vendredi, avril 19, 2024

Evaluation des résultats du baccalauréat 2009 : L’expert Kalidou Diallo se prononce

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Après sa tournée du jeudi 16 juillet 2009 dans certains centres d’examen de Dakar, le ministre Kalidou Diallo nous a gratifiés, sur la chaîne Canal info News, de sa brillante analyse des résultats du baccalauréat 2009 : dans l’académie de Kolda, dira-t-il, le taux de réussite est de 24,70%. De faibles résultats qui, selon lui, sont dus aux grèves des enseignants.

Et notre cher ministre, très élégant depuis quelques temps, de poursuivre : «Dans le privé les enseignants sont moins formés, moins payés, moins motivés…»
Sur la question de la formation, nous attendions notre cher ministre sur les mesures qui ont été prises par son département pour offrir une formation adéquate aux dizaines de mil­liers d’enseignants volontaires, vacataires, et contractuels et non pas sur des analyses aussi légères fondées sur les résultats d’une seule académie.
Au fait à quoi pense le ministre quand il dit que les enseignants du public sont mieux formés que ceux du privé ? Ce ne sont quand même pas aux Cd-Rom qu’ils distribuent aux professeurs contractuels en formation à la Faculté des sciences et techniques de l’éducation et de la formation- Fastef- complétés par une formation présentielle d’une semaine ? Une formation au rabais dont les multiples dénonciations de l’Alliance pour la défense de l’Ecole publique et des travailleurs- Adept- n’ont eu raison. Nous n’osons croire non plus qu’il fasse allusion aux recrutements d’enseignants aux profils douteux que son département organise chaque année. Les enseignants bien formés du public dont il parle ne sont sûrement pas les recrues puisées dans la longue liste du quota sécuritaire ? Il serait intéressant monsieur le ministre d’étudier l’impact de ce mode de recrutement sur les résultats et de situer les responsabilités des décideurs dans cette débâcle.
Sur la question de la rémunération, notre cher ministre dit que les enseignants du public sont mieux payés que ceux du privé. J’imagine que pour lui, un vacataire de l’éducation n’est pas un enseignant, car toutes les écoles privées qui se respectent, offrent à leurs enseignants des salaires meil­leurs que celui du vacataire du public. Nous croyons donc savoir qu’il s’est fondé sur son expérience personnelle, mais là aussi, il doit savoir que les choses évoluent. Le taux horaire misérable pour lequel il s’est, sans doute, toujours défoncé n’est plus de rigueur dans le privé.
Si je pouvais donner un conseil à monsieur mon cher ministre, je lui dirais de se pencher sur le sort des vacataires qui travaillent plus pour gagner trois fois mois que leurs collègues titulaires.
Poursuivant toujours son entreprise lugubre de diabolisation de ses anciens collègues, le ministre Kalidou Diallo soutient que les enseignants du privé sont moins motivés. Nous aimerions savoir comment il évalue la motivation, lui l’expert ?
Il y a quelques mois, au plus fort de la crise scolaire des lettres circulaires ont été envoyées dans tous les établissements du moyen-secondaire. Faut-il le rappeler, dans ces documents administratifs, notre cher ministre menaçait les enseignants du public qui donnaient des cours dans le privé, insistant même sur l’illégalité de la prati­que. Aujourd’hui, il est heureux de le voir plus mesuré. Dans sa dernière sortie, notre éminent expert, ancien syndicaliste qui a sans doute beaucoup souffert de son impopularité, semble changer de fusil d’épaule. Il est visiblement passé à l’école de la retenue, faisant moins dans les menaces mais résolument décidé à «casser» du professeur.
Revenons à notre expert et à son expertise. Toujours dans son exercice comparaison/explication des résultats du baccalauréat 2009 dans le privé et le public, le ministre Kalidou Diallo montre du doigt les enseignants du public qui s’adonnent à la vacation dans le privé : «Les enseignants du public font de meilleurs résultats dans le privé…» L’on semble comprendre que le privé fait de meilleurs résultats que le public parce qu’il ne connaît pas de grèves ou que les enseignants y sont plus rigoureux. Encore une analyse démagogique, car nous qui sommes sur le terrain, savons que les ré­sultats du privé ne sont pas meilleurs que ceux du public. Et sur la question de la rigueur, force est de constater que le ministre est mal placé, vraiment mal placé pour en parler. Seulement au Sénégal, malheureusement, ce sont les voleurs qui crient toujours au voleur et du coup on a du mal à se retrouver.
En établissant un lien direct de cause à effet entre les grèves des professeurs et les mauvais résultats de cette année, le ministre ne fait que reprendre l’analyse linéaire et superficielle du citoyen lambda qui est expert sur tous les sujets et en toutes circonstances. Sauf que ce qui est compréhensible voire tolérable pour un ci­to­yen ordinaire ne l’est pas forcément pour un ministre de la Ré­pu­blique. En les tous cas, s’il dirige comme ça son ministère, nous ne devrions pas être surpris d’avoir notre système éducatif dans l’état où il est.
Un système éducatif est un tout qui intègre les apprenants, les enseignants, l’administration locale, l’Etat, les parents et les partenaires. L’appré­ciation de l’apport de chaque partie ne peut se faire objectivement qu’avec une bonne connaissance d’un certain nombre de paramètres. A l’heure où le Sénégal met 40% de son budget dans l’éducation, nous dit-on, confier ce département à une personne qui ne comprend pas que le rôle du ministre de l’Education est de travailler avec les enseignants et non contre eux et qui de surcroît s’autorise à faire des analyses aussi téméraires, est particulièrement inquiétant.

Cheikh DIOP / cheikhgdiop@yahoo.fr

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