jeudi, mars 28, 2024

Moussa BALDE : « … nous envisageons d’aménager 5.000 ha dans la région de Kolda »

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Le chantier ouvert par le directeur général de la Sodagri, Moussa Baldé, est gigantesque : réhabilitation des aménagements, électrification des stations de pompage, formation des producteurs, dotation en matériel agricole adapté. Il nous parle ici de sa mission et de ses projets. La Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (Cncas) sera de retour l’an prochain, annonce-t-il.

Tous les aménagements et ouvrages du bassin de l’Anambé sont en dégradation avancée. Qu’est-ce qui est prévu pour leur réhabilitation ?

«Lors de ma première tournée sur le terrain, j’ai été très surpris par le niveau de dégradation des ouvrages. En réalité, quand on regarde bien les aménagements, on voit plutôt de la savane. Des barrages aux stations de pompage, en passant par les canaux d’irrigation, il y a, à tous les niveaux, une défaillance ici ou là. Pourtant, entre 2000 et 2009, l’Etat et ses partenaires financiers ont injecté plus de sept milliards de FCfa pour aménager, réhabiliter et réfectionner des stations de pompage. Au jour où je vous parle, aucun des marchés n’est allé à son terme. Des entreprises ont empoché de l’argent mais les chantiers sont toujours là, cela frise le scandale. J’ai obtenu, de certaines de ces entreprises, qu’elles terminent le travail dans les meilleurs délais. Quant à celles qui ont déserté le bassin, la Sodagri a saisi la justice pour obtenir réparation. Cependant, l’espoir est permis car, avec le Programme d’appui à la sécurité alimentaire et à l’élevage (Pasael), nous avons obtenu trois milliards de FCfa destinés à la promotion de l’agriculture dans le bassin de l’Anambé. Ce projet, financé par la coopération espagnole via la Banque mondiale, va nous permettre de réhabiliter environs 3000 ha et aménager 200 ha dans les vallées et les bas-fonds, et doter les producteurs du bassin de matériel agricole. Dans le cadre du Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar), nous espérons obtenir un milliard de FCfa en 2014. Cet argent nous permettra, dès l’an prochain, de sortir du bassin pour commencer notre déploiement dans toute la région de Kolda. Dans cette première phase d’extension, nous allons nous concentrer sur les vallées et les bas-fonds. D’ici à cinq ans, nous envisageons d’aménager, au moins, 5000 ha dans les vallées et les bas-fonds de la région de Kolda. Cela nous permettra non seulement de contribuer de manière substantielle au Pnar, mais également de réduire la pauvreté dans cette zone avec les activités de maraîchage en contre-saison».

Avez-vous une idée du démarrage effectif du Pasael ?

«La phase opérationnelle de ce projet débutera dès la fin de la saison des pluies. Les avis d’appels d’offres relatifs à ces marchés seront bientôt lancés puisque nous avons déjà obtenu les avis de non-objection aussi bien de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) que de la Banque Mondiale. Dans la planification initiale, le projet devait démarrer en janvier 2013, le retard constaté est principalement dû au fait que la signature de l’accord de don entre la Banque mondiale et l’Etat du Sénégal a eu lieu le 14 mai 2013. Par ailleurs, dans le cadre du montage institutionnel du projet, le Programme de développement des marchés agricoles du Sénégal (Pdmas) est désigné comme unité de coordination et la Sodagri maître d’ouvrage. À cet effet, la convention qui régit l’interaction entre ces deux institutions a été signée le 1er août 2013. Actuellement, mes services sont en train de procéder au lancement des marchés, et les entreprises qualifiées pour exécuter les travaux pourront soumissionner. J’ai bon espoir que d’ici à la fin 2013, les travaux vont démarrer. Je compte m’investir pour que les entreprises qui seront choisies fassent un travail propre et dans les délais».

Le barrage de Niandouba illustre bien cette dégradation des ouvrages. Y a-t-il un plan pour lui rendre toute sa fonctionnalité ?

