« C’est la crainte qui contient les méchants et non l’indulgence. » (Syrius)
Depuis quelques temps nous assistons à l’apparition d’un phénomène social d’une gravité extrême qui, si l’on n’y prend garde, peut constituer un facteur de déstabilisation de notre cohésion sociale, de notre tranquillité publique et de notre unité nationale, en somme, de remise en cause de la stabilité de notre pays. Il s’agit de la présence voire de l’envahissement des nervis dans l’espace public et de de la « légitimation » de leurs de leurs brutalités, de leurs violences et de leurs exactions sur les populations sans défense.
Il y a lieu de rappeler que la Constitution garantit les libertés individuelles et publiques, de même qu’elle consacre le caractère sacré et l’inviolabilité de l’intégrité physique de la personne. Et pour assurer ses missions et prérogatives régaliennes, l’Etat s’appuie sur les autorités administratives, les autorités judiciaires et les forces de défense et de sécurité. La Gendarmerie nationale et la Police nationale sont chargées, à titre principal, de la sécurité intérieure en assurant l’exécution des lois et règlements, ainsi que la protection des personnes et des biens, mais aussi celle de l’autorité publique puisque celle-ci, entravée ou empêchée d’agir, l’équilibre social disparaitrait. Pour accomplir leurs missions républicaines, la Police et la Gendarmerie sont dotées de ressources humaines et de moyens matériels nécessaires.
La Police nationale et la Gendarmerie nationale exercent leurs missions dans le cadre du contrôle social inhérent à toute forme d’organisation sociale et de groupements humains. Le contrôle social est défini comme « le processus destiné à assurer la conformité des conduites aux normes établies pour sauvegarder entre les membres d’une collectivité donnée le dénominateur commun nécessaire à la cohésion et au fonctionnement de cette collectivité et décourager toutes les différentes formes de non-conformité aux normes établies. » Dès lors, il appert qu’il faut des structures pour assurer l’efficacité de ce contrôle social ; la Police et la Gendarmerie sont préposées à cette tâche. On dit qu’il y a « fonctions policières lorsque, dans le cadre d’une collectivité présentant les caractéristiques d’une société globale, certains des aspects les plus importants de la régulation sociale interne de celle-ci sont assurés par une ou des institutions investies de cette tâche, agissant au nom du groupe, et ayant la possibilité pour ce faire d’user, en ultime recours, de la force physique. »
De tout ce qui précède, il est aisé de comprendre et d’admettre que seules les forces de défense et de sécurité, notamment la Police et la Gendarmerie, sont dépositaires, en tant que représentantes de la puissance publique, d’user de la violence physique légitime. Le cas échéant, cette prérogative régalienne est encadrée par des dispositions législatives strictes pour éviter un usage abusif. Par conséquent, la présence et l’utilisation de nervis dans le dispositif sécuritaire du maintien et du rétablissement de l’ordre est manifestement illégal.
Le phénomène des nervis n’est pas une nouveauté, il a existé lors des joutes politiques bien avant l’accession de notre pays à la souveraineté internationale. On a connu le temps des « tontons macoutes » du Parti socialiste, l’ère des « calots bleus » du Parti démocratique sénégalais et aujourd’hui « les marrons du feu » de l’Alliance pour la république qui, pour l’heure, font l’actualité. Toutes ces structures partisanes informelles ont une caractéristique principale commune, la propension à faire de la violence leur mode d’actions privilégié. La nouveauté et la source d’inquiétude avec les nervis de l’actuel pouvoir, c’est leur immixtion ou plus exactement leur introduction dans le dispositif sécuritaire officiel, alors qu’auparavant, les gros bras d’antan n’évoluaient que dans la cadre d’activités partisanes et privées, même si leurs pratiques étaient tout aussi condamnables au vu de la loi. Certains vous diront que les nervis ne sont pas dans le dispositif mais à la périphérie.
Aujourd’hui le phénomène des nervis de l’APR pose un véritable problème de sécurité publique et de paix sociale. C’est avec les émeutes du mois de mars que la réalité et l’ampleur du phénomène ainsi que ses conséquences néfastes, nocives et désastreuses se sont dévoilées au grand jour à la stupéfaction générale des populations. On a vu des nervis encagoulés à bord de véhicules de l’administration appartenant à des structures publiques clairement identifiées ; ces derniers étaient armés de bâtons, de machettes et de fusils, affichant ainsi une détermination et une intention manifeste de vouloir faire mal et du mal à leurs victimes elles toutes les formes de violences, de brutalités e d’exactions possibles.
Considérant les Sénégalais comme des demeurés et les prenant pour de véritables cintrés, certaines autorités ont déclaré qu’il s’agissait de policiers en civil, feignant d’ignorer que le travail du policier en civil est encadré par des textes. L’utilisation de policiers en civil dans les manifestations s’effectue dans le cadre de la police préventive et du renseignement ; ces personnels ne participent à aucune opération répressive, ni interpellations ni arrestations. En France, dans le cadre de la nouvelle doctrine inscrite dans « le schéma national du maintien de l’ordre », il est interdit de faire appel à ses unités non spécialisées dans le maintien de l’ordre (brigades anti criminalité, brigades de recherches etc…). Ces nouvelles mesures sont guidées par le souci et l’obligation de rendre transparentes les opérations de maintien de l’ordre ; la nouvelle règlementation exige que soit indentifiable tout membre des forces de l’ordre intervenant sur le terrain. A signaler que, pour déconstruire l’argumentaire de ceux qui évoquent les policiers en civil, le « mboldé », les machettes et les fusils de fabrication artisanale ne font pas partie de la panoplie d’équipements de maintien de l’ordre. Le ministre de l’Intérieur avait, en son temps, déclaré qu’il n’y pas de nervis dans la Police ; et lui donnant totalement raison, j’avais rétorqué qu’effectivement il n’y a pas de nervis dans la Police, mais qu’il y avait des nervis aux cotés de la police dans une synergie d’actions visibles et incontestables.
Le phénomène des nervis s’est accentué, s’est confirmé et a été plus visible lors des différentes tournées économiques de Monsieur le Président e la république. L’image la plus frappante et la plus désolante a été de voir une horde de nervis escortant le cortège présidentiel, les gendarmes presque mis à l’écart. D’ailleurs, les images nettes sont enregistrées pour l’attester, des heurts ont éclaté entre gendarmes, forces régaliennes représentant la République et des groupes de nervis dont les plus téméraires, certainement assurés d’une impunité, ont osé cracher à la figure des pandores qu’ils ne sont pas sous leur autorité. C’est inadmissible et inconcevable que de simples civils nantis d’aucune fonction ni responsabilité officielles puisse toiser des gendarmes à ce point, lançant ainsi un défi à toutes les forces de sécurité.
La Police nationale et la Gendarmerie nationale sont deux prestigieuses institutions qui garantissent la stabilité du pays, et à ce titre, elles doivent jouir de la considération et du respect de tous les citoyens. C’est un impératif républicain pour ces deux institutions de revoir leur posture par rapport aux nervis et d’imposer leur autorité qui ne saurait ni ne devrait être remise en cause par qui que ce soit. La Police et la Gendarmerie sont présentement dirigées par des cadres supérieurs émérites d’un très haut niveau qui partagent un vécu professionnel riche, une grand.DakarActu