vendredi, octobre 4, 2024

Ponction de salaire des enseignants: « Celui qui ne travaille pas n’est pas payé » indique Innocence Ntap Ndiaye

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Portée à la tête du nouveau Haut conseil du dialogue social, l’ancien ministre de la Fonction publique revient au-devant de la scène pour tenter de calmer un front social en ébullition. Vaste chantier, même si Innocence Ntap Ndiaye ne se sent pas perturber par l’enjeu du défi qui l’attend. Mais ce n’est pas le seul sujet qui l’intéresse, car la Ziguinchoroise compte bien œuvrer davantage pour la paix en Casamance. Elle qui a rejoint récemment le parti du Président Macky Sall, dévoile dans cet entretien ses ambitions politiques pour Ziguinchor. Innocence Ntap Ndiaye lâche quelques confessions sur ses relations avec l’ancien Président, Me Wade… 

Présidente, que pensez-vous de l’initiative prise par le Groupe Futurs Médias de décentraliser ses programmes ici à Ziguinchor pendant 4 jours ?

Je voudrais tout d’abord vous souhaiter la bienvenue dans la belle ville de Ziguinchor. Ensuite, je remercie le Groupe Futurs Médias pour le choix porté sur cette ville. Nous pouvons parler aux noms des populations pour vous dire que vous avez compris que ces mêmes populations avaient besoin de telles activités pour rendre plus proches les relations entre le Groupe Futurs Médias et Ziguinchor. GFM a pris une très bonne option aujourd’hui où l’on parle de l’Acte 3 de la décentralisation. Le support communicationnel est extrêmement important dans ce que moi j’appelle le désenclavement des esprits à la suite du désenclavement géographique, maritime ou aérien. Toute chose qu’on est en train de constater avec ses mesures prises par Monsieur le président de la République, le fait de venir, de mener des activités pendant quatre jours avec les jeunes, les femmes. Mais aussi en annonçant des projets structurant comme le démarrage d’une radio au niveau de Ziguinchor, la sortie d’un support avec le journal L’Observateur local.

En tant que Présidente du Haut conseil du dialogue social, pouvez-vous nous expliquer à quoi consiste le rôle de cette structure ?

Le Haut conseil du dialogue social a été mis en place par décret du président de la République. Si nous revenons un peu en arrière, nous pouvons voir qu’aujourd’hui, c’est un peu le cadre institutionnel créé à la suite de certaines avancées enregistrées par le Sénégal dans ses options sur l’échange social. Parce que c’est suite à la conférence sociale que le président de la République a annoncé la signature du pacte. Il y a eu aussi la signature du pacte de stabilité et d’émergence. Donc, la mise en place du Haut conseil n’est que l’acte fort qui venait suivre la volonté politique exprimée par le chef de l’Etat de faire en sorte que le tripartisme marche au Sénégal. Je veux nommer cette concertation constante entre les acteurs sociaux que sont les employeurs, les travailleurs représentés par leur centrale syndicale et le Gouvernement. Donc, c’est la marche normale que le Président a voulu marquer dans la série d’actions qu’il veut poser pour encadrer le social de façon générale. Il a bien voulu me porter à la tête de ce conseil. Une mission que j’assume avec beaucoup d’engagement. Nous avons été installés dans nos fonctions, le 27 mars (2015). La nomination est intervenue le 4 février (2015).

A quoi consiste cette mission ?

C’est d’engager un dialogue fructueux entre ces trois composantes que sont les employeurs qui créent la richesse, les travailleurs qui sont dans les entreprises qui doivent se battre tous les jours pour créer les richesses aux côtés des chefs d’entreprise et le Gouvernement. Le Haut conseil peut être conçu comme un socle, un lieu de larges concertations et de discutions pour anticiper sur certaines crises qui impactent négativement le développement.

Donc ce n’est pas fait juste pour caser une clientèle politique venue tardivement ?

Je ne pense pas. Parce qu’au moment où on créait le Haut conseil, je n’avais même pas encore rejoint le parti (Alliance pour la République). Lorsque nous avions quitté le Gouvernement, au niveau du ministère du Travail, j’avais organisé ces élections. Par la suite, j’ai quitté le Gouvernement le 10 mai 2011. Donc bien avant les élections. Après, il s’est passé deux ou deux ans et demi, et entre-temps le Haut conseil a été créé. J’étais une consultante qui était reconvertie sur le plan international, mais toujours dans le secteur du travail. Mais j’avoue que je travaillais beaucoup plus pour l’étranger. Avec des chefs d’Etat, comme en Côte d’Ivoire, au Gabon et ailleurs. Donc, je ne pense pas que le poste a été créé uniquement pour me caser. Et si je peux dire ce qui n’est pas un secret, il semble qu’il y avait beaucoup de candidats autour de ce poste. Ce que je ne savais même pas. Donc si je suis portée à la tête de ce Haut conseil, j’ose penser que le Président estime que je peux mener à bien cette mission, surtout sur les compétences et sur ma connaissance du secteur comme certains l’avaient dit après ma nomination. Je le prends en toute humilité. Mais je ne pense pas que c’était juste pour caser, il faut oser dire le mot, une transhumante.

