Le chancelier allemand Olaf Scholz a rencontré vendredi à Pékin le président chinois Xi Jinping, dans le cadre d’une visite très controversée en raison du contexte de défiance croissante de l’Occident face au régime autoritaire chinois.
Xi Jinping a affirmé que la venue de M. Scholz « renforçait la coopération pratique » avec l’Allemagne, selon des propos rapportés par la télévision publique CCTV.
De son côté, Olaf Scholz a indiqué qu’il souhaitait « développer davantage » la coopération économique avec la Chine, en dépit « de points de vue différents« .
« Nous voulons également discuter de la manière dont nous pouvons développer davantage notre coopération (…) sur d’autres sujets: le changement climatique, la sécurité alimentaire et les pays endettés« , a-t-il dit au chef de l’Etat chinois, selon une source gouvernementale allemande à l’AFP.
M. Scholz, premier dirigeant de l’UE et du G7 à se rendre en Chine depuis le début de la pandémie, a été reçu en matinée au Palais du peuple par le président Xi, a indiqué à l’AFP une source gouvernementale allemande. Il doit ensuite s’entretenir avec le Premier ministre chinois Li Keqiang.
La stricte politique du zéro Covid a conduit la deuxième puissance économique du monde à fermer ses frontières depuis bientôt trois ans.
Cette visite d’un jour, qui survient juste après la reconduction de Xi Jinping à la tête du Parti communiste chinois et du pays, est vue d’un oeil critique non seulement en Allemagne, mais aussi en France, à Bruxelles et Washington.
Renouant avec les visites en Chine de son prédécesseur, la démocrate-chrétienne Angela Merkel (12 voyages en 16 ans de pouvoir), le social-démocrate Scholz est accompagné d’une délégation d’industriels, dont les patrons de Volkswagen et BASF.
Or, la dépendance de la première économie de l’UE à cette autocratie, où les entreprises allemandes réalisent une part importante de leurs profits, est de plus en plus remise en question.
« Avec son voyage en Chine, le chancelier poursuit une politique étrangère qui conduit à la perte de confiance en l’Allemagne chez nos partenaires les plus proches« , a fustigé un député de l’opposition, Norbert Röttgen, déplorant « une démarche solitaire« .
« La Chine change »
Et même au sein de la coalition gouvernementale, les avertissements sont de mise: la ministre des Affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock, a exhorté à « ne plus dépendre d’un pays qui ne partage pas nos valeurs« , au risque de se rendre « politiquement vulnérables au chantage« .
Quelques jours avant le voyage, le chancelier allemand a cependant autorisé une prise de participation chinoise dans le terminal portuaire de Hambourg (nord). Washington a d’ailleurs fait pression sur Berlin pour limiter la part cédée au groupe Cosco.
Tentant de calmer les esprits, M. Scholz a promis « de ne pas faire l’impasse sur les controverses » au cours de cette visite.
Dans une tribune publiée juste avant son départ, le chancelier se dit conscient que « la Chine d’aujourd’hui n’est plus la même qu’il y a cinq ou dix ans« , citant notamment le récent congrès du Parti communiste chinois qui a cimenté le pouvoir du président Xi Jinping.
« Si la Chine change, nos relations avec la Chine doivent changer aussi« , a admis le chancelier allemand, esquissant un prudent changement de cap.
Pas d’interférence
Dans le domaine économique, il n’envisage pas de découplage vis-à-vis de la Chine mais une réduction des « dépendances unilatérales » avec « sens des proportions et pragmatisme« .
Il a égrainé les « sujets difficiles » qu’il comptait aborder lors de ses entretiens. Parmi eux, « le respect des libertés civiles et politiques ainsi que les droits des minorités ethniques« , comme les Ouïghours musulmans du Xinjiang.
Mais à Pékin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a prévenu: « La partie chinoise est opposée à toute interférence dans nos affaires internes et tout dénigrement sous couvert de discussions sur les droits de l’homme« .
Le chancelier a aussi promis d’évoquer « la situation tendue autour de Taïwan » et la guerre en Ukraine alors que la Chine revendique sa « neutralité » – vue par les Occidentaux comme un soutien tacite au Kremlin.
« Il est logique que Scholz et Xi apprennent à mieux se connaître en personne. Une ligne directe avec Pékin pourrait également être utile au regard du risque d’escalade de la guerre d’agression de la Russie en Ukraine« , note Mikko Huotari, directeur de l’institut Mercator d’études chinoises (Merics) à Berlin.
Mais il estime que le dirigeant allemand doit clarifier son message pour expliquer « à son propre gouvernement, à l’Europe et à la Chine l’orientation de la politique chinoise de l’Allemagne« .