jeudi, avril 18, 2024

Casamance : un terroir hostile au terrorisme malgré la guerre

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Nous avons recueilli l’avis de René Capain Bassène suite à la déclaration de Monsieur Nicholas Kralev, ancien journaliste au Financial Times et au Washington Times, qui a soutenu que les Etats-Unis s’intéressent au problème casamançais parce qu’ils « pensent qu’il pourrait déranger encore s’il n’est pas résolu ». et qu’il estime également que « ce genre de problème peut engendrer le terrorisme », car certains belligérants peuvent être amené à rejoindre Al Qaida ».
Selon le journaliste Nicholas Kralev, Washington veut « régler rapidement le problème casamançais  » pour éviter que cette région devienne un nid fertile pour le terrorisme ; en tant qu’observateur du conflit, quelle analyse Monsieur Bassène faites vous de cette déclaration ?
Je n’aime pas le mot analyse car je le trouve assez chargé. Cependant, je vais tenter de répondre à votre question. Mais je tiens encore une fois à préciser que ce que j’aurai à dire n’engage que ma modeste personne. C’est juste mon humble avis que je vous livre.
Bien, je commencerai par dire que je ne partage pas les allégations de M. kralev sur l’une des  raisons qu’il a avancées pour expliquer le fondement de la nomination du conseiller spécial des Etats unis pour la Casamance. Je ne suis pas d’accord avec l’argument d’une probable infiltration de terroristes en Casamance. S’il le dit c’est parce qu’il connaît mal la Casamance, qu’il ne maitrise pas les réalités sociales, culturelles et cultuelles de la Casamance et qu’il méconnait la philosophie et la mentalité du MFDC et de Attika sa branche combattante en particulier.
S’il vous plait Monsieur Bassène, soyez plus clair et précis dans vos propos et dites nous pourquoi et d’où vous puisez ce que vous dites ?
Je vais vous faire un petit aveu. Je suis quelqu’un qui a toujours cherché à savoir et à comprendre ce qui se passe en Casamance. Et depuis 2005, j’ai utilisé le prétexte de mon mémoire de fin d’études en journalisme pour  atteindre mon objectif en profitant de mes voyages d’enquêtes pour rencontrer les différents acteurs et les aborder sur des sujets  pour la plupart hors du cadre de mon thème d’étude. Cela fait aujourd’hui bientôt neuf ans que je m’intéresse de façon très rapprochée mais dans la totale discrétion à la crise ainsi qu’aux différents acteurs intervenants dans la résolution de ce conflit vieux de plus de trente ans.
Au fur et à mesure, j’ai réussi à élargir et à diversifier mes sources et à avoir un solide réseau de plus en plus large d’informateurs en plus de ma propre observation directe puisque je suis fréquemment sur le terrain. C’est de ce travail qu’est né le contenu de mon livre sur l’abbé Augustin Diamacoune Senghor. Je suis bientôt à la fin de mon deuxième livre cette fois consacrée à la crise proprement dite. C’est tout ce que je peux vous dire  pour répondre à votre interrogation de savoir d’où est ce que je puise mes propos.
Maintenant dites nous pourquoi vous n’êtes pas d’accord avec M. Karley qui soutient que « ce genre de problème peut engendrer le terrorisme » et qu’il est possible que (certains des belligérants) peuvent rejoindre Al Qaida ».
Je ne connais pas Monsieur M. Karley, mais je le respect beaucoup même si je ne partage pas certains aspects de son discours. Je reviens sur mon propos pour répéter qu’il a tenu de telles allégations parce qu’à mon avis, il maitrise mal la sociologie casamançaise et la philosophie du MFDC. Ce n’est pas que la Casamance soit en proie à un conflit armé qu’elle peut être considérée comme une zone fertile à l’évolution du terrorisme. Je le dis pour les raisons suivantes :
Sur le plan local et national
–      En Casamance, il n’y est pas pratiqué un islam et un christianisme extrémiste
–      Le conflit malgré sa vieillesse n’a aucun fondement ni soubassement religieux.
–      le MFDC se bat pour l’indépendance de la Casamance et non pour instaurer ni imposer une quelconque idéologie religieuse.
–      Le MFDC surtout dans sa partie combattante est composé d’éléments de toutes religions confondues.
–      La Casamance est l’une des rares parties du pays où existent une très grande complicité, une bonne harmonie et solide cohésion sociale entre musulmans, chrétiens et traditionnalistes.
–      C’est en Casamance où ont trouve deux cimetières (à Santhiaba et kandialang dans la commune de Ziguinchor) où sont enterrés où sont enterrés musulmans, chrétiens et pratiquants de la religion traditionnelle.
–      Les populations casamançaises malgré leur adhésion à l’islam et au christianisme accordent encore du crédit à certains aspects de la religion traditionnelle.
–      C’est d’ailleurs ce respect aux valeurs traditionnelles qui a fait que la rébellion casamançaise est l’une des plus « civilisées » au monde.
–      Le MFDC n’a aucun contact avec un quelconque groupe terroriste.
–      La philosophie des terroristes ne peut être partagée par les combattants, le casamançais n’a pas cet esprit de mourir ou de tuer au nom de la religion.
