vendredi, avril 19, 2024

Coups d’Etat en Afrique de l’Ouest :  symptômes d’une désintégration ? (Par Ghansou Diamang)

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Depuis 2 ans l’Afrique de l’Ouest semble renouer avec un cycle infernal de tensions et de troubles qui planent sur l’étendue de ses pays. Des attaques djihadistes aux coups d’Etat en passant par les multiples contestations de la société civile et des populations d’une façon générale, le chaos s’est installé, l’instabilité est devenue courante exacerbant les frustrations et accentuant la méfiance tantôt entre groupes sociaux, tantôt entre gouvernants et citoyens.

Comment expliquer cette crise devenue endémique et à la limite contagieuse avec une cascade de coups d’Etat dans un espace sous-régional que tous croyaient être l’un des ilots de subsistance de la démocratie et surtout un havre de paix en Afrique 

Raisons principales, une accumulation d’erreurs que nous analyserons dans les lignes qui suivent :

  • Les erreurs de la CEDEAO :

La CEDEAO, il est vrai incarne un modèle d’expérience bonne et forte en termes d’organisation sur le plan théorique, mais elle traverse actuellement des moments difficiles.

En effet, né le 28 mai 1975 la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest est une organisation intergouvernementale. Elle regroupe 15 pays avec pour objectif : coordonner les actions des pays membres, promouvoir la coopération et l’intégration économique et monétaire, assurer la stabilité sociopolitique et économique avec la mise en place de l’ECOMOG créée en 1990 et conçue pour représenter le bras technique, militaire et sécuritaire de l’institution désormais chargée de veiller au maintien de la paix dans tout l’espace géographique de l’organisation.

La CEDEAO à ce jour souffle presque ses cinq décennies d’existence avec des résultats jugés mitigés. Hormis ses réussites épisodiques remarquées dans le théâtre de certaines opérations, le seul nom de l’institution inspire échec et découragement. D’ailleurs, nombreux sont les analystes qui pensent que le seul grand succès énuméré à son compte est le règlement sans effusion de sang de la transition électorale en Gambie en 2017 à la suite du refus de Yaya Diamé de céder le pouvoir après son échec devant Adama Barro choisi majoritairement par l’électorat gambien.

Les pathologies citées pour décrire l’institution sont flagrantes et connues de tous : mauvaise image de l’institution, déficit de légitimité populaire, déconnexion totale des réalités Africaines, dysfonctionnements et mauvais management, tiraillée entre puissances étrangères et la nouvelle génération soucieuse de prendre son destin en main, nombreux sont ceux qui pensent qu’elle fonctionne comme une sorte de prolongement de la colonisation manipulée et instrumentalisée par l’occident pour assoir sa mainmise sur l’Afrique. Aujourd’hui, l’institution n’existe que par son ombre avec ce matraquage médiatique dont elle est victime, opportuniste dans ses interventions souvent ciblées juste pour condamner, se ramenant à un groupuscule de chefs d’Etat qui tentent vaille que vaille de sauver sa peau.

  • Les erreurs des dirigeants Africains :

Une des fautes fatales de nos dirigeants c’est qu’ils savent écouter l’occident mais ignorent leurs propres populations, ils aiment l’Afrique pour ses ressources vues comme une aubaine pour s’enrichir et enrichir l’occident, mais détestent les Africains, ils aiment et la gouvernance et la démocratie, mais détestent les principes les plus élémentaires de cette démocratie que sont ; la contradiction et la reconnaissance des libertés d’expression y compris celle de critiquer et le courage de s’opposer, ils aiment diriger mais n’ont pas le leadership requis pour bien gérer les besoins de leurs peuples, ils aiment brandir ce slogan pour une Afrique une et unie, mais préfèrent se fier à leur égo personnel en se repliant sur eux-mêmes en cas de catastrophes.

  • Les erreurs de l’occident :

Incapable de se soustraire de cette vieille Afrique qui n’existe plus, les pays occidentaux ou disons la France peine à tourner le dos à une certaine politique de subordination qui l’a toujours lié à ses anciennes colonies.

Si la décolonisation n’a pas soufflé ses derrières bougies, la géopolitique a changé d’où une guerre entre besoins de libertés et besoins d’autorité. Cette nouvelle donne explique tout le sens de la défiance des élites Africaines face à leurs dirigeants et à l’occident. N’oublions pas aussi que la démocratie telle que vécue et utilisée est une importation de l’esprit colonial, copiée de l’extérieur mais très mal collée de l’intérieur.