Mais pourquoi vous vous sentez viser, surtout que vous dites partout que vous n’êtes pas une transhumante ?

Bien sûr. Pour ma part, je l’ai dit et redit. J’ai fait le Parti démocratique sénégalais et j’ai connu Abdoulaye Wade en tant que chef d’Etat, pas en tant qu’opposant. Je n’ai pas fait 26 ans d’opposition avec Wade. Je l’ai connu, quand il était au Pouvoir. Il nous avait aussi donné une mission à Ziguinchor pour nous battre afin de faire une alternance générationnelle au niveau de la mairie. Une mission que nous avons réussie avec beaucoup de résultats positifs. Je suis fière de ce travail qui a été fait avec lui (Abdoulaye Wade). Mais la vie doit continuer. Je ne vois pas pourquoi, parce qu’on a travaillé pour un régime, au nom de quoi, d’une éthique, on ne puisse pas continuer à travailler pour son pays. C’est même, à la limite, manquer de respect aux personnes qu’on taxe de transhumantes.

«Dans ma carrière politique, j’ai atteint le summum»

Mais est-ce que vous ne risquez pas de revivre la même situation à l’Apr, puisque vous semblez encore venue un peu tard ?

Je ne pense pas, parce que tout simplement je me donne dans une mission que le Président m’a confiée. Si c’est du point de vue de la carrière politique, j’ai atteint le summum. J’étais ministre, 17 mois après, je le dis toujours en toute humilité, j’ai été promue au rang de ministre d’Etat. Ce que les Sénégalais oublient parfois, c’est que je n’avais pas la tâche facile. Il y a des gens qui choisissent leur poste. Ils disent carrément qu’ils ne veulent pas de poste où il n’y a pas de budget colossal. Ils évitent, de la même manière, les postes où il y a des difficultés. Mais, lorsque je suis venue, toute femme que j’étais, première femme ministre de la Fonction publique, c’était une tâche lourde. La Fonction publique est le cœur de l’Etat. Mais je l’ai acceptée parce que je pensais que j’avais les capacités de travailler à la tête de ce département.

A l’époque, vous aviez réussi à organiser des élections de représentativité syndicale, les seules aujourd’hui au Sénégal, pourquoi avez-vous jugé nécessaire de les tenir ?

J’avais pris en compte la volonté politique du chef de l’Etat. Parce que nous étions arrivés à un paysage syndical assez difficile. Il y avait plusieurs centrales syndicales, rien que dans le secteur de l’Education, on dénombrait presque une cinquantaine de syndicats. Cela n’est pas pour arranger l’image du Sénégal. Je vous donne un exemple. Lorsqu’on allait à Genève à la conférence internationale du Travail, on se retrouvait avec la plus grande délégation. Là où d’autres pays avaient des délégations très restreintes, le Sénégal venait avec presque quarante personnes qui constituaient sa délégation. Et le Bureau international du travail (Bit) recommande fortement que les centrales les plus représentatives soient les interlocuteurs des Gouvernements. Il fallait qu’on puisse arriver à ces élections. J’ai pris en compte cette volonté politique, cette feuille de route et je me suis fixée un objectif qui était d’organiser ces élections. Cela aussi ne m’a pas coûté que des amitiés. Parce qu’avant moi, il y avait 8 ministres qui ont tenté, c’est le président Abdoulaye Wade qui le disait à l’époque et il disait qu’il savait que moi, je pouvais y arriver. Si vous vous rappelez, je suis sortie du Gouvernement et je suis revenue reprendre le même poste. Ce qui n’était jamais arrivé, par ailleurs. A chaque fois qu’il sortait un ministre, même s’il revenait, c’était pour occuper un autre poste. Mais moi, je suis sortie et je suis revenue pour occuper la même fonction amputée de la Fonction publique avec pour objectif d’organiser ces élections. Cela n’a pas été facile. Parce que les Sénégalais ne connaissaient pas ce type d’élections, les travailleurs ne les connaissaient pas non plus. Il fallait communiquer sur la nécessité de les faire. Sur la portée politique et syndicale de ces élections. Et aujourd’hui, personne ne les regrette. Avec toutes les difficultés qu’on a connues, les vices, on peut citer aujourd’hui les syndicats les plus représentatifs. Ils sont au nombre de cinq centrales syndicales et tout se passe bien.

Est-ce que de simples élections syndicales peuvent régler tout le problème des grèves récurrentes des enseignants ?