–      Verser du sang, et tuer les populations ou mourrir au nom du Bon Dieu n’a jamais été de la culture et de la mentalité des casamançais.
–      Depuis l’éclatement de la guerre interne à Atika, les recrutements sont bien contrôlés.
–      La Casamance est l’un des rares terroirs du Sénégal où il n’existe pas le phénomène social de castes etc.
Sur le plan international
–      La Casamance n’est pas comparable au Mali car elle ne présente pas les mêmes réalités géographiques, ethniques et sociologiques.
–      Les terroristes ne peuvent pas prospérer en Casamance puisqu’il a à tort comme soubassement la religion islamique. Comment interdire à un diola, un balante, un mancagne  ou un manjack  pour ne citer que ceux là de renoncer à son vin de palme, à son kadiou et surtout à son bois sacré et à certaines manifestations cultuelles et culturelles ? c’est inimaginable.
–      la Guinée Bissau et la Gambie ne sont pas des Etats islamiques et pratiquent un islam modéré. Autrement puisque certaines bases de la rébellion sont adossées à leurs frontières, il faudrait pour plus de vigilance un conseiller spécial Etats-unis pour le Sud Gambie et un autre pour le Nord Guinée Bissau puisque ce sont deux pays différents.
–      la Cote d’ivoire était en crise, le Mali n’est pas totalement sortie de sa crise, le
Soudan et le Centre Afrique sont en crise, mais il n’y a pas de conseiller spécial.  Peut être que ce n’est pas nécessaire ?
Je conclu ce point en disant et je demeure catégorique et fermement convaincu que jamais la Casamance ne sera un terroir de prédilection du terrorisme.
 Vous êtes catégorique dans votre affirmation pour ce qui concerne le terrorisme, mais reconnaissez –vous que la crise a favorisé le commerce de la drogue et le banditisme ?
En fait, j’ai utilisé les mots « catégorique et jamais » non pour défier le Bon Dieu ni un quelconque individu, mais pour exprimer ma profonde conviction. C’est peut être le vocabulaire que je connais et qui puisse refléter ma position par rapport à ce point. Toute guerre n’est pas forcement un nid fécond pour le terrorisme.
Pour ce qui est de la drogue, c’est ce que d’autres « spécialistes du conflit » qualifient d’économie de guerre. Je reconnais effectivement que la drogue circule en Casamance comme c’est le cas pour tout le reste du pays. Mais on n’est pas arrivé au stade où on qualifierait ce terroir de plaque tournante de la drogue. J’ignore les statistiques, mais je ne crois pas que la Casamance soit la partie du Sénégal qui enregistre le plus haut taux de détenus pour consommation ou trafic de drogue.
Concernant le banditisme, je relativise également les choses car sur ce plan, même Dakar n’est pas à l’abri de ce phénomène. Les agresseurs, les coupeurs de routes, les braqueurs de boutiques et de banques, les voleurs etc… ne se trouvent pas qu’en Casamance. Et je ne crois pas qu’en Casamance le taux de banditisme soit le plus élevé du pays.
Je termine ma réponse en disant que quelques fois les gens donnent des informations exagérées et qui tendent à diaboliser la Casamance.  Il m’arrive souvent par exemple de rencontrer de gens qui me disent : « quand tu es dans les autres régions et que tu entendes parler de la Casamance, tu as l’impression que c’est l’enfer, mais quand tu te rends sur place, la réalité est tout autre et tu n’as même pas envie de rentrer ». C’est vrai qu’il y a « une sorte de guerre », mais les choses ne sont pas au degré où les ont placées certains acteurs. Il existe bel et bien de nos jours une vie paisible en Casamance et  ceci depuis bientôt plus de cinq ans. Sur cet aspect je prends à témoin l’opinion.
Washington veut « régler ce problème rapidement » a également déclaré Nicholas Karley quelle est cette fois ci votre avis sur cette déclaration.
Comme tout le monde, je suis content, je suis très heureux qu’une puissance de la trempe des Etats unis s’intéresse enfin à la résolution du conflit en Casamance. Mon bonheur serait plus grand s’il avait utilisé le mot engagement, par exemple s’il disait que Washington s’engage à trouver une solution rapide au problème. « Vouloir régler le problème » est à mon avis une déclaration d’intention. Il est temps qu’à la suite des multiples et vaines tentatives et initiatives locales, que les grandes puissances viennent aider à ramener la paix en Casamance. Ce conflit a trop duré et les populations en ont assez souffert ;
Mais je veux juste leur faire une toute petite suggestion si elle n’a pas déjà été effectuée. je voudrai leur demander de procéder à un sérieux diagnostic des différentes démarches entreprises par les différents messieurs Casamance de 1990 à nos jours et de s’inscrire après évaluation dans une logique de rupture dans l’approche et la démarche auprès de l’Etat du MFDC  afin de les amener à se retrouver autour de la table de négociations pour  que vivement revienne une paix durable en Casamance.
ARDiallo (journaldupays.com)

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