Le Bureau régional de l’Ong Médecins sans frontières et l’Institut de recherche et de développement  (Ird) ont organisé une table ronde à l’occasion de la parution du livre: « La politique de la peur : Msf et l’épidémie d’Ebola ». La riposte à la propagation du virus qui a touché l’Afrique de l’Ouest, est sujette à controverse et les leçons à en tirer doivent préparer à de nouvelles réponses en cas de crise du même ordre.

Mars 2016. L’Organisation mondiale de la santé (Oms) sonne le glas de l’épidémie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest. Durant deux ans, le mot Ebola a hanté les consciences du monde globalisé, du moins au cours des six premiers mois de l’année 2014 lors du pic d’infection dans l’épicentre de cette crise sanitaire que constituait la zone comprise entre la Guinée, la Sierra-Leone et le Liberia. Durant cette période, des milliers de personnes sont infectées, beaucoup en sont mortes. En première ligne de la riposte sanitaire, l’Ong Médecins sans frontières (Msf) partie au feu pour endiguer la flambée épidémique. La politique de la peur : Msf et l’épidémie d’Ebola est un ouvrage collectif de l’Ong qui vient de paraître, dirigé par Michael Hofman et Sokhieng Au, il était en présence du premier cité, l’objet hier, d’une table ronde organisée par Msf et l’Ird (Institut de recherche et de développement).

Pour Michael Hofman, cette crise, par son ampleur et son caractère transnational, a  conduit Msf à «re­pous­ser ses limites» en ayant à traiter 8 000 cas. L’Ong, de plus, a été confrontée à «la remise en question de la notion de sécurité», du fait de la militarisation croissante des zones touchées où le focus à été mis sur le confinement à tout prix au détriment de l’appui aux équipes médicales. D’ailleurs selon lui, «au-delà des systèmes nationaux en difficulté, les centres de soins constituaient de fait les endroits à éviter au regard de leur caractère mortifère durant la crise». Sur 196 agents de santé déployés en Guinée, 100 sont morts après avoir été infectés par le virus.

Attaque de zombies
Pour Jerôme Mouton, chef de mission pour Msf dans ce même pays de juin 2014 à juin 2016, «la vision guerrière impulsée par l’Occident et relayée par le Président guinéen face au virus a renforcé la dynamique de la peur». Ses équipes et lui étaient dans l’obligation d’exercer un travail de clarification constante auprès des autorités et des compagnies aériennes pour permettre à Msf d’exercer sa mission, il explique ainsi que c’est seulement six mois après le début de la crise que Alpha Condé «prend connaissance du fait que la maladie se déclare après une période d’incubation de 40 jours et donc de l’inconsistance de certaines mesures face à un ennemi invisible et redoutable». Pour le Français, cette méconnaissance des acteurs a suscité une certaine incapacité à faire face à un virus perçu comme «une attaque de zombies propre à faire prospérer le fonds de commerce de la peur».

Jean-François Caremel, socio-anthropologue, relève avec le recul que l’approche adoptée a souffert d’ «une méconnaissance des origines populaires du virus qui s’est confrontée à celle des origines médicales entretenant un niveau élevé de flou sur le terrain et renforçant la décrédibilisation des réponses locales au virus».  D’après lui, «le dispositif exogène a relégué des communautés fantasmées à l’insularité de l’aide».

Michael Hofman insiste également sur la problématique suivante : «Lors du pic d’infection, Msf s’est retrouvée face à un choix. Face à une pénurie de traitements, l’Ong devait privilégier soit la quantité soit la qualité des soins à prodiguer à l’afflux de malades. Des questions d’éthique se sont alors posées.»  Dès lors, il s’agit de faire face aux incuries constatées et de savoir «comment répondre aux prochaines épidémies transnationales». Car, d’après l’ensemble des acteurs de cette table ronde, il faudra à l’avenir s’attendre au-delà d’Ebola, à des épidémies d’une telle ampleur. Avec lequotidien.sn

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