mardi, mars 19, 2024

L’épisode Amy Collé Dieng ou les pièges de la politique ethnique, par Ghansou Diambang 

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Depuis l’intervention musclée et subite de la chanteuse Sénégalaise Amy Collé Dieng le 02 Août 2017 considérée comme une offense au  chef de l’Etat Macky Sall, le trouble semble s’être emparé de la conscience populaire des citoyens. Ce feuilleton quoique déplorable au vue de ses conséquences  notamment en termes d’inquiétudes pour l’unité nationale et l’avenir du pays,  tire malheureusement  toujours en longueur. Une situation qui partant de l’inertie des forces vives de la nation ne semble pas préoccuper nos autorités.

Sérieusement analysées,  les dérives de cette intervention remontent pourtant à des sources très lointaines pour les esprits avertis et qui observent avec une certaine lucidité  l’évolution de nos mœurs teintée  de dérapages sociaux, d’indiscipline civique, de violence pour un pays que l’on qualifie de modèle de la démocratie en Afrique.

Ce qui vient de se produire et qui n’a pas encore révélé son épilogue trouve une bonne part de ses justifications dans les conclusions des dernières assises nationales de 2007 qui ont frontalement pointé du doigt  « la crise des valeurs morales » et la perte  des différents ordres d’autorités  au Sénégal: la famille agonise faute de l’autorité parentale qui s’est amortie avec des liens distendus, la puissance politique s’affaiblit par laxisme ou manque de leadership, l’autorité religieuse tient sa suprématie mais perd de plus en plus son emprise minée par la confusion des identités, le foisonnement des confessions et la hantise des réseaux terroristes.

Par rapport à la goutte d’eau qui va faire déborder la  vase, il y’a eu beaucoup de spéculations et d’interprétations de coulisses, chose fort  normale si l’on reconnait et respecte le principe de la liberté d’opinion sur le quel je reviendrais.

Celui qui vous écrit ces lignes est un Sénégalais comme tout le monde affecté par le moindre mal qui hanterait son pays, je ne suis en rien victime d’un quelconque présage et je ne me présente pas comme un devin.

Cependant, je craints comme n’importe quel citoyen ayant le droit de se prononcer sur l’actualité de son pays que les  prochaines sources de notre instabilité risquent d’être soit la politique ou les réseaux sociaux, deux champs que nous ne parvenons plus à maitriser.

Or, je suis de ceux qui comme Max Weber croient que quand l’éthique et la responsabilité quittent le champ de la politique, il ne reste que des égoïsmes. C’est pourquoi, je donnerais quelques pistes de réflexion personnelle que je considère comme des preuves ou raisons tout simplement de ce qui nous arrive.

Preuve une : Jamais dans l’histoire de notre pays la politique n’aurait aussi mobilisé autant d’ardeurs, d’engagement, de méfiances, d’invectives, de conflits sociaux de voisinage, de divisions entre parents et de débordements idéologiques même si dans la réalité on ne vote plus par idéologie, mais plutôt par sanction ou affection ethnique et culturelle. Ces touches sensibles que l’on ignore ont pourtant fournit ailleurs  les plus grands conflits au monde aboutissant parfois soit à des génocides ou à des conflits tribaux voire identitaires ou ethniques. Que Dieu nous engarde.

Partant de là me direz-vous, nos sociétés souffrent de mauvaise communication ; une petite expression mal dite, un petit mot mal placé pèsent  plus lourds  et font  plus de dégâts qu’une Kalachnikov.

Preuve deux : Chez nous,  cet épisode macabre pourrait s’expliquer par une constellation de faits que l’on interprète souvent très mal : il en est par exemple de la maturité citoyenne et du regain d’intérêt pour la politique depuis la première alternance de 2000, une date inédite qui a marqué beaucoup de changements dans l’imaginaire des Sénégalais, dans leurs rapports aux institutions et surtout dans l’appréhension que beaucoup ont de la politique en observant les attitudes souvent mégalomaniaques et mercantiles de nos leaders.