Je pense que c’est d’abord un premier pas. On ne peut pas dire qu’on peut régler ce type de problème d’un coup de baguette magique. Mais le premier point, c’est d’organiser ces élections au niveau du secteur de l’Education. Quand on les aura identifiés, le Gouvernement aura comme interlocuteur, les syndicats les plus représentatifs. Maintenant, il s’agira de dire s’ils seront cinq ou plus. Mais en tout cas, il fallait réduire de façon drastique le nombre de syndicats présents dans le secteur de l’Education. Et si ces élections étaient organisées, c’est une plus-value même pour les syndicats. Et nous, pour le dialogue social, c’est un challenge, parce qu’aujourd’hui, il est apparu la nécessité de former des acteurs sociaux. En plus, ce pacte signé doit être surveillé comme du lait sur le feu. C’est un grand pas que le Sénégal a fait en signant ce pacte. Il faut qu’on en tire profit.

Parlant de dialogue social, d’apaisement de la tension sociale sur le domaine de l’Education, êtes-vous d’accord avec le Gouvernement qui ponctionne les salaires des enseignants ?

Moi, la position que je défends, c’est l’application de la règle de droit. Et cette règle de droit dit que le salaire est la contrepartie d’un service fait et certifié fait. C’est ça la définition juridique. A contrario, celui qui ne travaille pas n’est pas payé. Le droit de grève, il faut savoir l’analyser à bon escient. Ponctionner n’est pas un mot que j’aime utiliser. Je préfère dire prélever sur le salaire d’un travailleur en grève. Maintenant, comme nous voulions apaiser, vous avez entendu le Président, le Premier ministre, c’est un discours d’apaisement afin de sauver l’année scolaire. Il appartient donc à l’autorité d’apprécier s’il faut retourner le montant des prélèvements effectués. Mais ce qui est sûr, c’est que le salaire est la rétribution du travail fait et certifié fait.

Vous êtes une fille de la Casamance et vous vous occupez du dialogue social, que peut être votre rôle pour le retour définitif de la paix dans cette région ?

Ce rôle, je l’ai toujours joué dans le cadre de la recherche de la paix en Casamance. Comme je l’ai dit, cela a toujours constitué ma ligne d’action. C’est d’ailleurs ce qui m’a obligée à faire de la politique. Parce que dans le temps, toute étudiante que j’étais, je me suis intéressée à la crise. Je voulais d’abord comprendre la crise. J’avais 28 ans et je ne pensais pas que j’allais un jour diriger un Haut conseil ni être ministre. Et c’est ça qui a constitué la ligne de fond de mon action politique. J’étais toute jeune étudiante, je me disais que qu’il y a la guerre chez moi, je ne comprenais pas parce que moi, je suis Sénégalaise. Et j’ai commencé mes recherches pour venir à Ziguinchor pour tenter de comprendre. Ce pas étant fait, j’ai été amenée à rencontrer le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). J’ai parlé avec eux et j’ai compris que certainement quelque chose s’était cassé en eux, soit par une désinformation ou bien une manipulation. Mais voilà des jeunes qui sont allés dans ce combat en pensant que la Casamance pouvait être indépendante. Nous avons joué notre partition. Je vais vous raconter parce que parfois, il faut rétablir les faits. En 1993, lorsque le Front nord a signé les accords de paix, j’étais à la base de cette signature des accords de paix. C’était à Bignona devant le Président Abdou Diouf et le préfet Diome. J’étais toute jeune, mais j’avais travaillé à ce que les éléments du Front nord constitué puissent déposer les armes. J’avais 28 ans. Je n’ai jamais voulu dire qu’on était frustré, parce que nous avons occupé de hautes fonctions dans ce pays. Et avant moi, d’autres Casamançais ont été des ministres. Donc, je disais aux membres du Mfdc que je n’ai pas souffert de ces frustrations.

Pour finir, quelles sont vos ambitions politiques pour Ziguinchor ?

Voilà maintenant la bonne question. Est-ce que j’ai le droit d’avoir des ambitions politiques ? Oui. Parce qu’on ne fait jamais rien sans rien. Je me suis battue jusque-là. Sur cette question, ça dépend des populations. Nous sortons des élections locales. Ça a été très dur, mais nous les avons perdues. Je pense que nous devons revenir avec beaucoup plus de forces. J’entends alors travailler aux côtés de cette équipe pour qu’on puisse faire l’alternance au niveau de la mairie de Ziguinchor. J’étais dans l’équipe qui avait réussi cette alternance en 2009. Même si j’ai été écartée par la suite. Mais je suis sûre que j’ai joué un rôle extrêmement déterminant dans les élections locales de 2009. Pour ceux qui connaissent Tilène (quartier de Ziguinchor) qui est ma base naturelle et il renferme le deuxième plus grand centre du point de vue électorat. J’ai du pain sur la planche et je vais y travailler.

Avec L’Obs

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