lundi, avril 29, 2024

Cheikh Gaye, expert immobilier de la SICAP , explique la microstructure du loyer sénégalais

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L’accès au logement est un gros casse-tête pour le Sénégalais moyen. Ce, malgré l’existence de sociétés immobilières publiques comme la Sicap dont la mission première est de rendre le logement accessible à prix modéré. Pour M. Cheikh Gaye, Secrétaire Général de la SICAP, si le logement coûte cher, c’est que le foncier, le financement et la fiscalité ne permettent pas le contraire. Pire, dit-il, depuis plus de 15 ans, la SICAP n’a pas reçu une affectation d’une assiette foncière venant de l’Etat.

Aujourd’hui, quel regard jetez-vous sur l’habitat social ?
Il faut dire que la réduction du coût de la vie et donc de la pauvreté passe inévitablement par une maitrise du déficit en logements construits à moindre coût et destinés aux couches sociales les plus vulnérables. En vérité, il y a une crise du logement au Sénégal, parce que la forte demande ne rencontre pas l’offre suffisante. Alors, il faut interroger tout le circuit de la production de logement pour en comprendre les raisons.

Quoi qu’il en soit, on constate que le Sénégalais lambda paie un logement cher, en location simple ou en location-vente. Aujourd’hui, le budget des ménages est lourdement grevé par ce renchérissement du coût des logements. Alors, pourquoi ? Le gouvernement sénégalais est confronté à deux grands problèmes, la facture et la fracture. D’abord, la facture c’est la réduction des factures de Sénélec, Sones, Sonatel, du panier de la ménagère. Ensuite, il y a également la fracture socio-économique dont le Gouvernement essaie de réduire le fossé. Aujourd’hui, en cherchant à accéder à l’émergence, le Sénégal est confronté à un problème cruel, l’accès au foncier. Il s’agit d’aller au-delà de la mesure urgente consistant à légiférer sur la baisse du coût du loyer.

Ce sont des mesures urgentes pour soulager le budget des Sénégalais. Mais pour résoudre durablement ce problème, il faudrait prendre le taureau par les cornes. C’est toute la raison de la politique de promotion de l’habitat social.

Et comment devrait-on s’y prendre ?
Naturellement, cette politique de promotion bute sur la tryptique des 3F. Il s’agit du Foncier, du Financement et de la Fiscalité qui sont des facteurs bloquants dans ce secteur. D’abord le Foncier, Dakar est une presqu’île, donc n’est extensible que dans un seul sens alors qu’il concentre près du quart de la population. Aujourd’hui, il n’existe plus dans Dakar intramuros, un site pouvant servir à l’habitat social. La seule direction, c’est s’orienter vers la périphérie de Dakar où sont en train d’être développés les pôles urbains.

Au ministère de l’Urbanisme, beaucoup de pôles urbains sont en train d’être ouverts, à Déni Birame Ndao, Diamniadio, Lac Rose… Des assiettes foncières pour développer un nouveau modèle de vie pour les populations. Durant la dernière décennie, sous la première alternance, s’est développée une politique de spéculation du foncier. Ce qui est assez regrettable. Je ne pense pas que cela corresponde à l’esprit de la loi sur le Domaine national qui était de remembrer ce domaine, de voir comment l’aménager pour le bénéfice des populations pour un meilleur accès du logement.

Une politique de logement social nécessite des mesures d’accompagnement. Il est vrai que la Sicap et la Sn Hlm, les deux bras immobiliers de l’Etat, doivent mettre en œuvre la politique de l’Etat en matière d’habitat. Malheureusement, depuis plus de 15 ans, la Sicap n’a pas reçu une affectation d’une assiette foncière venant de l’Etat. Dans certains programmes immobiliers de la Sicap, le foncier a été acheté, ce qui grève le coût de sortie du logement. Nous souhaitons que le client puisse payer un prix à moindre coût pour son logement social. Donc, il faut une politique d’accompagnement par l’affectation d’une assiette foncière viabilisée. Nous saluons l’installation d’un Guichet unique qui regroupe tous les concessionnaires : Sones, Sénélec, Onas et Sonatel.

Au-delà du gain de temps, ces sociétés concessionnaires doivent participer à la prise en charge des coûts. Ce sont les sociétés immobilières qui installent les réseaux d’électricité, d’assainissement, d’alimentation en eau… Au final, c’est le client qui paie tout ça. Donc, il faut faire en sorte que ces sociétés puissent participer au montage des projets pour alléger le prix des loyers.

La Sicap réfléchit à se recentrer sur ses missions originelles. Nous avons un projet de construction d’une ville nouvelle de 20 000 logements et souhaitons que ces logements soient sur un même site, d’où la nécessité de disposer d’une assiette foncière. C’est l’élément le plus important aujourd’hui pour permettre la baisse du coût des loyers et l’accès à la propriété bâtie.

Qu’en est-il de la Fiscalité et du Financement?

