dimanche, mai 12, 2024

Yahya Jammeh : Chronologie d’une chute aux enfers prévisible.

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L’histoire, comme dit l’adage est notre meilleure auxiliaire. Témoin des faits et des évènements, elle étale ce catalogue ambivalent u mérite des uns, pour leur implication bienfaisante au profit de leur communauté mais aussi de leurs agissements malheureux, en tout cas répréhensibles à l’endroit de celle-ci.
En politique, les erreurs anodines liées à l’imperfection de la conscience humaine se payent cash mais les cruautés extrêmes, qui très souvent donnent l’impression à certaines personnes qu’elles resteront impunies, finissent par frapper de l’implacable coup de la revanche de l’histoire.
Le cas du Président déchu de la Gambie en l’occurrence Yahya Jammeh, battu à plate couture aux élections du 1er Décembre dernier par une coalition de patriotes dirigée par Adama Barrow a été une frappante illustration.
Mais en remontant l’histoire politique de la petite et tumultueuse Gambie qui a vécu le martyr du despotisme et d’un règne sanguinaire marqués par la mainmise d’un homme sur toutes les institutions depuis plus de deux décennies, on peut, aujourd’hui, parler de délivrance pour un peuple qui aura vécu sous Yahya Jammeh les affres de la dictature intenable. Ce qui a fini par avilir l’état d’esprit des citoyens et installer une logique revancharde souvent différée mais latente. Cet état d’esprit de révolte silencieuse, mal contenue n’en cachait pas moins les turbulences d’un clivage ethnique savamment entretenu par l’homme fort de Banjul qui a toujours fait de l’ethnie Joola sa référence sécuritaire au point de frustrer les autres composantes socio ethniques ( Mandingue, soninké, peulh et autres groupes minoritaires dont les akous majoritaires dans la classe intellectuelle dans les secteurs de Banjul, Bakao, Bassé, Georges Town).
Ce schéma d’un règne Machiavélique, inspiré des modèles politiques les plus archaïques aura tant mal inspiré ce néophyte politique débarqué dans la sphère de la haute hiérarchie de l’Etat par le pur coup du hasard. Toujours reconnu comme un anti conformiste écervelé et vindicatif, le jeune soldat placé dans la proximité immédiate de l’ancien Président Daouda Kairaba Diawara, pionnier de l’indépendance de la Gambie, il fut l’un des éléments clés de la garde rapprochée au State House. Dans cet entourage à la fois privilégié, turbulent et vicieux, les subtilités dans le dévouement en termes de délation et de culte des principaux personnages proches du Chef de l’Etat, étaient des armes porteuses pour celui qui voulait bien accéder aux bonnes grâces et à la confiance absolue du pouvoir. Sur ce terrain, l’enfant de Kanilai était inégalable, notent certaines sources au fait de l’histoire d’un pouvoir marqué par le romantisme, la tolérance suicidaire sur un fond de libéralisme incontrôlé. Daouda Diawara n’était-il pas ce technicien vétérinaire fraichement débarqué de Londres comme un pion de l’administration Britannique coloniale mal imprégné de la sociologie d’un peuple difficile à gouverner sur les bases d’une rigueur absolue.
Au terme de plus d’une décennie de gouvernance pro coloniale dans un contexte d’indépendance proclamée de fait mais à la gouvernance moribonde commençaient déjà à exaspérer les esprits. L’éveil des consciences intellectuelles, consécutif à l’avènement de nouveaux pôles contestataires du pouvoir en place, inaugure la descente dans l’arène politique de Shérif Mustafa Dibba plusieurs fois rudoyé par le pouvoir de l’homme fort de Bathurst (Diawara) avant d’être rejoint sur le terrain oppositionnel par la bande pro Maoiste des Khalifa Salla, Bojan et autres. Dans cet environnement fait de persécutions à la face d’une Gambie où l’électorat était conçu non sur la base de la consistance programmatique des actes et du discours mais sur des bases d’affinités sociales et de prébendes individualistes, le discours des opposants était toujours considéré comme un sermon de fous.
Après le coup d’Etat avorté Kukoi Samba Sanyan en 1981, les gambiens qui sortaient de la torpeur d’une monarchie souple, en apparence mais endormante dans la réalité, prenaient conscience qu’il était encore possible de changer quelque chose dans ce petit pays à l’allure d’une bande effilée allant de l’Océan atlantique, à partir de Bakau jusqu’à Bassé en passant par Serre Kunda, Soma, Bansan et les nombreuses contrées socio culturelles du Combo, du Jaarasutukung et des bourgades Soninkés et Peulhs souvent représentées dans la légion expatriée.
Yaya Jammeh : le pouvoir sur un plateau d’argent
Comme l’appétit vient toujours en mangeant,Jammeh est arrivé au pouvoir, à l’improviste à la faveur d’un coup d’Etat improvisé qui a fini par conforter une gente militaire partie sur un fond de restructuration des instances d’une République en mal d’orientation. Ceci sur une gestion rigoureuse de l’entourage et des secteurs vitaux de l’appareil d’Etat et surtout de l’Armée réduits à l’obéissance à un ordre délétère plutôt timoré sous la direction d’un Diawara peu imaginatif . Les cinq majeurs qui ont animé ce commando de la transition, sous la forme d’un coup d’Etat, était composé de : outre Yaya Jammeh, du commandant du corps de la garde rapprochée, LaminKabaBajo , de Sana Sabarly, de SadibuHaidara, des frères Peter et Edward Sinhateh.