Ainsi, ce sursaut de conscience que l’Afrique ne se développera que par ses ressources et ses hommes bouscule des certitudes millénaires, c’est-à-dire l’idée que seule l’intelligence africaine et l’endogénéisation de ses pratiques nous conduiront au développement.

Au finish, nous voulons tout simplement dire que l’occident a tout intérêt à adopter de nouveaux schémas de résilience géopolitique pour ne pas salir sa nouvelle image en entretenant une coopération fructueuse avec ses partenaires tout en ayant un regard de partenaires et non de sujets envers les pays Africains.

  • Et alors pourquoi tous ces coups d’Etats ?

Quand la corruption s’installe comme norme quasi acceptée et encouragée, le détournement de biens, le vol, les crimes financiers, l’injustice sociale et autres pratiques préjudiciables du genre deviennent monnaie courante, la valeur travail s’effrite, le mérite n’est plus un critère de choix.

Nous sommes dans cet état de guerre de tous contre tous comme le disait Hobbes, la révolte citoyenne et l’affront deviennent les seules réponses aux énormes dérapages.

D’emblé, il faut reconnaitre que l’irruption des coups d’états qui d’ailleurs ont pris une autre tournure plus pacifique est la réponse à toutes ces insuffisances politiques (tripatouillage des constitutions, dauphinat, brouillage des élections, violences et graves atteintes aux libertés citoyennes et aux droits de l’homme etc.).

Contre toute attente, le forcing du ch            angement conduit à des transitions anticonstitutionnelles non souhaitées, couronnées par l’arrivée des militaires au pouvoir et applaudis comme la solution finale (Guinée Conakry, Mali, Burkina Fasso, Soudan, Tchad).

Or, cela ne fait aucun doute, il y a des besoins universels et standards chez tous les peuples : le désir de liberté, la sécurité entendons la dans toutes ses significations (politique, économique, sociale, culturelle).

Cheikh Anta Diop, un panafricaniste incontesté disait que « La sécurité précède le développement ». En juin 2013, Barack Obama effectuait une tournée politique au Sénégal en donnant subtilement cette précieuses leçon aux dirigeants africains : « L’Afrique a besoin d’institutions fortes ».

Finalement, aux esprits avertis les troubles vécus en Afrique de l’Ouest n’ont rien de surprenant car avec la liquidation du charismatique guide Libyen Momar Khadaffi le 20 octobre 2011, l’Afrique a tremblé même si l’événement n’a pas frappé tous les esprits. Cet assassinat ouvrait réellement une plaie au développement de groupes terroristes.

Faute de politiques d’insertion socioprofessionnelles viables, nos dirigeants sont rattrapés par leur manque de vision et la fibre djihadiste devient une fenêtre privilégiée pour le recrutement de jeunes sans emplois, ni espoirs de vie au niveau de la sous-région avec la contribution apportée par le spectre de la migration clandestine qui va changer d’orientation et propulser les dynamiques de déplacements entre l’Afrique de l’Ouest et la Lybie en passant par le sahel, une route jadis sécurisée et fermée.

Cette nouvelle configuration géographique constituait un terreau fertile au développement d’une séries de pillages, banditisme, rapts, vols, viols, drogue, trafic d’armes, otages, passeurs de migrants clandestins.

 Face à la confusion généralisée et cette constellation de pratiques dangereuses, les populations ne savaient plus où mettre la tête, la problématique de la sécurité, l’insouciance des dirigeants face à une CEDEAO faible, en mal de stratégies, parfois partisane, la durée et l’inorganisation des puissances étrangères (barkane) soupçonnées de piller plutôt les ressources locales que de protéger les populations sont la goutte d’eau qui va faire déborder le vase.

Va-t-on vers une explosion ou une désintégration de la CEDEAO, ce n’est le souhait de personne, mais, mais il y va de la responsabilité de chacun, la CEDEAO doit être dissoute et refondée sur des bases plus adaptées au terrain prenant en compte les nouvelles aspirations des populations, les intérêts de l’Afrique de l’Ouest, refuser de se mouvoir dans cette CEDEAO purement institutionnelle, mais être le miroir de sa population qu’elle doit beaucoup écouter par rapport à ses aspirations de changement car, de sa légitimité et de son leadership, c’est-à-dire de ses aptitudes à maitriser les Etats dépendra l’avenir de la gouvernance et la stabilité en Afrique de l’ouest.

Ghansou Diambang : Sociologue et travailleur social

  77 392 86 58/77 617 48 12/ gdiambang@yahoo.fr

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