La République du Sénégal s’est longtemps illustrée dans la confiscation de la volonté populaire par l’exécutif, engendrant une longue liste de maires révoqués. Un regard sur l’histoire des collectivités locales permet de mesurer les immixtions récurrentes de l’Exécutif dans leur fonctionnement pour liquider des adversaires politiques. Les populations ont toujours vu leur volonté confisquée par l’Exécutif en révoquant le maire sur la base de motivations souvent politiciennes. Si le député-maire de Dakar, Khalifa Sall est le dernier à être révoqué, le premier fut Maurice Guèye, l’édile de Rufisque qui a été éjecté de son fauteuil en 1929 par l’administration coloniale.
Les frictions entre l’Exécutif et des maires sont inhérentes à la marche de la République. Bien avant les indépendances, l’Exécutif s’immisçait dans le fonctionnement des collectivités locales pour torpiller la gestion voire révoquer le maire en fonction. Pour dire que le principe de la libre administration des collectivités locales au Sénégal a toujours été violé par le pouvoir Exécutif pour la plupart pour des raisons d’adversités politiques. En effet, si les Sénégalais s’émeuvent de la révocation de Khalifa Sall de son poste de maire de Dakar, il faut noter que ces coups bas datent d’avant l’indépendance. Le député maire de Dakar n’est pas la première victime de ces pratiques antidémocratiques de l’Exécutif qui consistent à confisquer la volonté des populations.
Maurice Gueye 1er maire révoqué
Le maire de Rufisque Maurice Guèye fut le premier édile du Sénégal à subir de représailles en 1929. Le colon avait confisqué ainsi la volonté des populations de Rufisque qui avaient porté leur choix sur Maurice Guèye contre le maire sortant Ngalandou Diouf en 1925. Le contexte d’alors était marqué par une bataille politique farouche entre Maurice Guèye, Ngalandou Diouf et Blaise Diagne. Pendant la même période, des épidémies de fièvre jaune et de peste s’étaient abattu sur les populations rufisquoises, freinant du coup les activités économiques. «Alors Ngalandou Diouf avait adressé une correspondance au Gouverneur du Sénégal, dans laquelle il s’est arrogé le titre de porte-voix des Rufisquois, pour lui suggérer de prendre des mesures devant la gravité de la situation. Le 17 janvier 1927, les Lébous avaient réplique et écris au Gouverneur pour fustiger le comportement de Ngalandou Diouf», lit-on sur la page facebook dédiée à l’ancien édile de Rufisque, Maurice Guèye. Et l’addition salée de M. Carde en août 1928 emporta M. Guèye.
En effet, il adresse un réquisitoire pimenté au Gouverneur du Sénégal contre Maurice Guèye en réclamant la révocation de l’édile de Rufisque à cause de la nature, l’étendue et la durée des fautes accumulées par ce dernier. Sans tarder Maurice Guèye fut suspendu en 1929 de ses fonctions de maire avant d’être révoqué le 31 janvier par le Gouverneur du Sénégal. Il lui était reproché entre autres, des délits d’abus de confiance, détournement de matériaux et de salaires. M. Guèye se retirera de la scène politique pour rentrer dans son Baol natal avant de revenir plus tard dans les affaires. Aux locales de juillet 1945, les chefs coutumiers Lébou porterent encore la candidature de Maurice Guèye qui fut réélu à la tête de la mairie de Rufisque par le Conseil municipal.
Khalifa Sall est le second maire de Dakar à être révoqué de son poste de maire par le gouverne- ment. En fait, Lamine Diack alors maire de Dakar avait été défenestré de son poste de premier magistrat de la capitale du Sénégal par le régime du président Léopold Sédar Senghor. Elu en 1976 à la tête de l’institution municipale, l’ancien président de IAAF, futt révoqué en 1978 par le Premier ministre de Senghor, Abdou Diouf. Il avait motivé sa décision par une faute de gestion portant sur la construction de l’actuel Hôtel de ville de Dakar.
Trois maires de Mbour tombent sous le coup
Le maire de Mbour Moussa Ndoye a été révoqué en 2001 par le président Abdoulaye Wade dès sa première année à la magistrature suprême. Le prétexte était une faute. Il faut souligner qu’aux premières heures de la première alternance ce sont pratiquement seulement des socialistes qui étaient à la tête des collectivités locales. Le successeur de Moussa Ndoye à la tête de la mairie de la capitale de la Petite Côte a été emporté par la même méthode. Le maire Tafsir Demba Diouf qui a succédé à Moussa Ndoye a été également révoqué par le président Abdoulaye Wade. Le maire de Mbour Mbaye Diagne a subi le même sort que ses prédécesseurs en 2008 sous le même régime de la première alternance. Les populations de la commune de Kaolack ont vu également leur choix confisqué par le régime de Me Abdoulaye Wade. Le maire libéral de la capitale du Saloum, El Hadji Daouda Faye avait fait l’objet de révocation en 2003. Sur la base de motivations aux relents de règlement de compte politique au sein du Parti démocratique sénégalais (Pds). El Hadji Daouda Faye dit Vava fut démis de ses fonctions de maire. Il a fallu juste que les populations s’opposent à sa prise de parole lors de l’inauguration du marché au poisson de Kaolack pour que le président Wade une fois à Dakar, prenne un décret pour le démettre.
Le ministre d’Etat Mbaye Ndiaye une autre victime
Le ministre d’Etat auprès du président de la République, Mbaye Ndiaye connaît bien cette méthode de l’Exécutif pour liquider un adversaire. Alors maire des Parcelles Assainies, Mbaye Ndiaye qui avait rompu les amarres avec le président Abdoulaye Wade pour aller avec Macky Sall a été révoqué sur la base d’un rapport d’Inspection du 15/10/2008. Il était épinglé selon le décret signé par le président Wade et contre signé par le Premier ministre, Cheikh Hadjibou Soumaré, pour fautes de gestion avérées, notamment la spéculation sur les réserves foncières de la commune, le recouvrement du produit de la cession illégale de biens meubles et immeubles de la Commune, l’octroi de secours à des personnes fictives, et sans délibération du Conseil municipal, etc…
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