vendredi, avril 19, 2024

Abdoulaye Aziz Ndaw sur le cas du capitaine Dièye : «il faut… qu’il quitte l’armée»

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Le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw ne fait pas dans la langue de bois sur le cas du capitaine Mamadou Dièye, accusé d’avoir déserté les rangs et mis à la disposition de la brigade prévôtale. Un des rédacteurs des textes régissant la «Grande muette», il indique le sort destiné au capitaine qu’il égratigne au passage. Dans son analyse, l’ancien attaché militaire à Rome déclare que le capitaine Dièye est arrivé à un point de non-retour et est «irrécupérable». «Il faut que d’une façon ou d’une autre qu’il quitte l’armée», préconise-t-il.

Mon colonel, vous êtes un des rédacteurs des textes de l’armée. Que risque le capitaine Dièye ?

Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw : Ça dépend de ce qu’il a fait. Je n’ai pas tous les éléments. Il a formulé une demande de démission qui n’a pas été acceptée… L’Armée a le droit de ne pas accepter car il ne remplit pas les conditions pour démissionner et tenant compte de ses états de service. C’est quoi la procédure pour démissionner ? Les officiers ne sont pas des fonctionnaires, ils sont régis par un texte qui est le statut des Officiers d’active, texte qui date de 1963 et qui a été modifié je crois en 1978.

Que dit le texte concrètement ?

Ce texte définit différentes positions dans lesquelles un Officier est placé avec notamment la position d’activité et la position de non activité. Dans sa lettre, il a invoqué justement un texte… Être un Officier est un état qui donne des droits et des devoirs. Il crée des obligations aussi bien pour l’Etat que pour la personne qui bénéficie de l’Etat. L’Etat peut mettre fin à l’état de l’Officier dans des conditions précises comme l’Officier peut renoncer à son état dans des conditions précises. Un formalisme juridique couvre tout cet ensemble pour assurer que l’Officier serve dans le respect de la discipline et aussi assure que l’Etat garantisse et respecte ses droits. Le plus important reste que l’Officier est en situation d’activité ou de non activité.

Cela veut dire qu’un officier peut démissionner quand il veut ?

Non. Tout dépend de son temps de présence dans l’Armée d’active. Il lui est reproché d’avoir déserté les rangs.

Quelles sanctions encourt-il?

S’il a déserté c’est à dire rompu la relation sans accord avec l’Armée, il est justiciable des juridictions à formation spéciale c’est à dire dans son cas, du tribunal régional de Dakar avec une composition spéciale dont deux assesseurs militaires plus gradés que lui.

Dans votre cas, il y’a eu arrêt de rigueur, n’est-ce pas la même procédure ?

Il a enfreint le Code de justice militaire si la désertion est retenue contre lui. Pour mon cas, l’Armée a jugé que j’avais enfreint le règlement de discipline générale. On m’a appliqué une procédure disciplinaire et lui on lui a appliqué non seulement la procédure disciplinaire, mais aussi une procédure pénale militaire. Les faits ne sont pas de même nature. Vous aviez dénoncé les tares, lui n’a fait que menacer…. On ne lui reproche pour le moment qu’une désertion en temps de paix que je sache.

Quelle peine encourt-il avec ce chef d’inculpation?

6 mois à deux ans de prison pour désertion en temps de paix. Avant cela, il sera puni d’arrêts de rigueur ou de forteresse de 8 à 60 jours dans le cadre du règlement de discipline générale. En outre, il peut faire l’objet de mesures statutaires pouvant aller de la suspension à l’exclusion de l’Armée d’active.

N’est-il pas injuste de le sanctionner si l’on sait que le capitaine Dièye a adressé au moins deux lettres de démission à l’autorité ?

C’est là où il y a problème. Le Capitaine est entré en service selon ses propres dires en 2006. Il a 12 ans de service. Il ne remplit pas les conditions statutaires pour démissionner librement de l’Armée. Le temps de présence détermine les droits. Il serait très simple dans de telles dispositions que desOfficiers ayant bénéficié aux frais de l’Etat de formations très pointues, démissionnent dès la fin de leurs études. Certaines formations peuvent coûter 1 million d’euros. Et nous n’arrivons à les réaliser que dans le cadre de coopération bilatérale et aux normes de l’OTAN.

L’Armée vous impose 10 ans de présence obligatoire après vos études ou votre stage. Est-il sûr de le laisser dans l’armée contre sa volonté ?

