jeudi, mars 28, 2024

[ENTRETIEN/JEUNE AFRIQUE ] Michael J. Bittrick : « Sans sécurité, l’Afrique ne décollera pas »

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Crises, appui militaire au long cours, dialogue avec Pékin : le directeur adjoint chargé des affaires régionales et sécuritaires au bureau Afrique du département d’État américain, Michael J. Bittrick, intervient sur tous les fronts.

JEUNE AFRIQUE : En quoi la politique africaine de l’administration Obama a-t-elle évolué depuis cinq ans ?
Michael J. Bittrick : Le continent a connu des bouleversements avec l’avènement du Printemps arabe, des changements de régime au sud du Sahara, de nouvelles menaces sécuritaires : piraterie, terrorisme… Notre politique s’adapte évidemment à ces évolutions, mais repose toujours sur quatre piliers – la démocratie et la bonne gouvernance, l’appui à la croissance des économies et à l’essor des marchés, la paix et la sécurité, l’aide au développement : des domaines indissociables les uns des autres, car sans sécurité il est difficile de promouvoir les investissements et le commerce. Et il sera donc très difficile pour l’Afrique de décoller.

Quelle est votre stratégie à l’égard des nouvelles menaces sécuritaires ?
Nous attachons beaucoup d’importance à la gestion des questions sécuritaires par les gouvernements pour qu’elles ne soient pas du seul ressort des dirigeants, mais puissent être contrôlées par la société civile et les parlementaires. Nous appuyons la mise en place de forces professionnelles, sous l’égide de l’ONU, de l’Union africaine ou de la coopération bilatérale, et sommes très présents dans le domaine de la réforme des armées, de la professionnalisation de la police et dans la formation des Casques bleus. Notre budget consacré à l’Afrique subsaharienne est de 250 millions de dollars [185 millions d’euros] pour l’assistance militaire, de 60 millions pour la police, et de 8 milliards pour l’ensemble de nos autres domaines d’intervention sur le continent.

Entre le Pentagone, Africom, les agences et le département d’État, comment coordonnez-vous votre action en Afrique ?
C’est une grosse machine qui nécessite de nombreuses réunions de concertation. En cas de crise comme celle qu’a connue le Mali, on organise des vidéoconférences au moins deux fois par semaine pour répondre à l’évolution de la situation. Nous participons aussi à toutes les rencontres sur les Grands Lacs, la question des deux Soudans ou la Somalie. On dispose d’une large palette d’options pour intervenir au niveau politique, diplomatique ou des projets de terrain, et les défis sont multiples. Il faut résoudre les questions de police locale, de sécurité des frontières, endiguer les menaces terroristes, sans oublier les dimensions économiques, sociales et humanitaires. Car la réponse sécuritaire doit être appuyée par des programmes plus larges de développement.

La situation dans le nord du Mali vous inquiète-t-elle toujours ?
C’est un gros défi pour le président Ibrahim Boubacar Keïta. La question des Touaregs et des groupes armés arabes du nord du pays a aussi une dimension politique. Nous sommes prêts à aider les autorités pour réintégrer les différentes forces dans l’armée nationale. Cela nécessitera de la formation, de l’assistance technique. Et de travailler sur les aspects de réconciliation nationale, de cohésion sociale, de décentralisation, pour réinstaurer un dialogue constructif entre les communautés.
Nous ne cessons pas de poursuivre Kony et les rebelles de la LRA. C’est une question de temps.

Vous traquez Joseph Kony et les tueurs de la LRA depuis des années. En vain…
Cela s’explique notamment par la nature du terrain. Le Pentagone et le département d’État travaillent en partenariat avec les forces de sécurité ougandaises. Nous menons aussi une action avec la RDC, le Soudan du Sud et la Centrafrique. Nous avons enregistré quelques succès, avec la baisse des attaques et les défections de rebelles de la LRA. Nous ne cessons pas de les poursuivre. C’est une question de temps.

Êtes-vous optimiste pour la Somalie ?
Raisonnablement. Beaucoup ont douté de notre stratégie d’appuyer l’Amisom, la force africaine, et le gouvernement de transition, mais l’évolution de la situation nous donne raison. Le nouvel exécutif a certes encore du travail : il lui faut procéder au retour de l’administration, de l’armée et de la police en dehors de Mogadiscio, appuyer ce processus par des programmes locaux de santé et d’éducation… Mais il sera alors plus difficile pour les Shebab d’engager de nouvelles recrues. Autre enseignement de cette crise : il faut consolider l’architecture de sécurité africaine en mettant en place la Force en attente et en travaillant avec les autres forces régionales, afin qu’elles soient plus opérationnelles et puissent répondre rapidement, dans un délai d’une semaine à un mois, à toute menace potentielle.

Pourquoi la RDC a-t-elle tant de mal à reconstruire une armée crédible ?
Ce n’est pas qu’une question sécuritaire. Il faut reconstruire un État. Notre appui aux Casques bleus, au gouvernement, aux programmes économiques et sociaux doit permettre d’atteindre cet objectif. Il faut accentuer les efforts de sensibilisation en direction du Rwanda et de l’Ouganda. Le déploiement récent de la brigade d’Afrique australe à l’est du pays permet de mieux contrôler ce qui se passe aux frontières et d’empêcher que les ressources locales ne servent à alimenter des milices.

Que change la montée en puissance des intérêts chinois sur le continent ?
Nous souhaitons que Pékin s’implique davantage avec la communauté internationale et africaine sur les questions sécuritaires. Les entreprises chinoises ont intérêt à ce que leurs activités ne soient pas pénalisées par ces problèmes. Si les Chinois ont eu l’habitude de travailler seuls par le passé, ils évoluent, puisqu’ils participent à l’opération de maintien de la paix de l’ONU au Mali. Nous leur disons : rejoignez-nous autour de la table de discussion !

Jeuneafrique

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