vendredi, avril 19, 2024

ABDOULAYE BALDE : «D’ici à la fin de l’année, on va révolutionner l’agriculture sénégalaise»

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Abdoulaye Baldé, le ministre  de l’Agriculture, a sillonné toute la vallée du fleuve Sénégal. Au sortir de ce périple de 4 jours, il a bien voulu accorder à L’Observateur un  entretien exclusif.

Monsieur le ministre, depuis vendredi, vous sillonnez la vallée du fleuve Sénégal. Pourquoi avez-vous entrepris une telle démarche ?
J’ai voulu séjourner dans la vallée pour rencontrer les acteurs, voir les réalisations de mon département, visiter la Saed (Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du delta) pour pouvoir apprécier les problèmes et voir dans quelle mesure nous pouvons apporter des solutions. C’était cela le prétexte de notre visite dans la région de Saint-Louis.
Aussi bien à Dagana qu’à Podor, les producteurs se plaignent. Concernant la filière tomate, à cause de l’apparition d’une maladie qui a attaqué la production, c’est le rendement qui va connaître une baisse drastique et pour l’oignon, les paysans redoutent une mévente à cause de l’oignon importé qui inonde les marchés. Quelles sont les solutions que vous préconisez. 
Effectivement, il y a une attaque au niveau de la production de tomate. Nous nous sommes rendus aux champs de tomate et nous avons constaté quelques attaques. Nos services techniques, il faut le dire, ont fait Les prélèvements et ont procédé à des analyses. Il y a eu des investigations sommaires et des hypothèses ont été émises concernant le retard des semis ou bien la qualité des semences, la chaleur, etc. Mais nous allons approfondir ces investigations sur une ou deux campagnes pour avoir une idée nette et définitive par rapport à ce problème. Pour l’instant, les investigations continuent et nous sommes vraiment désolés par rapport à ce qui s’est passé. Il faut une évaluation beaucoup plus précise pour savoir le niveau de perte. Certains disent que le niveau de perte est important, d’autres disent que ça ne va pas beaucoup altérer la production. Mais il faut se faire une bonne idée avant de proposer des solutions qui puissent permettre aux paysans de faire face à leurs engagements. Et aux industrielles de pouvoir également honorer leurs engagements.
S’agissant maintenant de la mévente de l’oignon, c’est inquiétant parce que la production est importante cette année. Des dispositions ont été prises et les rendements sont bons, mais il y a un problème pour l’écoulement. Avec notre collègue du Commerce, nous allons nous pencher sur cette question pour voir quelles sont les solutions à court terme.
Pour écouler l’oignon, il faut rapidement des solutions à court terme avant d’envisager des solutions à moyen et long terme. Nous avons le regret de constater que sur le marché domestique intérieur, il y a de l’oignon qui provient de l’extérieur et ça freine l’écoulement de l’oignon local puisque nous n’avons pas beaucoup de capacités en termes de conservation et de transformation. Finalement, cela peut causer quelques dégâts et même créer un découragement des producteurs. Donc il y a un ensemble d’enchaînement. Il va falloir segmenter pour trouver des solutions au niveau de chaque segment.
Vous convenez avec nous que pour atteindre l’autosuffisance en riz, il faut nécessairement des semences certifiées. Cependant, il y a toujours des problèmes. C’est l’une des contraintes soulevées par les riziers ?
L’autosuffisance en riz est un programme très important pour le gouvernement. La qualité des semences notamment le riz. Pour cette denrée, nous avons un programme spécial que nous appelons le Pnar (Ndrl : Programme national d’autosuffisance en riz) et nous voulons qu’il soit opérationnel très bientôt. J’ai effectué une visite, samedi passé, à AfricaRice qui est un institut de recherches basé au centre de Ndiaye dans le département de Dagana qui nous accompagne beaucoup en rapport avec l’Isra pour améliorer les variétés en termes de rendement, de qualité, de parfum, pour répondre aux besoins des consommateurs sénégalais qui sont très exigeants en termes de qualité. Les Sénégalais aiment et connaissent le bon goût. Ce n’est plus un problème de   production de quantité, mais il faut coupler cette quantité avec une qualité meilleure.
Les producteurs veulent une plus grande concertation sur l’assurance agricole pour une meilleure sécurisation de l’activité agricole. Qu’est-ce que cela vous inspire ? 
C’est un élément important surtout dans l’aspect financement parce que le financement, ce n’est pas simplement la mise à disposition des crédits, c’est également la sécurisation du financement. Donc, l’assurance joue un rôle important. Vous avez constaté qu’il y a eu cette attaque au niveau de la tomate et il n’y a pas une assurance qui prend en charge cette dimension.  Nous allons faire une sensibilisation sur ce mécanisme qui existe déjà et qui n’est pas très connu des producteurs. Nous allons veiller à ce que les primes soient abordables et qu’elles puissent couvrir un ensemble de risques notamment ces maladies. Et si c’était le cas, l’endettement ne devrait pas constituer un problème au point que les paysans pensent qu’ils sont devenus insolvables et il faut annuler leurs dettes. Si tel est le cas, ça  va poser un problème de viabilité de la Caisse nationale du Crédit Agricole du Sénégal (Cncas). Il faut rappeler  que la Cncas est principalement la seule banque qui accompagne l’agriculture. Il ne faut pas la fragiliser puisque des mécanismes existent. Il faut les utiliser pour que nous ne puissions pas souffrir d’absence de financement. Si la Cncas venait de tomber en faillite se serait une catastrophe pour le département de l’agriculture.
