Une pensée populaire en criminologie dit ceci: «Les émeutes et la violence sont souvent le langage de ceux qu’on n’écoute pas».
Certes, il est prématuré de parler d’insensibilité ou de négligence par rapport au cycle de violences qui sévissent actuellement dans nos sociétés.
Cependant, malgré son caractère général, la répétition des actes de violences chez les jeunes prend de l’ampleur chez nous, de quoi inquiéter les parents, secouer les familles et alerter la vigilance de l’état sur la nécessité de prendre en charge un phénomène qui mine et détruit à petit feu notre vivre ensemble.
En effet, face aux problèmes, nous avons coutume d’aller aux sources pour rechercher leurs véritables causes, ce qui est bien comme démarche, mais une telle approche n’évacue en rien les faits même si elle permet de mieux les appréhender.
Tout commence avec les conflits de cohabitation, les différences d’opinions mal gérées et camouflées, les empoignades, les mises en quarantaine, les petites insultes et invectives autour du thé, durant les matchs de petits camps au niveau des ruelles de quartiers, des podiums de cogne, les concerts au stade, les attroupements en bandes durant les cérémonies culturelles du genre baptêmes, mariages et tours de thé etc.
Les raisons de la recrudescence ?
La politique d’urbanisation, la popularisation de l’habitat spontané et la banlieurisation à outrance de nos villes, de nos sociétés ajoutées au phénomène de surpopulation ont largement contribué à exacerber la violence et les frustrations communautaires.
En réalité, à Kolda, dans certains quartiers assez excentrés de la ville pour ne citer que médina chérif, sinthiang idrissa, face diaé,bel air et j’en passe, le contrôle social échappe totalement à la puissance publique qui n’est souvent vue qu’en cas de vols, d’incendies ou de toute autre catastrophe.
Promenez vous dans les périphéries de la ville, vous êtes surpris de découvrir toute une suite de quartiers assez nouveaux aux noms méconnus du grand public et souvent greffés à l’urbain.
Mieux, l’encadrement des activités de jeunesse demeure très faible et ce laisser-aller ouvre la porte au développement de bandes de sociabilités juvéniles incontrôlées, organisées en gangs et qui ont un seul objectif, imprimer leur identité particulière de violence pour se faire entendre.
A cela, il faut ajouter pour le cas de Kolda et de bien d’autres villes encore le visage apparent d’une autorité parentale et sociale en parfaite paralysie avec l’accentuation de la pauvreté qui installe les réflexes de débrouillardise, quand en dépit de son âge, de son statut social et du niveau de ses revenus, chacun est condamné au niveau de la famille à vivre de ses propres moyens.
Aussi, l’installation anarchique des populations et l’augmentation accélérée des banlieues a crée ici une société parallèle mal intégrée à la ville.
Parfois, on a l’impression de reproduire une sorte de société américaine des années 30 avec les ghettos de new york comme Bronx ( des zones et des quartiers de traditions violentes).
Dans ces quartiers périphériques cités et qui ont une architecture rurale se dessinent de façon très flagrante les ratés du système éducatif, facile donc de déceler le malaise social des populations et l’absence de commodités urbaines.
Tenez vous bien, nous ne sommes pas le modèle américain, mais nous n’en sommes pas loin pour une raison simple; l’influence du rap et bien d’autres valeurs comportementales (habillement) sur la perception et la vie des jeunes.
Dans ces quartiers quasi perdus, naissent au quotidien des groupuscules de rap avec une forme d’expression musicale localisée et totalement transformée, un mélange difficilement compréhensible d’anglais, de pulaar, de wolof, de mandingue de la rue et souvent nimbée de propos outrageux et provocateurs que les parents laissent inaperçus.
Voila qui prouve que nous ne prenons pas le soins de comprendre le vocabulaire expressif de nos jeunes à la maison, dans les stades, en groupe. Comment être surpris de ce qui nous arrive aujourd’hui aussi inquiétant que cela puisse paraître.
Qui plus est, les actes de crimes avec mort d’homme, les scènes de vandalismes et certaines attitudes d’animosité notées dans certaines écoles (publiques ou privées) pendant les festivités scolaires font foison.
Ainsi, face à la montée de cette délinquance juvénile, au chômage de masse, notre système carcéral est foncièrement dominé par la couche des jeunes et cela ne peut que donner de mauvais signaux à l’avenir de notre société.
Or, lorsque ces violences ne sont pas maîtrisées, elles deviennent sans nul doute une sorte de pathologies chroniques récurrentes et se transmettront immanquablement de générations en générations.
D’ailleurs, ce n’est pas alarmiste que de le dire; nous sommes en guerre et les pleins pieds dans une société de méfiances, d’évitements, de tensions et d’embrasements.
Les solutions ?
Elles ne seront ni suffisantes, ni définitives.
- Nous pensons qu’il faut une bonne communication entre forces de défense de la sécurité publique en l’occurrence la police et la famille, voire la communauté entière, autrement dit une démarche qui soit inclusive et concertée.
- Renforcer et encadrer les services et structures qui s’activent dans la construction de la citoyenneté.
- Le contrôle du crime et de la violence sociale passera forcément par le contrôle de la société, et cela ne peut se faire sans la famille, instance à laquelle il faut redonner pouvoir dans son travail de régulation et de socialisation, éléments indispensables à la construction de personnes responsables.
- Regardons tout simplement la situation de façon responsable et comprenons que nous avons tout le temps pour saisir au rebond le ressenti de nos jeunes afin d’éviter le pire ou une société du chaos.
- Il faudrait également plus de vigilance et de regards critiques sur nos activités socioculturelles globales qui prennent de plus en plus une tournure violente, sans oublier toutes les autres activités qui ont tendance à regrouper les jeunes (fêtes fin d’année, ouvertures et fermetures de fosco, podiums durant les fêtes de korité, tabaski, fins d’années) en veillant à ce qu’il y ait une présence policière et une surveillance accrue de la population.
Ghansou Diambang:
Sociologue et travailleur social
Tel: 77 392 86 58/76 847 75 99
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