mercredi, avril 24, 2024

CONTRIBUTION / Emigration clandestine : Transformer le péril en levier de croissance (Par Sanoussi Diakité)

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 L’émigration clandestine ou irrégulière est un drame, un péril humain avec son lot de naufrages en mer avec des pirogues bondées de jeunes ou la maltraitance subie sur les routes du désert. Le projet de migrants disparus (MMP) de l’OIM a dénombré plus de 16862 morts ou disparus en mer méditerranée entre 2014 et 2018 et s’ajoute à cela que sur le continent africain le centre mondial d’analyse des données sur la migration (CMADM) a révélé que 6615 décès de migrants ont été confirmés entre 2013 et 2018. Selon ce centre « La majorité des décès issus de la migration recensés en Afrique semblent s’être produits en chemin vers la Libye : les décès enregistrés depuis 2014 ont lieu principalement dans le désert du Sahara, au nord du Niger, au sud de la Libye et au nord du Soudan.» Cette situation préoccupe les plus hautes autorités. Le drame survenu le 4 Décembre 2019 au large des côtes de la Mauritanie avec 62 morts est venu nous rappeler que le péril est toujours présent. L’essentiel de ces migrants qui empruntent les voies périlleuses voire suicidaires sont des jeunes. Selon l’estimation d’un rapport s’appuyant sur les chiffres de l’OIM, 70 à 80% des migrants irréguliers ouest africains ont moins de 30 ans, par conséquent en pleine possession de leur potentiel de production. Ainsi ces pertes en vie humaine en plus d’engendrer le désarroi et la tristesse au sein de centaines de familles constituent un grave préjudice économique et social car un jeune qui meurt est une force de travail en moins donc une contribution à la croissance économique qui est perdue. Faut-il le rappeler, au Sénégal la population active ou la force de travail représente 58,5% de la population (ANSD, 2014) et près de 60% en son sein ont entre 15 et 34 ans. En d’autres termes, c’est le cœur de la force de travail qui est le plus attiré par la mer sur des embarcations de fortune et les routes du désert. C’est pourquoi, il faut se réjouir du choix du Président Macky Sall de consacrer un axe du Plan Sénégal Emergent au capital humain, un axe dont la déclinaison permet de comprendre et de traiter la question de l’émigration clandestine sous un rapport en lien avec la croissance et l’émergence économique. Pour juguler le phénomène, préserver le capital humain et cette force de travail, les autorités ont impulsé plusieurs initiatives et programmes dont l’objectif est de maintenir les jeunes sur place à travers la sensibilisation et la promotion de l’emploi et l’insertion professionnelle des potentiels candidats à l’émigration clandestine. Le projet Réussir appuyé par la GIZ et le programme Tekki fi de l’Union Européenne mis en œuvre avec l’appui de Lux Dev et de l’Agence Française de Developpement, aux côtés des projets mis en œuvre par la Délégation Générale des Sénégalais de l’Extérieur et de l’action des coopérations des pays tels que l’Espagne, l’Italie, la France avec l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration sont à cet égard, des exemples de programmes et initiatives qui donnent des résultats probants sur le terrain. Toutefois, la persistance du phénomène appelle à explorer des voies nouvelles ou d’ouvrir des sentiers nouveaux dans une perspective et une approche complémentaire. Une des voies nouvelles pourrait consister à transformer le péril de l’émigration clandestine en atout de développement, « transformer le danger en opportunité » en d’autres termes. En considérant la migration professionnelle comme une composante du marché du travail, cette tendance à la migration deviendrait un atout, une opportunité à intégrer dans les stratégies de création d’emplois dès lors que les pays d’accueil sont en demande de main d’œuvre qualifiée. Dans un monde globalisé, le marché du travail est à l’échelle de la planète. Toutes les opportunités sont à saisir. Ainsi, dans un dispositif organisé et structuré à mettre en place en rapport avec les pays d’accueil, les jeunes sont pris en charge dans des formations qui les préparent aux emplois qualifiés correspondant aux demandes des entreprises de ces pays. Récemment, c’est publiquement que l’Allemagne s’est exprimée dans ce sens. Quant à la France, elle a avec le Sénégal, depuis 2002, un accord d’échanges de jeunes professionnels qui offre