vendredi, avril 19, 2024

Entretien avec Cheikh Yérim Seck : tout comprendre,… sa prison, son mouvement politique, Un café avec…

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Près de 10 mois après sa sortie de prison, Cheikh Yérim Seck, journaliste condamné pour viol, est un homme neuf : morale de pur bigot, foi chevillée au corps, volonté intacte, ambitions majuscules, regard lucide et discours aseptisé. Chez lui à Ngor, il accueille avec petit protocole, poignée de mains sympa et l’empressement d’un maître d’hôtel. L’hôte respire la forme et n’a peur de rien dans son salon sur la terrasse de sa résidence. Pas même pour causer des sommes colossales investies dans la série Un café avec, ni pour agiter bien haut ses appétences politiques, encore moins pour passer à la moulinette l’actualité politique. Et quand le feu roulant de l’interrogatoire le ramène aux souvenirs glauques de son récent passé carcéral, Cheikh Yérim Seck accepte toujours, sans ciller, de poser pour Le Quotidien. Entretien.

Cheikh Yérim Seck, vous êtes juriste de formation, journaliste de profession, aujourd’hui dans la production. Pourquoi ce choix ?

J’ai fait ce choix parce qu’en 2009, Boubacar Diallo m’a contacté pour me dire qu’il avait un projet de téléréalité. Et comme c’est un garçon pour lequel j’ai beaucoup d’estime, comme c’est un quelqu’un avec qui j’envisageais de travailler depuis longtemps, je l’ai suivi dans son idée en tant que producteur. Donc, on a commencé à faire Un café avec, saison 1. A la fin de la première saison, ça a commencé à emballer les annonceurs. Ce qui nous a amenés à faire une deuxième saison. Au bout de la deuxième saison, des chaînes internationales se sont manifestées pour diffuser la série en anglais et en français. Donc l’appétit venant en mangeant, nous étions obligés à un moment donné de mieux structurer la série, de la perfectionner.

Contrairement aux précédentes, on vit là une sur-médiatisation de votre image avec la troisième saison. Est-ce voulu ou est-ce plutôt le fruit du hasard ?

D’abord du début jusqu’à la fin de la première saison, personne ne connaissait mon rôle dans cette série. Et c’est comme ça que je l’avais voulu. Mais il se trouve qu’à la fin de la première saison, Boubacar Diallo, dans les making-off, a dit que c’est Cheikh Yérim Seck qui était derrière cette série. Par la force des choses, la presse est venue m’interroger et j’étais obligé de confirmer cette information. Au cours de la deuxième saison, j’ai toujours observé le recul d’usage. Cette année, je me suis impliqué personnellement parce que c’est compte tenu de la dimension. Aujourd’hui, on ne parle plus qu’au Sénégal et aux Sénégalais, on parle à des chaînes d’un niveau international. On a affaire à une production qui coûte plusieurs centaines de millions. Et l’enjeu est tellement important. Le spectre est tellement large. Le public auquel on parle est tellement important que j’étais obligé de m’impliquer dans la communication de la série. Parce qu’on passait d’une dimension nationale à une dimension internationale, on est passé d’une petite série à une série de standing international. On est passé d’un niveau d’implication des sponsors assez moyen, à un niveau maximal d’implication. Donc tous ces enjeux-là font que j’étais obligé de m’impliquer.

Les moyens financiers qui ont été mobilisés sont colossaux. Où est-ce que vous avez tiré ces fonds ?

Il y a une partie qui est financée par des prêts bancaires et par des avoirs propres. Il faut aussi dire que j’ai mobilisé des deniers personnels plus les prêts bancaires. Quand même il y a un matériel qui a été assez lourd à acquérir. Par exemple rien que le matériel avec lequel on va tourner la série a coûté plus de deux cents millions. Ce sont des moyens très importants. Donc il fallait un préfinancement, heureusement que les banques nous ont accompagnés. Mais j’ai mis aussi mes deniers personnels.

Vous avez même fait la comparaison avec les moyens utilisés pour tourner la série américaine 24h chrono…

Je confirme que c’est le même matériel qui a tourné 24h chrono, qui a tourné la troisième saison de Un café avec. Et c’est exactement le même matériel.

Cela confirme-t-il la rumeur qui dit que Cheikh Yérim est un homme riche ?

Non, ça n’a rien à voir. Ce n’est pas l’argent de Cheikh Yérim Seck en fait. Ce sont des montages financiers avec mon argent personnel et l’argent des banques qui va être remboursé par le sponsoring. Ce n’est pas du mécénat. C’est un investissement qu’on a fait. Et comme la série aujourd’hui, selon un sondage d’Orange, tous concepts et toutes émissions confondus, est la plateforme de communication la plus crédible et la plus efficace au Sénégal. On a beaucoup de sponsors qui viennent. Ils vont financer la série en fait. Cheikh Yérim Seck n’a fait qu’avancer de l’argent, en termes d’apport personnel avec l’aide des banques.

Quelles sont les innovations de la Saison 3 de Un café avec, sa démarcation avec les deux précédentes ?