 «Si ce barrage est dans cette situation dégradée, c’est parce que l’entretien et la maintenance ont fait défaut. J’ai demandé à la direction technique de faire de la maintenance de nos ouvrages une priorité absolue. Il ne sert à rien de posséder des barrages et des stations de pompage qui ne fonctionnent pas. D’ailleurs, nous avons un projet qui est très ambitieux concernant ce barrage. L’idée est de dévier les eaux de la rivière du Koulountou vers le fleuve Kayanga pour élever le débit et faire de Niandouba un barrage hydroélectrique. Mieux, cela permettrait d’aménager 10 000 nouveaux hectares. Actuellement, il y a seulement 5 000 ha aménagés et cela n’est rien comparé à l’étendue du bassin. Des études préliminaires menées par le Mca ont estimé le coût du projet à 57 milliards de FCfa. En plus de l’augmentation de la superficie aménagée, donc du potentiel de production, on fournira ainsi des aménagements de proximité à toutes les localités du bassin. C’est un projet sur lequel nous travaillons activement. Avec le ministère de l’Agriculture et de l’Équipement rural, nous sommes à la recherche de financements pour prendre en charge la mise aux normes des stations de pompage pour 2014. Notre ambition, c’est d’électrifier toutes les stations de pompage et de faire en sorte que tous les 3 000 ha qui seront réhabilités soient irrigués correctement. À ce sujet, je mise beaucoup sur l’énergie solaire».

Le matériel agricole constitue également un problème dans le bassin. Qu’est-ce qui est prévu pour régler la situation ?

«Je vous ai dit tantôt que dans le Pasael, il est prévu l’achat de matériel agricole. En fait, nous disposons d’une enveloppe de 500 millions de FCfa destinée à l’acquisition de matériel agricole. À défaut de résoudre définitivement le problème, nous avons là une occasion de franchir un grand pas dans ce domaine. Je profite de l’occasion pour remercier la Fao qui a offert récemment aux producteurs du bassin, trois tracteurs. J’ai été très heureux de remettre aux vaillantes femmes de Saré Wogna et de la vallée de Kounkané ainsi qu’à la Feproba les clés de ces tracteurs qui sont déjà en activité».

Les producteurs souhaitent vivement le retour de la Caisse nationale de crédit agricole (Cncas). Peuvent-ils compter sur votre appui ?

«Bien évidement ! La caisse est absente du bassin depuis 2005. Cela est durement vécu par les producteurs. Ils me l’ont dit. J’ai pris l’attache du directeur général de la Cncas et nous avions convenu de descendre ensemble sur le terrain pour discuter directement avec les producteurs. Au mois d’avril 2013, nous avons organisé un forum où il y avait les principaux responsables de la Cncas et différents partenaires. Nous avons discuté ; et il se trouve que les producteurs locaux qui ne doivent à la Cncas qu’environs 30 millions de FCfa ont proposé une solution pour payer leur dette. Ils ont décidé de faire ce qu’on appelle une caution solidaire. C’est-à-dire que cette année, quiconque est attributaire d’une parcelle devrait verser 8 000 FCfa. Si l’on suppose qu’on pourrait emblaver 2 000 parcelles, alors on se retrouverait avec environ 16 millions de FCfa. La Cncas est prête à revenir dans le bassin de l’Anambé si elle recouvre ces 16 millions de FCfa. Ce problème est en passe d’être réglé. Normalement, la caisse sera présente dans le bassin l’année prochaine. Je remercie vivement le Dg la Cncas, M. Arfang Daffé, pour son soutien moral et matériel lors de l’organisation de ce forum».

Le volet commercialisation est-il pris en compte dans votre projet de relance des activités du bassin ?