La campagne hivernale passée était marquée par des grincements de dents surtout avec le cas d’huiliers qui n’ont pas apprécié la libéralisation de la vente de l’arachide. Est-ce que cette situation n’engendrera pas des pertes d’emplois au niveau des huileries ?
Je pense que les huiliers ont compris parce qu’à l’heure actuelle, ils sont en train de faire des efforts. On avait déjà, dés le début, attiré leur attention sur ça parce que la libéralisation est de faite. On ne peut pas interdire aux paysans de vendre convenablement leur production. Soit nous évoluons dans une filière avec des contrats entre les huiliers et les paysans comme cela se fait avec la tomate ou l’oignon. Ils interviennent en amont comme le fait peut-être l’Etat en accompagnant les producteurs, en donnant des intrants, en les encadrant et surtout en proposant aux producteurs des prix, sinon on n’a aucune maîtrise dans un système de libéralisation des prix. C’est la loi du marché qui va s’imposer. Et s’il y a d’autres acteurs, parce que nous sommes dans un conteste de libéralisation, les prix ont tendance à connaître une hausse. C’est ce qui s’est passé. Déjà, leur niveau de collecte actuel à dépasser ce qu’ils avaient pu collecter l’année dernière. Cela veut dire qu’ils n’auront pas de problème de production, mais plutôt un problème de stratégie commerciale. A l’avenir, nous allons veiller à ce que l’interprofession marche et que les gens se concertent davantage. Et faire de sorte que les signaux soient analysés. Il ne faut pas aussi sacrifier les paysans car les prix rémunérateurs, il faut les garantir. Ils  produisent de l’arachide, ça a un coût et c’est pour cette raison que les paysans gèrent leurs stocks. Ils vendent une partie de leurs stocks pour régler quelques petits problèmes. Ils gèrent leurs stocks, ils les gardent en fonction de ce qu’ils veulent avoir en termes de prix. Chacun à sa stratégie.
Où en êtes-vous avec la reconstitution du capital semencier ?
Le programme de reconstitution du capital semencier va être opérationnel cette année. Nous avons des ressources pour cela. Nous avons une inscription budgétaire de 5 milliards FCfa pour la reconstitution du capital semencier y compris l’arachide et pour toute la production de semences. Donc, Ce sont des aspects  institutionnels qu’il faut régler ,mais le programme va démarrer cette année.
Dans votre département, il y a l’agriculture et l’équipement rural, mais ce deuxième volet semble être le parent pauvre de votre ministère…
Justement, nous sommes passés d’une inscription budgétaire l’année passée de 200 millions à 5 milliards FCfa, cette année. Nous avons un plan d’équipement rural qui est une inscription budgétaire et nous avons dans le cadre de notre coopération avec le Brésil, 70 millions de dollars pour équiper le monde rural. Donc le secteur agricole.
Vous verrez d’ici à la fin de l’année qu’il y a un important lot d’équipements qui va arriver pour révolutionner l’agriculture sénégalaise.
Le Président Macky Sall avait annoncé l’acquisition de 1 000 tracteurs, mais depuis cette annonce faite le 31 décembre 2012, toujours rien, si l’on sait que les Sénégalais attendent depuis 3 mois ?
Trois mois, c’est trop juste. Il y a des procédures. Cela peut être long même si c’est un marché. Un marché peu prendre facilement 6 mois et nous y sommes. Nous étions récemment au Brésil pour rapprocher les procédures afin d’avancer dans l’acquisition de ce matériel. Je pense que d’ici à la fin de l’année, ce matériel sera disponible.
Vous étiez au Brésil, alors peut-on savoir ce que cette visite peu apporter à l’agriculture sénégalaise ? 
Le Brésil a eu un programme dans le cadre de «plus de nourritures». Il a voulu accompagner les industriels brésiliens à  exporter ce matériel  agricole du Brésil. C’est dans ce cadre qu’un certain nombre de pays africains ont sollicité  le Brésil afin qu’il accompagne leur équipement. Le Sénégal est en bonne voie et c’est ce qui a motivé ma visite au Brésil pour rapprocher les procédures, raccourcir les délais, discuter avec les industriels importateurs de matériel brésilien. La Chambre de commerce, le ministère du Développement agricole et le Président Macky Sall étaient même montés au créneau pour discuter avec madame la Présidente du Brésil.
Vous militez à Kolda, dans le sud du pays. Avez-vous des ambitions politiques dans cette localité ?
Bien sûr que nous avons des ambitions. Si nous sommes là, c’est parce que nous avons des ambitions. Nous voulons aider les populations et contribuer au développement du pays.
Concernant les Locales, dans votre parti, l’Apr, certains pensent que vous devez aller seuls aux élections d’autres pensent le contraire. Peut-on connaître votre position sur la question ?
Oui, il y a des gens qui pensent que nous pouvons partir seuls aux élections locales et d’autres pensent qu’il faut y aller avec la coalition Bby. En ce qui me concerne, je pense qu’il faut qu’on aille aux Locales de 2014 dans le cadre d’une coalition. C’est toujours important  d’être dans le cadre de la coalition.
Rester dans une coalition est-ce que cela ne prouve pas que l’Apr n’a pas les coudées franches pour aller seule aux Locales ? 
Bien sûr que nous avons les coudées franches pour aller seuls aux Locales. Mais nous sommes dans le cadre d’une coalition. Une large coalition et ce n’est pas à l’APR de briser cette coalition. Nous ne sommes pas dans cette logique. Nous sommes ouverts et nous travaillons dans le sens du maintien de la coalition et surtout aider le président de la République à atteindre ses ambitions.
EL HADJI TALL (GFM)

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