Le Premier ministre Edouard Philippe présente ce mardi à 15h à l’Assemblée nationale le plan du déconfinement en France devant les députés qui sont appelés à débattre et voter dans la foulée.
Emmanuel Macron avait lancé le compte-à-rebours en annonçant la sortie du confinement pour le 11 mai. Le moment est maintenant venu de dire aux Français comment elle va être organisée. « Il était plus facile d’imposer le confinement que de gérer le déconfinement », soupire un élu En Marche.
En résulte la multiplication des rumeurs et des hypothèses qui ont circulé avant d’être démenties ces derniers jours, parfois par le président lui-même, comme ce fut le cas sur un déconfinement régionalisé qu’Emmanuel Macron a exclu.
Le gouvernement français doit se livrer à un véritable exercice d’équilibriste consistant à faire redémarrer l’économie sans relancer l’épidémie. La crise s’est traduite très concrètement dans les chiffres du chômage en mars en France, avec une hausse record de 7,1 % sur un mois (+246 100 personnes).
A deux semaines du début du déconfinement, les questions sont nombreuses : où rendre les masques obligatoires ? Quels tests et pour qui ? Réouverture des commerces partout ou par régions françaises ? Quid des entreprises ? Et des vacances d’été ?
Des contradictions avec l’avis scientifique
Le Conseil scientifique chargé d’éclairer le gouvernement français a livré samedi soir ses recommandations pour une « levée progressive et contrôlée du confinement ». Six prérequis doivent impérativement être remplis, écrit-il. On note entre autres une reconstitution des moyens en mileu hospitalier, qu’ils soient humains ou matériels, une capacité à dépister massivement le Covid-19 et à ensuite isoler les malades, le maintien des mesures de distanciation sociale dans l’espace public, ainsi qu’un port du masque généralisé. Sur tous ces points, scientifiques et gouvernement parlent d’une même voix.
Mais entre impératifs de santé publique et redémarrage de l’économie,
l’exécutif est face à des choix qui le placent en contradiction avec le Conseil. L’exemple le plus frappant est celui de la réouverture des écoles dès le 11 mai, à laquelle les scientifiques sont opposés. La question des transports en commun est également épineuse. Les autorités veulent que le réseau fonctionne à 70 % de ses capacités lors du déconfinement, un objectif incompatible avec les règles de distanciation que prône le Conseil.
Son avis n’est cependant pas contraignant, le politique a toute sa marge de manœuvre. Avec un risque cependant : qu’on le renvoie aux paroles d’Emmanuel Macron lors de sa première allocution consacrée à l’épidémie.
Le chef de l’Etat avait alors déclaré que ses actions seraient guidées par sa confiance dans la science.
Un vote bien trop rapide pour l’opposition
Après les derniers arbitrages présidentiels sur le retour des élèves à l’école, les transports, le port des masques, les tests, l’application de traçage de la population, Edouard Philippe va donc présenter le cadre du déconfinement ce mardi après-midi devant les députés pour le faire valider dans la foulée par la représentation nationale. Pour le gouvernement, les députés devraient s’estimer heureux. « Edouard Philippe aurait pu se contenter d’une conférence de presse », explique-t-on. Mais ce débat suivi d’un vote est loin de satisfaire les oppositions qui réclamaient 24 heures entre les deux. Cela aurait permis d’organiser une réunion de groupe « pour trouver une position commune, avoir le temps d’échanger et surtout d’avoir un retour sur la déclaration du Premier ministre », fait ainsi valoir Damien Abad, le patron du groupe Les Républicains à l’Assemblée. « On n’a pas de texte à l’avance, on vote un peu à l’aveugle », déplore-t-il.
Les communistes, eux, auraient voulu plus de temps encore, afin d’élaborer un plan qui fasse consensus. « Quand on a un texte de loi important, qui modifie notre modèle social par exemple, on prend bien trois semaines pour discuter à l’Assemblée nationale. Là, on est sur un plan de déconfinement inédit, ça ne peut pas se décréter d’en haut et être voté sur un claquement », critique le secrétaire national du PC Fabien Roussel.
Autre problème : le traçage numérique ne fera pas l’objet d’un vote à part. Certains, comme les Insoumis, dénoncent une manœuvre politique. « C’est une manière de noyer le vote éventuellement contre des députés de La République en marche. C’est une violence à notre démocratie. On trouve cela inacceptable », s’exclame la députée du Val-de-Marne Mathilde Panot. Le gouvernement se défend en soulignant que les députés seront à nouveau consultés. Certains aspects du déconfinement figureront dans un projet de loi qui devrait être soumis au Parlement avant le 11 mai.
RFI