mardi, avril 23, 2024

Comment favoriser les bonnes bactéries ? Le secret de la saveur des fromages au lait cru

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Comment conserver les bonnes bactéries tout en évitant le développement des mauvaises? C’est le secret des fromages français au lait cru et un défi relevé quotidiennement par les producteurs fermiers, comme à la ferme savoyarde « la marmotte en Bauge ».

Il est 07H00. Par groupe de cinq, les tarentaises, des vaches à la robe rousse et aux yeux bordés de noir, se pressent vers la salle de traite. Jocelyne Pavy, un bonnet sur la tête par ce matin frisquet à La Motte-en-Bauges, à 1.000 mètres d’altitude, branche sa machine à traire.

Après la traite, elle repasse sur chaque trayon avec un chiffon enduit d’un nettoyant doux, pour ne pas endommager le délicat microbiote, les micro-organismes accumulés sur le pis de la vache et qui contribueront à la saveur du fromage.

Une étude de 2016 de l’Institut national français de recherche agronomique et de l’environnement (Inrae), menée par la chercheuse Marie Fretin, a montré l’importance de ne pas aseptiser totalement le pis des vaches, qui contient à lui seul 85% du microbiote de l’animal.

Car avec les mesures sanitaires de plus en plus drastiques prises depuis les années 1970 pour éviter le développement de bactéries dangereuses (listéria, salmonella, E. coli…), les scientifiques ont constaté un appauvrissement de la richesse du microbiote des fermes et de leurs produits.

Pas de pasteurisation

La traite terminée, Jocelyne ouvre le robinet du réservoir. Le lait (15 litres par vache en moyenne) descend dans un grand chaudron situé dans le « labo » de la ferme, à l’étage du dessous. Dans cette pièce, où tout le matériel inox et cuivre peut être lavé à grandes eaux, commence la fabrication de la tome des bauges, un fromage en appellation d’origine protégée (AOP) au lait cru.

Le lait du matin est mélangé à celui de la traite du soir pour « garder les ferments lactiques naturels », explique Patrick Pavy, le mari de Jocelyne. En blouse blanche, il réchauffe lentement le lait après y avoir ajouté de la présure extraite des sucs gastriques du veau, pour l’acidifier.

« Autour de 10 degrés, les bactéries commencent à travailler », détaille-t-il. Ici, pas de pasteurisation: Patrick Pavy veille à ce que le chaudron ne dépasse jamais les 40 degrés, température à laquelle commencent à disparaître les précieuses bactéries qui font le goût de la tome.

Assez rapidement, la texture s’épaissit. Le « caillé » se forme. Fort d’années d’expérience, Patrick Pavy voit à l’oeil nu quand la transformation est achevée: c’est le moment de vider l’énorme chaudron et de mouler le caillé dans des faisselles qu’il met à égoutter.

Quelques heures plus tard, les futurs fromages sont posés sur des planches en bois local dans la cave d’affinage. A la fraîcheur et dans le noir, ils perdent leur eau et développent des bactéries et champignons qui formeront la croûte et la saveur.

Tous les jours, le fromager retourne les tomes, enlève les moisissures de surface. Un mois et demi plus tard, elles seront affinées et prêtes à consommer, avec une belle croûte brune.

Savoir-faire

Comme dans cette ferme savoyarde, ce sont le savoir-faire local, les pratiques d’élevage et de transformation qui garantissent, dans différents terroirs de France, des goûts, des textures et des saveurs très différents à des fromages ayant pourtant tous la même base: le lait.

Cette diversité est liée également à la richesse microbienne de l’environnement de la ferme, contenues notamment dans l’herbe que consomment les vaches.

Dans le cadre du projet de recherche MétaDPOcheese, auquel participe l’Inrae, « nous avons trouvé plus de 1.400 espèces bactériennes » dans des échantillons de lait cru venant de toute la France, selon Françoise Irlinger, ingénieur de recherches en microbiologie à l’Institut. « Cela représente 180 à 450 espèces bactériennes » en moyenne pour chaque lait -leur nombre varie en fonction de l’AOP.

Au niveau sanitaire, ces découvertes ont aussi un intérêt, car la nature a horreur du vide: « Les premières bactéries arrivées vont empêcher les autres de coloniser » et si les bonnes bactéries se développent bien, cela ne laisse pas de place aux mauvaises pour survivre, assure Françoise Irlinger.

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