jeudi, mars 28, 2024

Le prince héritier saoudien à Ankara, « business as usual » après Khashoggi

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Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane est attendu mercredi à Ankara pour sa première visite officielle en Turquie, après neuf années d’une brouille née des printemps arabes et exacerbée par l’assassinat à Istanbul du journaliste Jamal Khashoggi.

« Si Dieu le veut, nous verrons à quel niveau nous pourrons hisser les relations entre la Turquie et l’Arabie saoudite », a déclaré vendredi le président turc Recep Tayyip Erdogan en confirmant la venue de « MBS », dirigeant de facto du royaume saoudien.

L’acte 1 de la réconciliation s’est déroulé fin avril: le président Erdogan, qui jouera sa réélection l’an prochain et doit composer avec une économie mal en point, s’était rendu en Arabie saoudite pour y discuter avec le prince héritier des moyens de « développer » les relations entre leurs deux pays.

Trois semaines plus tôt, la justice turque avait décidé de clore le procès de l’assassinat de Jamal Khashoggi, éditorialiste du Washington Post tué et démembré en octobre 2018 dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul alors qu’il venait chercher des documents nécessaires à son mariage avec sa fiancée turque.

En renvoyant l’encombrant dossier aux autorités saoudiennes, Ankara avait ouvert la voie au rapprochement avec Ryad.

L’acte 2 aura lieu mercredi: MBS, au terme d’une tournée régionale entamée lundi en Egypte, doit être reçu par M. Erdogan au palais présidentiel à partir de 16H30 (13H30 GMT), selon le programme communiqué par la présidence turque.

Aucune conférence de presse n’est prévue.

Plusieurs accords doivent être signés au cours de la visite, a affirmé à l’AFP un haut responsable turc.

– « Tel un mendiant » –

« C’est l’une des visites les plus importantes à Ankara depuis près d’une décennie », estime Soner Cagaptay, du Washington Institute for Near East Policy, qui rappelle que le froid entre Ryad et Ankara remonte à 2013.

A l’époque, le président Erdogan avait soutenu face au maréchal al-Sissi le président égyptien déchu Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, bête noire de l’Arabie saoudite.

Le blocus de trois ans imposé en 2017 par l’Arabie saoudite au Qatar, allié de la Turquie, puis l’affaire Khashoggi l’année suivante, avaient fini d’empoisonner les relations entre Ankara et Ryad.

A l’époque, le président turc avait accusé les « plus hauts niveaux du gouvernement saoudien » d’avoir commandité l’assassinat.

Mais à moins d’un an de l’élection présidentielle prévue mi-juin 2023, le président Erdogan multiplie les initiatives pour normaliser les relations avec plusieurs puissances régionales – l’Arabie saoudite mais aussi Israël et les Emirats arabes unis.

Pour Soner Cagaptay, le président turc, qui s’est rendu mi-février aux Emirats, « cherche désespérément à attirer des investissements du Golfe ».

Après deux décennies à la tête de l’Etat turc, M. Erdogan est confronté à la dégringolade de la livre turque (-44% face au dollar en 2021 et -23% depuis le 1er janvier) et à une inflation (73,5% sur un an en mai) qui ravage le pouvoir d’achat des Turcs, rendant sa réélection incertaine.

« Vous avez renvoyé le dossier [Khashoggi] à l’Arabie saoudite contre de l’argent, tel un mendiant », a fulminé mardi le chef du principal parti de l’opposition turque, Kemal Kilicdaroglu.

– « Contrer l’influence de l’Iran » –

Pour MBS, cette visite marque la fin de la mise au ban de la part des Occidentaux; le président américain Joe Biden, qui se rendra mi-juillet au Moyen-Orient pour la première fois depuis son accession à la Maison Blanche, a prévu une étape en Arabie saoudite, où il rencontrera le prince héritier.

« Pour l’Arabie saoudite, une des motivations premières est de créer un front sunnite, qui comprendra la Turquie, pour contrer l’influence de l’Iran dans la région », relève Gönül Tol, du Middle East Institute à Washington.

« Les pourparlers pourraient également impliquer une coopération militaire et de défense ou l’achat d’armes, car les Saoudiens souhaitent explorer la possibilité de diversifier leurs fournisseurs », avance le cabinet Eurasia Group dans une note de recherche.

Mais pour Gönül Tol, le fils du roi Salmane « n’oubliera pas facilement l’attitude de la Turquie lors de l’affaire Khashoggi ».

« A cette période, MBS cherchait à promouvoir une image de réformateur dans le pays et sur la scène internationale. Or, en dévoilant l’affaire Khashoggi, la Turquie a fortement endommagé cette image. »

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