Les deux premières saisons étaient strictement destinées à la consommation du public sénégalais. Cette troisième saison est destinée à une consommation universelle. Si vous voyez le premier épisode, vous vous rendrez compte que cela n’a rien à voir. On est passé d’une sorte de feuilleton à un film qui respecte toutes les normes internationales en matière d’ergonomie, de niveau de jeu, de qualité de jeu, de qualité d’image, tout. Vraiment tout a changé. Aujour­d’hui on a aligné Un Café avec sur les normes internationales.

Même par rapport à la langue utilisée ?

La langue, c’est le wolof pour le Sénégal, le français pour la chaîne internationale de langue française qui va le diffuser et c’est l’anglais pour la chaîne américaine avec laquelle on a travaillé.

Ce sera du sous-titrage ?

Non, ce sera de la traduction directe avec doublage de voix.

La réalisation a été confiée à Gelongal ?

Oui, elle a été faite par Gelongal. C’est un groupe de jeunes Sénégalais dynamiques qui ont été primés un peu partout en Afrique, qui ont fait beaucoup de résultats. Ce sont des gens sur qui on a misé cette année pour mettre le film à un certain niveau.

Nous avons une inquiétude. Cheikh Yérim Seck s’est toujours illustré à travers la pertinence de ses analyses politiques, mais aujourd’hui vous avez déserté la sphère médiatique.

Je ne peux pas déserter la sphère médiatique. Moi je suis analyste de façon acharnée. Je suis résolument journaliste, c’est évident. Mais la lourdeur de ce projet-là a nécessité beaucoup de déplacements à l’étranger, beaucoup de réunions avec les banques, beaucoup de réunions avec l’équipe de réalisation, beaucoup de réunions avec les scénaristes, beaucoup de réunions avec nos partenaires extérieurs. C’était vraiment un truc du type 20h/24h.

Mais Yerimpost au sein du site Dakaractu a disparu…

Ça c’est un choix personnel. C’est moi qui ai décidé, compte tenu que Dakaractu a fonctionné de façon correcte en mon absence, de laisser Dakaractu fonctionner en électron libre sans moi. Il faut dire que compte tenu de tous les chantiers que j’avais ouverts quand je suis sorti de prison, je ne pouvais intégrer Dakaractu dans mon planning.

Mais vous êtes toujours journaliste ?

Absolument ! (Rires)

Cheikh Yérim Seck, comment vous sentez-vous, plusieurs mois après être sorti de prison ?

Je me sens bien honnêtement. Par la grâce de Dieu tout marche bien. Je me suis recentré sur l’essentiel parce que la prison a cette vertu de recentrer sur l’essentiel.

C’est-à-dire quoi exactement ?

L’essentiel pour moi c’est la famille, c’est la foi en Dieu. L’essentiel c’est de savoir qui t’aime et qui ne t’aime pas. Ça c’est important parce que des épreuves comme celle-là t’éclaircissent l’horizon, te donnent une idée sur les uns et les autres. Elles permettent de distinguer tes amis de tes compagnons, donc de te recentrer sur l’essentiel. L’essentiel pour moi c’est surtout la foi en Dieu. C’est important pour moi parce que la prison a été une sorte de retraite spirituelle, une redécouverte de Dieu, de la religion musulmane. Cela m’a permis de rafraîchir ma connaissance dans le Coran, d’apprendre plus profondément le Coran, de rechercher dans la connaissance du Livre saint et des hadiths du Prophète Mohamet (Psl). Honnêtement de ce point de vue, la prison m’a beaucoup apporté et ça permis de réfléchir sur beaucoup de choses. Par exemple tout ce que je suis en train de dérouler dans le cadre d’Un café avec, je l’ai pensé et conçu en prison. J’ai fait aussi un livre de réflexion sur le Sénégal qui me semble avoir tracé des pistes de réflexion intéressantes. Au moins je me sens bien.

Sous ce rapport, vous pensez que votre séjour carcéral a été tout à fait bénéfique ?

Absolument. Moi je pense qu’à un moment donné de ma vie c’était un moment de rectification, de réorientation, de remise en cause qui était fondamental, honnêtement. Je remercie Dieu de m’avoir donné cette opportunité extraordinaire.

Vous parlez de rectification, est-ce parce que vous vous êtes rendu compte que vous aviez dévié du chemin que vous vous étiez tracé initialement ?

Non, non, c’est qu’il arrive des moments dans la vie d’un homme où tout s’emballe. Vous savez, il arrive à tout un chacun de s’emballer avec le temps, mais quand on se retrouve seul entre quatre murs… Moi je suis resté quinze ans où je n’ai jamais eu de pause. Pendant les années que je travaillais à Jeune Afrique j’étais dans les avions tous les jours. Quand je suis venu au Sénégal, je me suis attaqué à plusieurs projets qui me prenaient beaucoup de temps. Je n’avais pas le temps de réfléchir sur moi-même, sur mon rapport à Dieu, sur ce que je dois faire, sur ce que je ne dois pas faire. La prison m’a permis de me recentrer sur ça.

Entretien réalisé par Le quotidien

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