vendredi, mars 29, 2024

Lettre Ouverte aux acteurs du développement durable

Ne ratez pas!

Depuis la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement à Rio de Janeiro en juin 1992, la question de l’environnement est une préoccupation des politiques gouvernementales. Aujourd’hui plus que jamais au Sénégal, la question de la protection de l’environnement et des ressources forestières est devenue une préoccupation majeure du gouvernement du Sénégal mais également des collectivités locales.

En somme, l’action anthropique conjuguée aux aléas climatiques est en train de réduire à néant les réserves forestières du Sénégal, or l’importance de la forêt est considérée souvent par les populations comme ‘’une banque verte’’.

Dans cette logique, un CRD spécial pour la protection de la forêt, s’est tenu le 11 juin 2015 à la salle de délibération de la commune de Kolda. CRD coprésidé par le Ministre des Forces Armées, Monsieur Augustin TINE, et le Ministre de l’Environnement et du Développement Durable, Monsieur Abdoulaye Bibi BALDE, qui a suscité beaucoup d’intérêts auprès des populations et des acteurs en charge de la question.

Ayant une expression difficile, je me suis abstenu à prendre la parole à cette auguste assemblée, espérant que parmi les nombreux participants plus éloquents, certains prendront mes préoccupations en compte.

Malheureusement, n’ayant pas eu cette satisfaction, je tiens, en tant que responsable régional des écologistes du Sénégal, à prendre à travers ces lignes, mon droit à la parole et partager ma minime expérience sur la question de protection de l’environnement.

Je suis encouragé dans cette démarche par le fait que le Ministre A. TINE a promis d’étudier les idées émises sur la problématique.

Je voudrais avant tout exprimer ma joie, d’avoir constaté que Messieurs les Ministres des Forces Armée et de l’Environnement, ont pris la ferme décision de mutualiser leurs forces, afin de lutter efficacement contre le pillage anarchique de nos forêts, principales richesses des populations locales, qui malheureusement n’en profitent guère. Ces dernières ainsi que leurs élus locaux ont un faible niveau de connaissance des textes de la décentralisation qui les responsabilisent dans la gestion et la préservation des ressources naturelles.

Mon seul regret, lors de cette rencontre, fut que le Ministre de l’énergie ne soit pas de la partie, afin que ce ministère participe, à son niveau et sur la base de propositions claires, à amenuiser l’apport des forêts pour les besoins énergétiques des ménages. Faut-il le dire la gouvernance de la ressource, implique à plus d’un titre le ministère de l’énergie. En effet, il faudrait que la solution de demain – après avoir épuisé complètement nos réserves forestières – soit appliquée maintenant, avant que cela soit irréversible.

Il faut le rappeler messieurs les Ministre, de Sébicotane, où était produit le charbon pour les besoins énergique des foyers de Dakar, actuellement ces insatiables besoins des ménages, qui se sont considérablement accrus par ailleurs, sont satisfaits dans les régions de Kolda et de Sédhiou, bientôt la région de Ziguinchor sera inéluctablement entamée.

En outre, nous avons également été amenés à constater ces dernières années, les dernières réserves forestières du Sénégal se trouvant en Casamance dans sa partie septentrionale, frontalière avec la Gambie, font l’objet d’une destruction programmée.  Une horde de canaille envahit ces zones frontalières et pille sans scrupule ce qui nous reste encore de forêts.  Entrainant ainsi, une dégradation accélérée de la ressource et par conséquence la paupérisation progressive des populations riveraines.

La profondeur du mal est beaucoup plus complexe dans cette zone que partout ailleurs. Car dans cette zone on a surtout affaire à du banditisme d’Etat au premier degré.

Il arrive parfois, certains brigands intimident par des armes, des citoyens qui ont la velléité de s’opposer à leurs desseins, mettant ces paisibles paysans que l’on qualifie péjorativement ‘’Complices’’, dans une mauvaise posture : résister et assumer les conséquences, autrement, collaborer et partager les maigres dividendes.