Mais les premiers signes de la chasse aux sorcières qui était la botte secrète de ce commando avaient été déroulés par Yaya devenu alors, à la face de la République le Chef de la junte pour avoir lu le communiqué révélateur du coup d’Etat à la télévision. Ce premier acte d’apparition publique qui posait déjà les jalons de tout son caractère d’homme de front annonçait ses ambitions hâtives et accaparistes des positions privilégiées dans cet espace de décision.
L’histoire politique de Yaya Jammeh, survenue comme un coup de jackpot , s’est renforcé à la faveur de son tempérament d’autocrate écervelé, belliciste à souhait, susceptible , cupide et revanchard.
Un trait de caractère que la marche tumultueuse et sanguinaire de son règne fera rejaillir à la face de la petite Gambie, au fil des années marquées par les affres d’un pouvoir autocentré et rudement contrôlé. C’est ce qui a expliqué, d’ailleurs tout le sens du vide qu’il a créé autour de lui soit, par des frustrations de ses collaborateurs soit par des assassinats avec à la clé la recette des emprisonnements implicitement sanguinaires comme dans le cas de SadibuHaidara , un des membres du commando du coup contre Jawara.
Le  » vide , stratégie privilégiée de ce nouvel homme fort a servi à éliminer bon nombre de ses compagnons comme les frères Edward et Peter Sinhateh, fils d’un père gambien établi à Londres où sa progéniture a vu le jour. Le subit écart provoqué par Jammeh pour justifier les contours de son plan macabre n’avait surpris personne mais de fins observateurs des manèges politiques du despote, avaient embouché la trompette de l’alerte patriotique. Ce contexte politique de manipulations cyniques par des prises de décisions impopulaires avait constitué une brèche pour le charismatique leader de l’opposition gambienne, Sherif Mustafa Dibba, dont la formation politique : le National Convention Party (NCP) était le pôle de ralliement de toutes les forces vives de la nation.
Cette résurgence de la verve contestataire des citoyens gambiens désormais avertis, combinée à l’action prodigieuse de la branche politique animée par le sociologue et éminent intellectuel Khalifa Salla et de nombreux intellectuels éparpillés dans la diaspora, trouvera un relais communicationnel efficient avec la pertinence des idées du groupe de Sheikh Sidiya Baio dont le travail de sensibilisation au niveau de la diaspora fera un échos et un reflet sur la conscience des populations gambiennes.
La pléthore de ministres souvent nommés et limogés à la faveur de ses humeurs, montrait, si besoin en était l’état d’esprit d’un homme caractériel et cynique.
La récente défection dans l’espace de sa représentation diplomatique de 12 ambassadeurs et celle du Maire de la capitale, Banjul sont assez édifiantes sur la fébrilité d’un système d’administration équivoque.
Mais l’œuvre de pression constante exercée par UsainuDarboet les autres partis de la coalition des 8 finiront par mettre la puce à l’oreille de Jammeh et de ses proches que rien ne peut plus être comme avant. Surtout que l’opinion publique et les internautes ont joué un role prépondérant.
Jammeh sur une corde raide
Le Chef d’Etat déchu de la Gambie, qui s’entête à s’accrocher au pouvoir, n’est pas loin de vivre ses derniers instants à un trône qui s’était aménagé contre toute logique comme un bien propre à la famille Jammeh du Kanilai.
Kanilai devenu le pôle de transfert de toutes les références de la République gambienne est devenu à la fois un antre de garantie sécuritaire, un vivier de puissance militaire et mystique.
La légion militaire gambienne placée au second rang du dispositif préventif du danger que Jammeh croit lui venir de partout, ceci à cause de sa susceptibilité naturelle, vit dans un espace limitatif d’opération. A cette composante militaire étrangère composée de libériens, nigériens et autres, se joint le bataillon du MFDC dans sa composante favorable à SalifSadio.
Mais Kanilai reconnu comme le lieu d’exécution de tous  » éventuels comploteurs ou de personnages réfractaires à la tyrannie du BabilyMansah, le roi qui défie les rivières et les fleuves, se trouve désormais placé au centre de toutes les attentions.
Ce richissime palais redouté et infranchissable, demeure en tout cas le point de l’énigme qui couve les derniers espoirs de résistance d’un homme qui a voulu se servir de son prestige de despote pour monter trop haut au point de défier ses concitoyens et le monde entier.
Désormais placé sur une corde raide, Yahya Jammeh n’est pas loin de vivre ses dernières illusions pour un pouvoir perdu qu’il tente de reconquérir par la force de la tyrannie.
En tout cas la rampe irréversible du processus de dénouement de cette crise entretenue par la force du mal est enclenchée. L’ultime choix de l’homme qui avait fait de son arsenal mystique impressionnant et de la fortune accumulée sur le dos du peuple ne saura défier, pour sûr, le juste rétablissement de la légalité institutionnelle gambienne et le devoir pour la communauté internationale de rétablir l’ordre dans ce petit pays englouti au sein de la République du Sénégal. Ce serait la juste revanche de l’histoire qui a toujours triomphé des faits et des évènements.

MBEMBA DRAME
Journaliste-consultant
e-mail : salimbaaba@gmail.com

 

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