Les protéines ont plus d’une corde à leur arc ! Au-delà de leurs fonctions vitales à l’organisme et de leur rôle nutritif, ces molécules puissantes fabriquées par nos cellules peuvent détecter des maladies et des virus, et même attaquer des tumeurs.
Des protéines en or
Joelle Pelletier et son collaborateur, Jean-François Masson, du Département de chimie de l’Université de Montréal, se servent notamment des protéines pour faire du dépistage. Ils ont conçu un appareil qui repère les protéines caractéristiques de certaines maladies comme le cancer. Leur dispositif léger et compact, de la taille d’un ordinateur portable, obtient un résultat en une dizaine de minutes à partir de quelques gouttes de sang. Ce test pourra être fait directement dans le cabinet du médecin ou au département d’oncologie, afin de déterminer si un patient doit subir un examen plus approfondi ou pour ajuster un traitement de chimiothérapie. Rien à voir avec les méthodes actuelles complexes et coûteuses nécessitant un appareillage massif et un opérateur spécialisé ! « Nous utilisons une surface d’or sur laquelle nous greffons un récepteur, comme un anticorps. Comme il le fait dans notre système immunitaire, l’anticorps peut détecter des agents pathogènes de manière spécifique », précise Joelle Pelletier. Il suffit de déposer sur le film d’or un échantillon de sang ou d’urine, et quand les anticorps captent les molécules recherchées, l’or change de couleur. « On voit le tout à l’aide d’un spectromètre qui rapporte les longueurs d’onde. » La chercheure et son collègue travaillent à la création d’une entreprise pour commercialiser leur dispositif… dès que possible !
Une arme à double tranchant
De son côté, Normand Voyer, professeur au Département de chimie de l’Université Laval, utilise les protéines pour attaquer les cellules cancéreuses. Avec son équipe, le codirecteur du réseau PROTEO a créé en laboratoire un nanopoignard qui perce les cellules malsaines à mort. Cette arme est une molécule qui imite l’action d’une toxine virulente sécrétée par la bactérie Staphylococcus aureus, connue pour détruire la membrane des cellules, principalement celle des globules rouges. « Cette réplique modifiée de la toxine a été conçue pour être temporairement inoffensive le temps de voyager dans l’organisme et pour n’être activée qu’au contact des cellules cancéreuses de la prostate », précise Joelle Pelletier. Les résultats en laboratoire sont encourageants, mais le poignard n’est pas tout à fait au point. Une fois dégainé, il s’attaque bien aux tumeurs, mais aussi aux cellules saines aux alentours. Le chercheur tente de trouver un moyen de rengainer l’arme une fois les cellules cancéreuses anéanties. « Les résultats de ces travaux ouvrent la porte à la découverte de nouveaux antimicrobiens basés sur des peptides, des mini protéines pouvant trouer les membranes des microbes », pense la codirectrice de PROTEO.
Des molécules multifonctions
Dans le cadre de leurs travaux, les chercheurs de PROTEO collaborent régulièrement avec l’industrie et avec des organismes scientifiques, dont plusieurs deviennent partenaires du réseau. C’est le cas de Renée Bazin, directrice, Ingénierie cellulaire, à Héma-Québec. Cette dernière travaille à différencier les cellules sanguines à leurs différents stades de développement (globules rouges, plaquettes), afin de pouvoir produire au final des composantes sanguines plutôt que de devoir les prélever. « En caractérisant les protéines, nous tentons de mieux comprendre comment fonctionne le sang afin de mieux l’entreposer et, pourquoi pas, de créer du sang artificiel », révèle Joelle Pelletier.
Au-delà du milieu de la santé, les protéines servent aussi l’industrie des pâtes et papiers: des enzymes remplacent le chlore pour rendre les réactions chimiques plus efficaces à l’étape du blanchiment du papier. Du côté de l’alimentation, l’enzyme pectinase permet de clarifier le jus de fruits. Et dire que, selon les chercheurs, l’étude des protéines ne fait que commencer…
Ferloo