Ancien ministre de la Justice de Dilma Rousseff, l’avocat brésilien José Eduardo Cardozo assurera la défense « complexe » de la présidente de gauche lors de son procès en destitution qui débute jeudi devant le Sénat.
La défense de Mme Rousseff s’adressera « aux sénateurs, à la société et à l’Histoire », a expliqué dans un entretien à l’AFP ce juriste réputé et excellent orateur de 57 ans, qui bataille depuis des mois pour dénoncer un « coup d’Etat » sans fondement juridique solide.
Question : Quel sera l’axe de votre défense ?
Réponse : « Il est évident que si cette procédure avait été conduite de manière rationnelle et équilibrée, elle aurait déjà été classée. Il n’existe aucune preuve qu’un crime de responsabilité (imputable aux seuls fonctionnaires publics) a été commis. Ce n’est qu’un prétexte pour la détruire. Il nous incombe de le montrer à la société brésilienne et à la communauté internationale pour qu’elles comprennent ce qui est en train de se jouer au Brésil: la destitution d’une présidente légitimement élue à travers des procédés illégitimes ».
Q : Quel rôle va jouer la présidente pour sa défense ?
R : « Elle va apporter son témoignage en tant qu’autorité mise en cause. Elle exposera en introduction son évaluation de ce procès, de la démocratie brésilienne, des incohérences de l’accusation. Elle répondra ensuite aux questions des sénateurs.
Indépendamment de la teneur des questions, agressives ou pas, la présidente Rousseff va se comporter en chef de l’Etat. Elle sera à la hauteur de son rôle historique ».
Q : Espérez-vous que l’aspect juridique pèsera plus lourd que lors des précédentes étapes ?
R : « L’impeachment est un processus juridico-politique et son appréciation politique exige l’existence d’un certain nombre de présupposés juridiques. Car s’il se résume à un procès politique, alors il y aura rupture institutionnelle, nouveau gouvernement illégitime et la démocratie sera bafouée.
Il est essentiel que le discours politique se place dans la perspective de démontrer l’absence de preuves, de mettre en évidence qu’il s’agit d’une décision purement politique que la Constitution interdit et que notre régime présidentialiste n’accepte pas.
La société a un rôle très important dans l’observation de ce qui est en train de se passer. Plus nous démasquerons les accusations, plus il apparaîtra clairement ce qui se joue derrière ce procès: une farce, un coup d’Etat ».
Q : Donc la défense va s’adresser à la société brésilienne ?
R : « Nous nous adresserons aux sénateurs, à la société, et nous parlerons pour l’Histoire. Nous aurons ces trois interlocuteurs : les sénateurs, la société, l’Histoire. C’est l’unique synergie possible pour démontrer que ce processus ne repose sur aucun fondement, que le Brésil est un pays dont la démocratie est encore très jeune et durement conquise pour être blessée de la sorte. C’est un peu l’idée générale de notre défense ».
Q : Envisagez-vous un recours ultérieur devant le Tribunal suprême ?
R : « Si l’on porte atteinte au droit de la présidente d’exercer son mandat et que cette illégalité est patente, le pouvoir judiciaire est fondé à intervenir. Nous n’écartons pas la possibilité de le saisir à tout moment, y compris après le vote (des sénateurs, NDLR). La Cour peut annuler tout ce processus. De fait, elle aurait déjà dû le faire car de nombreuses irrégularités ont déjà été commises ».
Source: RTLMONDE