Coup de tonnerre politique au Japon: le Premier ministre nationaliste Shinzo Abe, 65 ans, prévoit d’annoncer vendredi son intention de démissionner en raison de problèmes de santé, affirment plusieurs médias nippons sans citer de source.
Selon la chaîne de télévision publique NHK, le chef du gouvernement, rattrapé par son ancienne maladie chronique intestinale, a exprimé son « intention de démissionner pour éviter de perturber la scène politique nationale ».
Il devait annoncer sa décision lors d’une réunion à partir de 15H00 heure locale (06H00 GMT) de sa formation politique, le Parti libéral-démocrate (PLD), dont il est le président, selon l’agence de presse Kyodo.
Un bouleversement dans la vie politique japonaise
Il doit aussi s’exprimer lors d’une conférence de presse à 17H00 heure locale (08H00 GMT). M. Abe occupe son poste de manière ininterrompue depuis fin 2012, un record de longévité pour un Premier ministre japonais.
Sa démission serait un bouleversement dans la vie politique japonaise, alors qu’il n’a pas de successeur évident au sein du PLD. Ces derniers jours, le porte-parole du gouvernement Yoshihide Suga avait par ailleurs tenté de balayer les spéculations sur un départ précipité.
Ce fidèle du Premier ministre avait encore répété vendredi matin s’attendre à ce que M. Abe annonce au contraire son intention de « travailler dur » tout en se soignant, et avait réaffirmé ne pas avoir vu de signes d’altération de sa santé lors de ses entrevues « quotidiennes » avec lui.
C’est une énorme surprise
Les observateurs s’attendaient aussi à ce que M. Abe reste à son poste jusqu’au terme de son troisième et dernier mandat de président du PLD prévu en septembre 2021, tout en gérant ses ennuis de santé.
« C’est une énorme surprise », a déclaré à l’AFP Shinichi Nishikawa, professeur de sciences politiques à l’université de Meiji de Tokyo après les informations de presse annonçant M. Abe sur le départ.
« Sa démission survient à un moment où le Japon fait face à des défis importants », dont la gestion de la pandémie de coronavirus, a-t-il rappelé.
« Il pourrait y avoir une situation politique confuse. Sa démission va avoir un grand impact » sur la politique japonaise, a encore estimé cet expert.
L’indice vedette Nikkei de la Bourse de Tokyo a brièvement décroché de plus de 2,6% après ces informations de presse, pour clôturer finalement la séance en retrait de 1,41%, alors qu’il avait démarré la journée en hausse. Le yen s’est quant à lui sensiblement apprécié face au dollar.
M. Abe avait déjà dû quitter le pouvoir au bout d’un an en 2007, notamment à cause d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, la rectocolite hémorragique, ou colite ulcéreuse.
Il disait depuis être guéri de cette maladie, mais les spéculations sur son état de santé et sa capacité à gouverner avaient été relancées ces dernières semaines, notamment après ses deux visites inopinées à l’hôpital en huit jours.
Popularité en déclin
La popularité de M. Abe a fondu ces derniers mois avec la pandémie de coronavirus, son gouvernement étant critiqué pour la lenteur de sa réaction à la crise, ses multiples revirements et maladresses, y compris du Premier ministre lui-même.
L’archipel nippon a été relativement moins touché par la maladie Covid-19 que de nombreuses autres zones du monde, avec environ 65.600 cas d’infections dans le pays depuis le début de la crise sanitaire pour quelque 1.200 décès.
Mais le nombre de cas locaux est fortement reparti à la hausse depuis début juillet, en dépit d’un état d’urgence mis en place par le gouvernement entre début avril et fin mai.
Le gouvernement a lancé ces derniers mois des plans d’aide record représentant un total de près de 1.900 milliards d’euros pour soutenir les entreprises et les particuliers, mais cela ne devrait pas éviter au pays une profonde récession cette année.
Le bilan de la politique de relance économique que M. Abe a initiée à partir de fin 2012, surnommée « Abenomics », est aussi très mitigé, faute de ne pas avoir mis en oeuvre des réformes structurelles de grande ampleur, et ses succès partiels ont été en grande partie balayés par la crise du coronavirus.