annuellement la possibilité à 100 jeunes sénégalais d’intégrer des entreprises en France avec un contrat dument signé avant le départ, d’une durée de 18 mois au maximum. Selon la représentation de l’OFII à Dakar, le nombre de jeunes enrôlés par an ne se situe en moyenne qu’à 40% du quota offert. L’Espagne et l’Italie sont dans les mêmes dispositions. Globalement, on peut estimer entre 2000 et 5000, le nombre de jeunes qu’il serait possible d’insérer par la voie de la migration professionnelle. De tels dispositifs, le Sénégal en a l’expérience dans le passé avec notamment le Gabon ou le Koweït. Les principes et modalités d’un tel dispositif se présenteraient comme suit : i) Un cadre formel de pilotage et de gestion concertée est mis en place avec les pays d’accueil dans lequel tout le processus et les procédures seront indiqués. ii) Les jeunes partiront du Sénégal avec des contrats de travail qui leur garantissent un travail décent et rémunérateur. iii) La migration est circulaire avec un temps de séjour déterminé. C’est-à-dire que le retour est obligatoire à terme pour laisser la place à de nouveaux jeunes d’émigrer. Le séjour professionnel dans le pays d’accueil, permettra aux jeunes de vivre une expérience professionnelle dans un environnement technologique qui favorise une montée en compétences et l’installation de capacités à des standards internationaux qu’ils pourront réinvestir au retour dans le tissu productif du Sénégal. Au fur et à mesure des cycles de la migration circulaire se constituera ainsi une masse critique de ressources humaines renforçant le capital humain et se déployant dans le circuit productif sénégalais. La littérature économique donne l’exemple de la Chine, de l’Inde, de l’Ethiopie ou même de l’Italie à une certaine époque comme des pays qui ont utilisé cette stratégie pour générer des transformations structurelles de leur économie. Les effets attendus de la mise en œuvre d’un tel dispositif sont à situer à plusieurs niveaux. D’abord, le jeune se détournera des voies périlleuses d’émigration car pouvant réaliser son objectif à travers un dispositif qui lui garantit sécurité et revenu. Par conséquent, l’émigration clandestine va dépérir en faveur de la migration régulière où les flux sont maitrisés et documentés. Ensuite, la qualification professionnelle au sein de la population active va s’améliorer dans une perspective qui permette au Sénégal de se hisser aux standards les plus élevés et de renforcer sa compétitivité internationale. Il s’y ajoute que les jeunes émigrés professionnels vont accroitre la contribution non négligeable de la diaspora au PIB qui se situe aujourd’hui à 13% selon l’ANSD. Loin d’être assimilable à une fuite organisée des cerveaux, ce dispositif procède d’une véritable stratégie de faire de notre force de travail le levier de la transformation structurelle de notre économie. Par contre, pour efficace qu’il puisse être, ce dispositif ne peut être la stratégie de la politique d’emploi. Il ne peut en être qu’un programme. La politique d’emploi impulsée par le Président de la République, Macky Sall est portée pour l’essentiel par les grands travaux et les investissements de l’Etat ainsi que par les entreprises créées par notamment les investisseurs privés étrangers, avec une insertion professionnelle sur place. Les projets comme TER, BRT, le programme des 100 000 logements, le parc industriel de Diamniadio, le parc numérique de Diamniadio, le programme accès universel à l’électricité, le projet Dakar Bamako Ferroviaire, le programme zéro déchet pour ne citer que ceux-là, sont autant de créneaux tangibles de recrutement massif de main d’œuvre. De même, en mettant en place un environnement des affaires incitatif et attractif, les investisseurs privés trouvent un intérêt à développer leurs entreprises ou à s’installer au Sénégal. Avec les efforts reconnus par le rapport de Doing business, les investisseurs étrangers viennent en nombre croissant, s’installer au Sénégal en créant des entreprises dotées de capacités appréciables de recrutement de main d’œuvre. L’exemple récent de Twyford que le Président Macky a inaugurée, est assez illustratif de cette dynamique de création d’emplois par les investisseurs étrangers avec déjà 1000 personnes recrutées.

Sanoussi DIAKITE

 Professeur-Inventeur Spécialiste en ingénierie des systèmes de formation et d’insertion

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