En conséquence, les massifs forestiers ont été épuisés partout ailleurs au Sénégal, du Nord au Sud, incluant l’Est. Ce phénomène a eu des conséquences dramatiques sur des économies de prélèvement fortement dépendantes des ressources naturelles.

Ce pendant, comment préserver les ressources forestières et promouvoir une économie verte ? Voilà la question fondamentale que se pose tout acteur politique ou acteur de développement soucieux du développement durable.

Je tiens à rappeler que depuis la veille des indépendances, beaucoup d’initiatives en faveur de nos forêts ont été entreprises, il y’a eu énormément de projets et programmes les uns plus ingénieux que les autres. Mais le constat que nous faisons présentement, est que nos forêts ne se portent pas mieux, elles vont de mal en pis, puisque malheureusement beaucoup de facteurs bloquants, je crois n’ont pas été pris en compte.

Permettez-moi messieurs les Ministres, en tant qu’écologiste, de partager ma petite expérience dans le dialogue social durant la restauration de l’écosystème de la mangrove de Marandan à Bourounda sur les deux rives du fleuve Casamance :

Pour maîtriser la complexité d’un phénomène, il faut savoir faire son estimation correcte, le mettre dans son contexte précis et savoir quelle relation ce phénomène entretient avec d’autres. C’est en ce moment seulement que nous serons en mesure de comprendre les équivoques, d’évaluer les compromis et de leur trouver des solutions adéquates.

Comprenez qu’ils arrivent souvent que les parties-prenantes d’un cadre de concertation feignent d’être d’accord avec la thématique, pendant qu’elles agiront exactement le contrairement de ce qui a été convenu. Ce comportement est souvent motivé par des sentiments de frustrations affectives. C’est dire que le phénomène de la destruction systématique de nos forêts implique d’autres causes.

Mon intime conviction, est que la morale populaire réprouve qu’un paysan qui se meut dans une économie de subsistance, mu par la seule ambition de nourrir sa famille, parcourt avec des moyens rudimentaires, environ 10 à 15km pour vendre une production d’une valeur d’à peine 3000Frs. Et par mégarde, rencontre l’agent des services des Eaux et Forêts affectés à la préservation de la ressource, qui ipso facto applique une transaction basée sur la répression. De faite, saisit de la cargaison et laisse ce malheureux paysan rentré bredouille et parfois à pied. Sur le chemin du retour très anéanti par l’amertume, rencontre une remorque, transportant le même produit à l’échelle d’économie de marché et supposée posséder un permis régulier ou gratuit…

C’est ce paysan dépouillé, que l’on croit convaincre à collaborer avec les mêmes services en charge de la préservation de la forêt. C’est une alchimie qui semble difficile à réussir.

Messieurs les ministres, nos fonctionnaires ont souvent un bon savoir-faire technique qui ne souffre d’aucun doute. Mais, faut-il le reconnaitre, il leur manque parfois des capacités de communication et un modus operendis adaptés à leur milieu d’intervention. Ils n’intègrent pas dans l’action, la dimension socioculturelle et toute la charge affective que les populations éprouvent à l’égard de la forêt. Les autochtones riverains des massifs forestiers, estiment légitime l’exploitation durable de la ressource naturelle, qu’ils considèrent comme une alternative économique, plusieurs de leurs ménages dans la stratégie de survie face à la pauvreté.

Un grand penseur disait, je le cite « On peut convaincre les autres par ses propres raisons ; mais on ne les persuade que par les leurs. »  Joseph Joubert

Ne devrions-nous pas faire sienne cette belle démarche si nous voulons avoir la collaboration sincère des populations et par ricochet réussir notre mission de gestion responsable de la forêt ?

Pour sauvegarder ce qui nous reste encore de forêt, je suis parfaitement en phase avec la nouvelle initiative prise par les deux ministères. Mais il faut aller plus loin dans l’hardiesse de la nouvelle politique.

