et la différence des statuts. Si l’homme n’engendre pas, il est le principal acteur géniteur et la maternité que l’on attribue exclusivement à la femme ne l’est pourtant pas. Elle n’a rien de biologique et englobe une dimension extrêmement vaste et sociale: amour, attention, affection, attachement, éducation etc.
- Dans la mythologie, on a une conception maléfique de la femme depuis qu’Eve a trahi Adam à manger le fruit interdit (pomme);
- Dans l’liade et l’odysée, il ya un partage métaphysique de la société, les hommes ont le legos (raison) et les femmes l’éros (douceur et procréation).
- Enfin, convient-il de le rappeler, au cours de l’histoire, les femmes ont toujours porté en elles le poids des malédictions que l’humanité a connu;
- Nous ramenons la division du travail sous l’angle de l’opposition des statuts sociaux. Or, elle se rapporte tout simplement à une organisation sociale des tâches et à une répartition des rôles selon les statuts et non à une confontation.
Parce que les statuts sociaux autant que les rôles ne sont pas figés, ils sont sujets à évolution et sont appelés à se transformer, reconnaissons que cette division du travail n’est pas un fleuve tranquille.
De nos jours, tout le défi du genre est de parvenir à trouver cette connexion entre le masculin et le féminin et de penser la question genre au delà du binaire.
Pour celà, il est impératif de dépasser les clivages et les dichotomies habituelles; homme versus femme, sexe versus genre, nature versus culture en allant vers des agrumentaires reconcilés.
Abordé de mille et une manière, toute la difficulté sera de savoir comment et quel genre enseigner à nos enfants tout en conservant l’esprit et le prototype d’identité que nous voulons incarner.
Le genre n’est pas la fin de l’homme ou du masculin, il est un projet de société, cependant, le mauvais genre peut conduire à la fin de l’humain.
Pour ne pas jeter l’eau du bain avec le bébé, homme et femme sont condamnés à vivre dans cette parfaite harmonie que la nature humaine nous impose et ce dans le principe du respect des chances égales et des possibilités et ressources dont dispose chaque sexe.
Ghansou Diambang, Sociologue et Travailleur Social
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