Autant on aurait remarqué et c’est ce qui saute à l’œil nu,  un énorme  décrochage électoral c’est-à-dire une véritable chute aux bas fonds des intentions de votes et ce,  pendant tous les moments où le peuple est invité à se prononcer sur des décisions politiques (Référendum, présidentielle ou locales) qui lui concernent, autant ceux qui aspirent à diriger notre pays véhiculent des antivaleurs.

Excusez moi de cette conclusion un peu hâtive ; la première leçon que nous avons presque tous tiré est que  désormais la politique n’est plus un sacerdoce, elle est plutôt  un moyen d’ascension sociale, un lieu de partage du repas (Achille Mbembe).

Les alliances inter ethniques et les empoignades par camps inter opposés suite à ce délire notamment les sorties fracassantes de Assane Diouf, de Penda Ba j’en passe montrent que les grincements de dents étaient déjà là. Tenez, ces comportements ne sont que le prolongement de scénarii étonnants auxquels nous assistons chaque jour.

Preuve trois : Dans une toute autre perspective,  ces pratiques d’incivilité  prenant par endroits l’allure de faits divers ont d’abord été l’apanage des dirigeants politiques, quand devant toutes les caméras du monde des députés dits du peuple en arrivent aux coups de poings et se lancent insultes et menaces,  se dénigrent, se vilipendent sous l’œil vigilant des honorables citoyens et osent exposer à la vindicte populaire les montants faramineux détournés à des fins personnelles.

Preuve quatre : Un autre phénomène faisant office de mauvais signe est la multiplication des mouvements de soutien, ce jeu d’alliances  politiques sans identité souvent émaillées  de reliques parfois religieuses, ethniques ou professionnelles qui disent apporter soutien au pouvoir en place sous le couvert d’arguments fallacieux et que l’on ne prend pas le temps de contrôler véhiculant souvent des slogans ou des discours incendiaires.

Cette situation confirme un peu le constat amer d’Achille Mbembe qui pense que nous cheminons tout droit vers la fin de la démocratie, une denrée aujourd’hui très fragilisée  qui doit être encadrée.

Qui plus est, la notion de liberté d’expression qui est devenue un abus d’expression semble transformée   en arme pour vomir ses frustrations car, derrière cette prétendue liberté se cache la « responsabilité de la liberté d’expression » que l’on ne  prend jamais en compte.

La liberté, justement  voilà le principal  point d’achoppement, le  plus gros piège tendu aux  démocraties, j’allais dire à  l’humanité.

Preuve cinq: Ces conflits sur les réseaux sociaux  semblent montrer  que désormais la gouvernance au Sénégal suit une certaine spirale ethnique, comme qui dirait que le premier temps était celui des sérères (Senghor, Diouf), le second les wolofs (Wade) et le temps trois que nous vivons étant celui du couple Toucouleurs/Sérères ou disons Halpularéen (Macky Sall).

Preuve six : Globalement me direz vous encore faute de programmes viables, inculture politique  ou en tout cas pour des raisons non avouées, nos campagnes électorales fonctionnent comme des moments opportuns de règlements de comptes, d’extériorisation des frustrations, avec un ciblage très net de leaders, des calomnies de toutes sortes. Ce faux jeu porte des atteintes indélébiles à la compétition électorale faisant l’objet d’une récupération des populations.

Voilà pourquoi la rhétorique de la violence et du rejet deviennent des moyens de lutte et des instruments pour affaiblir l’adversaire. Attention, la démocratie que nous vivons  est  comme un œuf  très fragile entre les mains d’un somnambule.

« Plus jamais ça, pour que cette flamme de la démocratie continue à s’illuminer et que le Sénégal incarne pour toujours ce qu’il a été de par le passé, luttons contre la tendance ethniciste du pouvoir. On ne gouverne pas des Wolofs, des Sérères, des Halpularéens, des Diolas ou des Mandingues, mais on gouverne des Sénégalais ou disons simplement des humains attachés à des valeurs partageants des convictions ».

Ghansou Diambang
Sociologue et Travailleur Social
77 617 48 12 ou 70 864 27 65

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