Les différents quotidiens parus dans les kiosques ce 28 novembre 2019 sont largement revenus sur les incidents survenus la veille au Tribunal de grande instance de Louga après le réquisitoire du ministère public contre les auteurs présumés d’actes de maltraitance dont ont été victimes des pensionnaires d’une école coranique de Ndiagne, une commune de cette région du Nord du Sénégal.
Le procureur de la République a requis une peine de deux ans dont deux mois fermes à l’encontre des auteurs et responsables présumés d’une affaire de maltraitance ayant eu pour cadre un daara (école coranique) de Ndiagne. Le délibéré est fixé au 4 décembre.
Le maître coranique, un forgeron, et des parents d’enfants enchainés aux pieds dans le but de les empêcher de fuguer ont notamment comparu au tribunal de Louga pour « mise en danger de la vie d’autrui et maltraitance d’enfants de moins de 15 ans et pour complicité ».
Le quotidien « Source A » évoque un « procès mouvementé » et souligne que le maître coranique et ses co-prévenus ont tous plaidé leur ignorance quant à l’interdiction d’utiliser des chaînes.
S’intéressant à l’ambiance ayant prévalu lors du procès, le journal rapporte que le Coran a été récité à quinze reprises sur les lieux par des soutiens du maitre coranique et des autres prévenus venus massivement au tribunal.
« A peine le réquisitoire du parquet est-il tombé que des portes et vitres du tribunal ont été saccagées et du sang a coulé », relate la publication dans ses colonnes.
« Le tribunal de Louga vandalisé », déplore de son côté L’AS quotidien en faisant savoir qu’à l’annonce du réquisitoire du parquet les partisans du marabout se sont rués sur les vitres qu’ils ont défoncées, dévastant tout sur leur passage.
« N’eut été l’intervention d’un petit fils du fondateur de la confrérie mouride, la situation allait dégénérer », relève au passage le journal.
Serigne Mouhamadane Ibn Seirgne Mourtalla Mbacké et une forte délégation ont taillé bavette avec les autorités judiciaires avant que le petit fils de Serigne Touba ne monte au créneau pour ramener l’ordre et appeler à l’apaisement suite à la vindictes des maîtres coraniques qui ont vandalisé les lieux pour contester la décision du tribunal de renvoyer le délibéré au 4 décembre, explique le journal Kritik.
Parlant à son tour d’un « tribunal saccagé », La Tribune rend également compte de la réaction de condamnation de l’Union des magistrats du Sénégal.
« L’UMS condamne fermement ces actes intolérables et invite les autorités à prendre les mesures nécessaires pour garantir le fonctionnement régulier de l’institution judiciaire et la sécurité du personnel judiciaire », mentionne le journal, en citant un communiqué de la structure.
Vox Populi insiste sur la pression ayant entouré le procès et rapporte que les soutiens du maître coranique ont « vandalisé » le Palais de justice de Louga et « semé la terreur ».
Les maîtres coraniques se déchaînent ! », s’exclame pour sa part Le Quotidien en n’hésitant pas qualifier d’« expédition punitive » l’acte des soutiens du responsable du daara qui comparaissait en même temps que ses co-accusés au tribunal de grande instance de Louga.
Après le réquisitoire du procureur, « le juge met l’affaire en délibéré après avoir rejeté la liberté provisoire introduite par les avocats de la défense. Soudain, les soutiens du maître coranique font irruption dans le tribunal, forcent les portes barricadées par les forces de l’ordre qui n’ont pas pu contenir la foule furax qui voulait laver l’affront (…) », raconte le journal du groupe Avenir communication.
A la lumière de ces évènements, Le Témoin s’interroge à sa Une « Maîtres coraniques ou vandales ? ». Le journal va également plus loin dans ses colonnes en se demandant si la justice « malmenée et traquée va-t-elle se rendre ».
Tentant d’aller au-delà de l’émotion suscitée par cette affaire, Enquête analyse « la condition générale » des enfants talibés, évoquant le phénomène de la mendicité et des sévices corporels. Le journal met ainsi « l’Etat au banc des accusés ».
« Cette affaire qui fait actuellement les gros titres au Sénégal est un énième cas d’enfants brimés, maltraités, enchaînés comme des esclaves. C’est le sort d’enfants talibés envoyés dans les daaras par leurs parents. Ces petits anges sont souvent victimes de leurs maitres coraniques qui ne sont pas toujours des enseignants maîtrisant le Coran », soutient la publication en s’inscrivant également sur le registre d’une exclamation teintée d’accusation à sa Une : « Honteux ! ».
APS