jeudi, avril 18, 2024

Sénégal : Que pense la majorité silencieuse ? (Par Oumou Wane)

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Nous avons vécu une année terrible. Elle a commencé avec la crise de la Covid 19, y compris dans ses conséquences économiques et sociales qui durent toujours et s’est poursuivie par une escalade de violences liées à l’affaire Sonko-Adji Sarr.

 Le pays s’est saisi d’une colère après l’arrestation de l’opposant politique, le 3 mars, pour « troubles à l’ordre public », puis remis en liberté depuis, mais toujours sous le coup d’une accusation de viols. « Ousmane Sonko a été le déclencheur, mais il n’est pas le mobilisateur. Ce qui a mobilisé, c’est le mal de vivre d’une jeunesse face à un avenir en pointillé et un quotidien sans relief », a affirmé Seydou Guèye, porte parole de la présidence.

Une façon d’expliquer pourquoi l’insatisfaction de la jeunesse se nourrit aussi des conditions de vie précaires au pays, car nous en sommes-là et il ne suffit pas d’en faire le constat. Encore faut-il y remédier.

La pêche et le tourisme sont en berne, à cause de la raréfaction des ressources halieutiques et de la pandémie, et l’économie informelle est moribonde. À la présidence, on rappelle que 700 milliards de francs CFA (1 milliard d’euros) ont été investis pour l’emploi et l’insertion des jeunes depuis 2012.

Macky Sall a indiqué le 10 mars qu’au moins 350 milliards de francs CFA seront encore mobilisés sur trois ans pour soutenir la jeunesse et il a demandé une accélération de la réalisation de centres de formation professionnelle. Autant d’arguments et de promesses qui ont le mérite d’exister mais dont les fruits se font encore attendre.

Face à la brutalisation de la politique sénégalaise et des rapports sociaux, liée à la crise économique, aux inégalités sociales, au rejet du débat au profit des certitudes autocentrées, le « Gouvernement de combat » de Macky Sall ne suffit pas ! Le peuple attend des résultats et du changement et c’est pour maintenant. De plus, les Sénégalais ont le sentiment que l’Etat de droit est en recul et que la justice n’est pas indépendante. Il faut se méfier, certes, des étiquettes de «pays modèle».

Comme le Sénégal, les pays dotés des systèmes les plus démocratiques de la région, ne sont pas à l’abri de tensions, comme d’ailleurs n’importe quel autre pays.

Par ailleurs, les manifestants sénégalais dénoncent le flou entretenu par le président Macky Sall autour de sa candidature à la présidentielle de 2024. La question récurrente de son maintien au pouvoir est devenue le symbole d’une vague de contestations d’une violence inédite sur tout le territoire sénégalais. Mais notre président a t-il seulement émis sa volonté de briguer un troisième mandat ? Non. Alors, pourquoi cette perspective suscite des craintes importantes au sein de l’opposition et de la société civile ? Le vide peut-être de propositions ? L’absence cruelle d’alternatives de la part d’une opposition plus prompte au combat qu’au débat ?

Voici pourquoi j’aimerais entendre la voix dans notre pays de la majorité silencieuse. Ce plus grand nombre d’entre nous, que l’on n’écoute pas et qui n’en pense pas moins. La violence qui veut se saisir de notre pays n’est pas acceptable. Nous avons le droit au débat plutôt qu’au combat.

Camus écrivait : « La polémique consiste à considérer l’adversaire en ennemi, à le simplifier et à refuser de le voir. Devenus aux trois quarts aveugles par la grâce de la polémique nous vivons dans un monde de silhouettes…». Oui, c’est ce théâtre d’ombre qui nous empêche de taire nos rancœurs et de travailler ensemble au nom de notre patrie.

Au Sénégal, Ousmane Sonko tient un discours de rupture, dénonce la corruption et fustige un gouvernement qui ne travaillerait pas pour le peuple, mais est-ce à l’émergence de leaders populistes que nous devrons notre salut ? Lors des élections, on voit régulièrement émerger des candidats avec des discours moins convenus, qui s’adressent à la jeunesse plutôt qu’aux élites dans la mesure où les jeunes constituent l’écrasante majorité de la population en Afrique. Ils veulent des avancées économiques et sociales, des emplois et des revenus. Ce sont aussi ces attentes qui se sont exprimées au Sénégal. Quoi de plus normal ?

Mais pourquoi cette violence, pourquoi ces insultes et qu’en pense la majorité silencieuse ? À moins qu’il faille habituer nos enfants en leur disant qu’il est bon d’injurier. Que tous les heurts et combats de coqs qui sèment le chaos dans la République sont les bienvenus dans le débat national.

Au moment où la nation doit unir toutes ses forces pour combattre la Covid-19, faire face à la crise économique engendrée par la pandémie, s’organiser pour sa transformation sociale, ces déchainements de haine fratricide n’ont d’autres effets que de nous tirer vers le bas, nous saper le moral et d’anéantir nos rêves de développement.

Oumou Wane

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