La Fiscalité, le deuxième F, est très présente sur tout le circuit de production de logement. En fait, la double taxation sur certains produits agit malheureusement sur le coût du logement. Il faut interroger le circuit de la construction pour voir comment baisser cette fiscalité sur la TVA, les droits d’enregistrement, frais de notaire etc. Des éléments sur lesquels une réflexion poussée doit être menée pour les réduire à leur juste mesure.
Le troisième F, c’est le financement parce que si on n’a pas d’argent, on ne peut pas produire à grande échelle. C’est vous dire qu’il y a des problèmes au niveau des sociétés immobilières publiques.

Quels sont ces problèmes ?
Aujourd’hui, les banques nous prêtent de l’argent, mais à court et moyen termes. Or, la société immobilière publique, pour recouvrer sa créance, par exemple sur une opération de vente sur 10 ou 15 ans, va mettre beaucoup plus de temps. On enregistre un écart entre la durée de remboursement du prêt et celle de la créance. Ce qui fait que nos sociétés publiques ont des chantiers, souvent à l’arrêt car si au bout de 5 ans, tel que prescrit dans le contrat avec la banque, le prêt n’est pas remboursé, ce sont des recours qui pèsent sur nous et des frais financiers qui plombent notre croissance. Pour un bon financement, il faut mettre en place un fonds de garantie pour créer un système de stabilisation.

L’autre problème, c’est la difficulté d’obtenir la garantie, notamment pour un financement en provenance de l’étranger. Il y a la garantie souveraine de l’Etat mais c’est très rare qu’on la donne à des sociétés immobilières. Les garanties bancaires, ce n’est pas toujours aisé de les obtenir.

L’autre élément en dehors des 3F, ce sont les nouvelles technologies. On ne peut pas résoudre la crise du logement en continuant à produire des logements tel que nous le faisons, jusqu’à présent. On prend beaucoup de temps, 2 ou 3 ans, pour construire une cité au Sénégal. En réalité, les nouvelles technologies permettent, dans les pays développés, en un temps record, de construire des logements et à grande échelle.

L’autre problème des promoteurs immobiliers publics, c’est, dans le dispositif législatif actuel, qu’ils n’ont pas la possibilité de développer un partenariat avec un apporteur de financement qui réalise en même temps les programmes. C’est-à-dire, si quelqu’un vous apporte un financement et veut réaliser le chantier, il ne peut pas le faire. Vous savez, au Sénégal, il y a le Code des Marchés, il faut forcément lancer un appel d’offres. Et souvent, des investisseurs étrangers proposent un financement et un mode de réalisation, mais il y a toujours des difficultés. Cette question devrait être réglée pour permettre à nos pays d’être sur la rampe de lancement et produire le maximum de logements possible.

Avec tous ces manquements, vous ne démarquez pas de votre rôle premier, notamment la promotion du logement social ?

Je vous disais il est heureux de voir l’Etat revenir à ses missions régaliennes. Un moment donné, il avait délaissé ce champ au profit du Privé, la conséquence étant le développement de la spéculation foncière. Le devoir de l’Etat est de tout faire pour soulager les populations. Lors du Conseil des ministres du 15 Janvier 2014, des mesures importantes ont été prises par le Chef de l’Etat qui a demandé au gouvernement de signer des contrats d’objectifs et de moyen avec la Sicap et la Sn Hlm. Un Conseil présidentiel est prévu au mois de mars sur le financement de l’habitat social et une loi d’orientation sur la promotion de l’habitat social. Des pas importants qui montrent que le gouvernement veut prendre à bras-le-corps ce problème en mettant en place une politique d’accompagnement pour faire infléchir les prix.

Qu’en est-il du projet Tawfekh ?
Le Plan Tawfeex, c’est un programme de construction de 2000 logements. Déjà 1800 logements sont achevés. C’est une initiative qui soulage les populations vivant dans les zones inondées. L’Etat a construit ces logements pour leur permettre d’avoir un cadre de vie plus agréable. Le vrai enjeu, aujourd’hui, c’est la promotion de l’habitat social au-delà du fait que cette politique va réduire la pauvreté et aider les populations à vivre décemment. C’est une vraie politique de promotion de l’emploi parce qu’il faut beaucoup de main-d’œuvre pour produire ces logements et nous travaillons sur les leviers social, économique et urbanistique.

La formule de la location-vente est-elle toujours en vogue chez vous?
Présentement, nous avons un programme de location-vente à Mbao Villeneuve. La Sicap va réceptionner 400 logements économiques sur ce site, courant 2014. Nous sommes en train de commercialiser 3200 terrains viabilisés à bâtir à Keur Massar. Nous avons un projet de construction d’une ville nouvelle dans les 5 prochaines années, d’ici à 2018. Nous avons l’ambition de produire 3000 logements sociaux et parcelles viabilisées respectivement dans la région de Dakar et dans les autres régions. C’est notre défi dans le cas où l’Etat nous affecte une assiette foncière viabilisée avec un accompagnement sur le financement à travers les banques, notamment la BHS.

Avec Setal.net,

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