Des piqures et surtout de la patience: la vaccination contre le Covid-19 s’est élargie lundi à tous les plus de 75 ans, sur fond de craintes de pénurie et de critiques sur l’organisation, alors que le virus a déjà provoqué la mort de plus de 70.000 personnes.
« Il y a deux mois de cela, j’étais très réservé, maintenant je me rends compte qu’il n’y a pas d’autre solution, donc on le fait », a expliqué Guy Giral, 81 ans, venu se faire vacciner à l’hôpital Haut-Lévêque à Pessac, près de Bordeaux.
Réservée jusque-là à certains publics prioritaires, dont les résidents d’Ehpad ou les soignants de plus de 50 ans, la vaccination est désormais accessible à tous les 75 ans et plus (5 millions de personnes) et à 800.000 personnes présentant des pathologies à « haut risque » (insuffisances rénales chroniques, cancer sous traitement…).
Les demandes de rendez-vous, ouvertes vendredi, ont été marquées par un afflux, avec plus d’un million de rendez-vous pris le soir-même. Mais tous les seniors n’ont pas pu s’inscrire.
– « Mettre la surmultipliée » –
« On va mettre la surmultipliée », a affirmé lundi soir sur France 5 Jean Castex, annonçant pour les deux semaines à venir 430.000 injections supplémentaires dans les Ehpad, où un peu plus de 100.000 résidents et soignants ont été vaccinés jusqu’à présent.
Mais « il n’y a pas de stock caché », a ajouté le Premier ministre, précisant que la France avait reçu 1,6 millions de doses, dont 479.873 déjà utilisées, selon les chiffres arrêtés lundi soir.
« A chaque fois que des doses arrivent, on les met immédiatement à disposition, on ouvre des créneaux de rendez-vous pour les Français. Nous sommes en flux tendu, c’est notre stratégie, c’est la stratégie de tous les pays qui vaccinent », a assuré plus tôt le ministre de la Santé, Olivier Véran, en marge d’une visite au CHU de Grenoble.
Mais certains élus locaux se montrent très critiques. « Que le gouvernement dise la vérité ! Qu’on ne recommence pas la même histoire qu’avec les masques ou les tests », a exhorté la maire socialiste de Lille, Martine Aubry, alertant sur une « pénurie de vaccins ».
La ville de Clamart (Hauts-de-Seine), dirigée par Jean-Didier Berger (Libres!, ex-LR), a elle assuré n’avoir reçu, « contrairement aux annonces gouvernementales », que « 170 et non 420 doses de vaccin ».
Selon le directeur général de l’agence régionale de santé d’Île-de-France, Aurélien Rousseau, seuls 8 centres ouverts de la région sur 109 ont un « surbooking », que l’ARS prévoit de « régler en envoyant les personnes vers d’autres centres ou en décalant les rendez-vous de quelques jours ».
Son homologue de l’ARS Occitanie, Pierre Ricordeau, a décrit non pas « une situation de pénurie, mais de mise en oeuvre progressive de la campagne de vaccination ».
– Line Renaud et les 7 Nobel –
Après des sueurs froides liées à l’annonce d’une baisse de cadence « pour trois à quatre semaines », le groupe américain Pfizer, associé au laboratoire allemand BioNTech, avait annoncé samedi un « plan » pour accélérer la production et revenir au calendrier initial de livraisons de son vaccin à l’UE « à partir de la semaine du 25 janvier ».
Le retard de livraison sera rattrapé « à la fin du 1er trimestre », a assuré lundi la ministre déléguée à l’Industrie Agnès Pannier-Runacher, se disant cependant « vigilante ».
Selon un sondage Ifop cité par Le Parisien dimanche, 54% des Français souhaitent désormais se faire vacciner. C’est 15 points de plus qu’en décembre.
Pour montrer l’exemple, sept prix Nobel français ont tendu le bras devant les caméras. « Je ne pense pas être un modèle, mais si je peux faire quelque chose en faveur de la vaccination, je le fais », a relativisé Gérard Mourou, prix Nobel de physique 2018.
« J’étais réticente. J’avais plutôt décidé d’attendre. Devant l’ampleur de l’épidémie, j’ai décidé d’y aller », a raconté pour sa part la comédienne et chanteuse Line Renaud, 92 ans, vaccinée à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).
Dans une France sous couvre-feu avancé à 18H00 depuis samedi et pour « au moins 15 jours » afin de limiter les contacts sociaux, le gouvernement table sur la vaccination pour enrayer l’épidémie.
Celle-ci ne montre pas de signes de faiblesse, avec 2.803 malades en réanimation lundi – un record depuis mi-décembre – et 254 nouvelles admissions en 24 heures. Avec 404 morts comptabilisés lundi, le bilan total des décès a atteint 70.786, selon Santé publique France.
Et la crainte d’un rebond s’amplifie avec la menace de nouveaux variants – britannique et sud-africain – plus contagieux.
« Il faut vacciner plus vite » et « tout ce qu’on va faire pour retarder » la reprise épidémique par des restrictions sanitaires « est bon à prendre », a expliqué à l’AFP Simon Cauchemez, qui a réalisé des projections pour l’Institut Pasteur.
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