L’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve sera reçu lundi matin par Emmanuel Macron pour discuter des conditions d’une nomination à Matignon, près de deux mois après des élections législatives qui ont conduit à une Assemblée nationale sans majorité.
L’annonce de ce rendez-vous consolide le statut de favori de Bernard Cazeneuve et témoigne d’une accélération des consultations menées par Emmanuel Macron après 55 jours de crise politique.
Alors que son nom a circulé avec insistance pendant la semaine comme Premier ministre possible, « Bernard Cazeneuve n’est pas demandeur mais s’il le fait c’est par devoir et pour éviter des difficultés supplémentaires au pays », a expliqué son entourage, qui a annoncé cette rencontre.
L’entourage d’Emmanuel Macron a précisé que cette rencontre s’inscrivait dans la poursuite des consultations du président qui devrait également s’entretenir avec ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande.
L’ancien ministre de l’Intérieur, au moment des attentats de novembre 2015, et Premier ministre des derniers mois du quinquennat de François Hollande « est un homme de gauche responsable qui tiendra compte de la situation politique mais aussi économique du pays », a-t-on ajouté dans son entourage.
Emmanuel Macron est à la recherche d’un Premier ministre qui puisse ne pas être l’objet d’une censure immédiate de la part des forces politiques à l’Assemblée nationale.
C’est pour ce motif qu’il a écarté la nomination de Lucie Castets, présentée par les formations du Nouveau Front populaire (LFI-PS-Ecologistes-PCF), alliance de gauche arrivée en tête des dernières législatives.
S’il est de centre-gauche, l’ancien socialiste âgé de 61 ans a quitté le PS en 2022, opposé à l’alliance avec LFI au sein de la Nupes, et a un profil moins clivant pour la macronie, la droite et l’extrême droite.
Pour le chef de file du Modem François Bayrou, Bernard Cazeneuve remplit « deux conditions essentielles: quelqu’un d’expérimenté et qui a un crédit dans l’opinion ». « La situation exige un dénouement assez rapide », a-t-il plaidé sur LCI.
« Bernard Cazeneuve fait partie de la liste de profils qui me semblent être à même de rassembler au delà de son camp, puisque personne ne détient la majorité à lui tout seul », a renchéri la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, invitée de « Questions politiques » sur France inter/France Télévisions/Le Monde
Et son arrivée à Matignon pourrait fracturer les socialistes. Elle a ainsi été qualifiée de « crédible et sérieuse » samedi par la maire de Paris Anne Hidalgo.
– censure à gauche –
« Bernard Cazeneuve n’est soutenu par aucun des 4 partis de gauche du pays », a répondu dimanche Manuel Bompard sur BFMTV. « Le Nouveau Front populaire s’est construit en rupture avec la politique de François Hollande, dont Bernard Cazeneuve était le Premier ministre. Nous censurerons tout gouvernement autre que celui de Lucie Castets », a-t-il réaffirmé.
Côté écologiste, l’hostilité à l’ancien maire de Cherbourg vient de son soutien à l’énergie nucléaire, et au souvenir de la mort du militant Rémi Fraisse sur le barrage de Sirvens lors d’affrontements avec les forces de l’ordre en 2014.
Cette rencontre lundi à l’Elysée éloigne de facto l’hypothèse d’un « Premier ministre de droite » pour laquelle plaide l’ancien président Nicolas Sarkozy. Mais les dirigeants des Républicains, qui veulent arriver en opposants à la présidentielle de 2027, refusent toute coalition ou participation au futur gouvernement.
Encore faut-il qu’Emmanuel Macron et Bernard Cazeneuve s’accordent sur les modalités de leur éventuelle « cohabitation ».
Selon son entourage, Bernard Cazeneuve cherchera à s’assurer que les « conditions d’un fonctionnement institutionnel normal, régulier, transparent » sont « réunies », n’excluant pas d’opposer un refus à une nomination à Matignon si ce n’est pas le cas.
La réforme impopulaire sur la retraite à 64 ans fait partie des sujets délicats qui seront évoqués lors de cet entretien.
Le temps presse pour un nouveau gouvernement car le budget de l’État 2025 doit être déposé au Parlement le 1er octobre au plus tard. « Aucun gouvernement ne pourra s’exonérer de la poursuite des efforts pour réduire le déficit », a jugé le ministre démissionnaire des Comptes publics Thomas Cazenave dans Le Parisien Dimanche.
Avant le 1er octobre, le Parlement pourrait être convoqué en session extraordinaire pour écouter le discours de politique générale d’un nouveau Premier ministre.