Tout dépend et l’Armée a les moyens de maintenir la discipline et notamment des mesures disciplinaires et statutaires. On n’aurait jamais dû en arriver là avec ce Capitaine. Son cas démontre une fois de plus certains dysfonctionnements dans l’Armée. A quel niveau ? Depuis deux ans le Capitaine fait des déclarations dans les réseaux sociaux tenant un discours très clair vis à vis de l’Armée. Une réponse ferme transparente et sans équivoque devait lui être apportée par ses chefs. Ses chefs notamment son Chef de corps puis son Commandant de zone et si ça ne suffit pas son Chef d’état-major aurait dû réagir et prendre des mesures. Quand un militaire pose un problème, ses chefs doivent lui répondre dans un sens positif ou négatif et en application stricte du règlement.

Vous trouvez donc logique qu’il soit arrêté ?         

C’est normal si on lui reproche une désertion. Il appartiendra au tribunal militaire de dire s’il y a désertion ou pas.

Avec son obstination à quitter l’armée, est ce que légalement, on pouvait lui accorder cela?

Oui et non. Un Officier qui n’a plus la vocation ni la volonté de servir doit quitter l’Armée. L’intérêt du pays est d’avoir des Officiers qui répondent aux normes et présentent les dispositions physiques et morales de servir. Il est bon de revoir les critères de recrutement, les critères de sélection et surtout le recrutement direct à partir de titre universitaire. Je n’ai rien contre les Officiers recrutés sur titre universitaire, mais je préfère la corniche, l’académie et après l’application. 5 ans de formation est un minimum pour former un Officier. Parce que j’estime que l’Officier doit servir un minimum de 15 ans pour pouvoir quitter. L’investissement est lourd.

On lui prête des ambitions politiques. N’y a-t-il pas risque quand la politique entre dans les casernes ?

Il a le droit d’avoir des ambitions politiques si cela lui chante. Il fallait à mon avis avoir le courage de le laisser partir de deux manières. Soit on accepte sa démission en ne regardant que l’intérêt strict de l’Armée qui ne peut maintenir en son sein un Officier politicien ou bien le foutre dehors pour indiscipline. Cette décision a manqué. J’ai senti une frilosité des chefs que rien a priori ne peut justifier. Beaucoup d’Officiers démissionnent pour diverses raisons. Beaucoup d’autres sont foutus à la porte pour diverses raisons. La politique ne peut et ne doit pas rentrer dans les casernes. Rien cependant n’interdit au Capitaine de rentrer en politique. L’essentiel est qu’il le fasse en dehors de l’Armée.

Personnellement êtes-vous tenté par la politique ?

Non. Je le répète chaque fois. J’entends rester militaire et rien que militaire. C’est pourquoi, je mets la barre très haut. Être Officier est un sacerdoce qui nécessite honneur foi abnégation. Il ne s’agit pas d’exercer un métier comme le fait chacun mais c’est être responsable de vie et de mort en exerçant un commandement pour le seul succès de notre pays. Ce sacrifice exige respect confiance et surtout une honorabilité sans faille. Il est important que l’Etat et surtout le chef de l’Etat veille sur l’honorabilité de tous les membres des Forces armées. C’est le prix pour que des hommes y croient et meurent pour le drapeau.

Mon colonel la sortie du capitaine Dièye n’est-elle pas liée au mal être dans l’armée que vous avez décrit dans votre livre ?

Je n’ai jamais remis en cause ma volonté de servir. Servir à un prix qui exige des chefs irréprochables. La discipline s’applique à tous du Général au Soldat. Il ne faut pas commettre l’erreur de rentrer dans l’Armée pour l’argent. Ceux qui courent après l’argent n’ont pas de place dans l’Armée, comme ceux qui veulent faire de la politique d’ailleurs. Ceux qui volent pillent et complotent mettent en danger la vie de soldats comme moi. Ce sont ces dysfonctionnements dont j’ai été victime que j’ai dénoncés.

S’ils sont protégés par les politiques ne faut-il pas s’engager justement ?

Ça n’a rien à voir avec un engagement politique. Les politiques ne peuvent et ne doivent pas cautionner de tels faits qui foutent en l’air le moral des Armées. Le cas d’un pays voisin est là pour démontrer que certaines dérives ont des conséquences irréversibles. Notre système est bon sous plusieurs compartiments. Mais, l’orthodoxe et une gestion rigoureuse sont une nécessité absolue pour rester aux normes. Certains dérapages minent le moral la confiance et la discipline.

Quels conseils donneriez-vous à votre cadet, le capitaine Dièye?

 Je ne peux pas le conseiller. J’aurais plutôt voulu qu’il soit officier dans mon unité. Je lui servirais d’exemple et je veillerais à ce qu’il respecte son idéal d’Officier qui est de conduire des hommes au combat. Je veillerais à ce qu’il croit et ait confiance. Si tel ne peut être le cas je trouverais les moyens de le foutre en dehors de l’Armée parce qu’il serait irrécupérable. Actuellement tel est le cas. Il faut que d’une façon ou d’une autre qu’il quitte l’Armée.

Toutinfo/L’As

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