«Si mes informations sont bonnes, actuellement, il ne se pose pas un problème de marché pour nos producteurs. Avec la proximité de Diaobé, toute la production de riz est écoulée sans difficulté. Mais c’est dû aussi au fait que la production est faible pour le moment. En réalité, l’offre est loin de couvrir la demande locale qui est en croissance exponentielle. On ne voit pas aujourd’hui de producteur ou d’opérateur économique vendre le riz de l’Anambé à Dakar parce que tout est écoulé au « louma » (marché hebdomadaire) de Diaobé. Maintenant, il est clair que si l’on exploite le potentiel agricole du bassin de façon optimale, la production va augmenter et il se posera peut-être des problèmes d’écoulement. C’est pour cela que nous sommes en train de réfléchir sur la possibilité de mettre en place des magasins de stockage pour qu’à la fin de la récolte, les producteurs puissent vendre une partie pour payer les dettes et garder une autre partie pour l’écouler éventuellement en temps utile, notamment pendant les périodes de soudure. Déjà, dans le Pasael, une enveloppe de 100 millions de FCfa est prévue pour l’appui à la commercialisation. Le marché de Diaobé, qui est l’un des plus grands rassemblements hebdomadaires de l’Afrique de l’Ouest, offre des possibilités d’écoulement et il y a également les marchés de la sous-région avec les deux Guinées. Mais il faudrait que le marché sénégalais soit vraiment saturé parce qu’on est de loin déficitaire en riz. Et je vous fais une confidence, le riz de Anambé est d’une excellente qualité. Non ! Le problème de l’écoulement n’est vraiment pas central à mon avis».

Le privé qui a racheté la rizerie ne l’a fait pas marcher, au grand dam des producteurs. Peut-on parler d’échec dans cette privatisation ?

«La question mérite d’être posée. Mon point de vue est qu’il faut encourager les privés à venir produire et installer des rizeries performantes pour faire des prestations de services dans le bassin et au-delà. J’ai discuté avec beaucoup de promoteurs qui m’ont affirmé vouloir implanter des rizeries dans la zone, mais il n’y a pas encore beaucoup de riz. Dès qu’il y aura une augmentation de la production, il y aura des rizeries dans la zone».

 Le programme agropastoral intégré qui a joué un rôle important dans la sécurisation du bétail, le développement de l’élevage et la production de viande est à l’arrêt depuis longtemps. Existe-t-il des mécanismes pour le relancer ?

 «La Sodagri est une société agricole et industrielle qui est implantée dans une zone agro-sylvo-pastorale. Dans cette région, l’agriculture et l’élevage ne doivent pas être en compétition mais en symbiose. Je voudrais qu’à partir de l’année prochaine, même s’il faut impliquer le ministère de l’Élevage, la Sodagri reprenne le volet élevage et puisse faire en sorte que ces investissements soient rentables. J’ai déjà reçu beaucoup d’organisations locales d’éleveurs qui sont prêtes à reprendre, avec l’accompagnement de la Sodagri, l’abattoir qui est un des plus modernes de la région».

Les producteurs rencontrés sur le terrain veulent être formés. Que comptez-vous faire dans ce sens ?

«Il y a des stratégies, notamment des séminaires avec l’Usaid qui se tiennent actuellement dans chaque région du Sénégal sur cette problématique. Je trouve que le budget que la Sodagri réserve à ce volet n’est pas conséquent. Je compte le renforcer afin de mieux prendre en compte la formation. Sans des producteurs bien outillés, aucun investissement ne donnera les résultats escomptés. L’idée est de bien les former pour qu’ils puissent se prendre en charge d’ici à quelques années. Je leur dis souvent que le bassin, c’est leur « puits de pétrole » et c’est à eux de s’organiser pour l’exploiter correctement. L’Etat n’est là que pour les accompagner».

Propos recueillis par Adama MBODJ, Abdoulaye DIALLO (texte) et Sarakh DIOP (photo) [lesoleil.sn]

2 Commentaires

  1. toutes ses suggestions et propositions sont réalisables, les paysans n'attendent que l'appui de l'état pour retrousser les manches et sortir la région de kolda, du sénégal et voire meme de la sous région de ses pénuries latentes de riz.Nos rizeries peunvent enrayées le deficit alimentaires et les périodes de soudure que nous vivons en permanence.Je connais l'Homme Moussa et j'ai un aperçu de ses ambitions, de son intelligence et de son savoir-faire sans omettre son honneteté .Le bassin de Anambé n'a de bassin que du nom , mais c'est plutot une savane et pourtant des moyens ont été financés, alors des moyens et tout ira pour le mieux de tous les senegalais

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