Dans ce cadre, je propose quelques recommandations :

  1. Pour palier à la mauvaise compréhension, le manque d’information et de maîtrise des textes en matière de décentralisation et de gouvernance environnemental par les populations et les élus locaux. Il faudrait faire un toilettage et harmoniser les textes du code de l’Environnement, code Forestier, et code de la Décentralisation et vulgariser les principes fondamentaux des ses codes auprès des acteurs pour qu’ils aient une bonne et même compréhension et qu’ils sachent le rôle et la responsabilité des citoyens dans la gestion durable de la forêt.
  2. Prendre toutes les dispositions nécessaires afin de faire un contrôle strict à ne pas rompre l’équilibre de l’écosystème, en contrôlant le niveau des prélèvements de la ressource et en veillant à la reconstitution du potentiel forestier et faunique. Exiger, une parfaite adéquation entre les permis d’exploitations délivrés et la quantité des produits forestiers mis dans le marché. Veiller à ce que ces permis ne soit pas gratuits et qu’ils aient une duré de validité que nul ne peut proroger ou falsifier.
  • Eriger en Réserve Communautaire Naturelle, la moitié des territoires amodiés pour la chasse et attribués à des privés, dont les retombées socioéconomiques restent marginales sur le vécu quotidien des populations et cela depuis les années 79.
  1. Appuyer les collectivités ayant en charge la gouvernance environnementale à exercer dans les réserves, la compétence transférée et améliorer leur pratique en matière de gestion responsable des ressources naturelles. Et promouvoir un dialogue politique et social entre élus, autorités administratives et citoyens, aux fins d’instaurer un contrôle citoyen et exercer une gestion démocratique et transparente des affaires de la ressource. Permettant ainsi, d’améliorer durablement les conditions de vie des acteurs.
  2. Dans une dynamique de mondialisation, appuyer les collectivités locales à porter un plaidoyer pour capter les fonds de crédits carbones aux profits des réserves communautaires et répliquer les modèles de l’écotourisme et la protection faunique et forestière réussi ailleurs (Kenya, Namibie…) dans la gestion de forêts communautaires.

Et par ailleurs, encourager l’apprentissage social et l’innovation dans les métiers verts, en recrutant et formant des jeunes filles et garçons comme éco-garde encadré par les services des Eaux et Forêts, affectés à la surveillance des réserves communautaires.

  1. Dans une stratégie de potentialiser le capital humain, aménager les zones dénudées par les défrichements des galeries forestières, afin que la moitié des exploitants forestiers se recyclent dans l’arboriculture forestière. Avec le concours des partenaires au développement, les soutenir financièrement et techniquement afin qu’ils y mènent des activités de production de bois destinés à l’avenir aux industries de menuiseries.

« Une bonne diplomatie sans une bonne armée est comme une musique sans tambours », j’ai cité Charles De Gaule.

  • Dans cette optique, il est nécessaire de déléguer une mission diplomatique ‘’militarisée’’ près de l’Excellence Cheikh Alhadji Doctor President Yahya AJJ Jammeh Nasirul Deen Babili Mansa, afin de lui faire comprendre amicalement, que le Sénégal tient, non seulement  à une coexistence pacifique et à l’amitié des peuples, mais aussi fermement, que nous n’accepterons plus qu’un état étranger commande à partir du port de Banjul un produit forestier que la Gambie n’est pas en mesure de produire sur son territoire.

Au demeurant, nous considérerons comme une agression de tout transport frauduleux vers la Gambie, de produits forestiers prélevés au Sénégal…

          El-hadj Hamidou DIALLO

SG Régional des Ecologistes du Sénégal

                            Kolda. 

               mikediallo@gmail.com   

1 COMMENTAIRE

  1. Voila quelqu’un a bien compris la problématique de l’exploitation abusive de nos ressources forestières. ce sont des initiative à promouvoir pour encourager la protection de nos fortes en y mettant les stratégie idoines et arriver à des solutions efficace et durables. s’y on prend garde il ne nous restera plus d’arbres d’ici quelques années. étant de la région de Kaolack je connais comment en un temps records comment la foret a disparu laissant derrière elle une clairière à perte de vue. en cela que j’encourage le SG régional des écologistes du Sénégal qui à travers cette lettre ouverte a bien cerné le problème et a eu a donné des recommandations pertinentes qui je sur si on les applique la solution de la déforestation sera définitivement trouvée.

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