jeudi, juin 26, 2025

Crise sanitaire au Sénégal : Soigner notre société pour guérir l’hôpital

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« Dites-moi comment vous traitez vos patients, je saurais comment vous considérez les hommes ». disait Tarik Ramadan dans une conférence animée en 2014 au Maroc sur l’éthique médicale.

« De façon caricaturale, les hôpitaux sont les lieux indiqués de refuge et de lutte contre la mort. Ainsi, chez nous, lorsqu’on tombe malade cela veut dire qu’on va très mal et on se dirige vers une structure qui se porte déjà très mal. Ce paradoxe est aujourd’hui prévisible dans nos systèmes de santé qui après moult supputations et grognes sociales ont révélé au grand jour leurs défaillances avec leurs lots de catastrophes. Et si on analysait cette crise de notre système à l’aune de notre société qui se trouve en réalité dans une situation de délitement total ».

 En effet, l’épisode Sokhna Astou, du nom de cette femme enceinte décédée il y’a juste un mois dans un hôpital de Louga pour insuffisance d’assistance et la disparition macabre de 11 bébés à l’hôpital Abdoul Aziz Sy de Tivaone des suites de cour circuit constituent la goutte d’eau qui va faire déborder le vase.

Comme d’habitude, gangrénés par cette spirale d’indignations, de regrets et par la promesse que cela ne se reproduira plus, la suite nous la connaissons tous ; consternation, tristesse et douleur émotionnelle voilà qui résument le sentiment général qui habite les Sénégalais au-delà des exaspérations exprimées par les réseaux sociaux pour dénoncer une situation qui n’a que trop duré. Figurez-vous cet événement démontre au plus haut degré les limites de notre Etat en mal de solutions pour améliorer la santé de ses populations.

Pourtant, situant les responsabilités, nos analystes tombent souvent dans le piège de la simplicité en pointant tout de suite les carences du personnel soignant en plus d’autres pathologies telles que : la mauvaise qualité des soins et des ressources humaines, des modes de recrutement basés sur le clientélisme, la supercherie et la discrimination, un plateau technique et des équipements défaillants dans un environnement de soins peu enviables, une irruption d’écoles de formation dont la plupart ne sont pas conformes aux normes et standards en vigueur.

Il est tant vrai que cette liste de raisons n’est pas à écarter, mais, ne faudrait-il pas approfondir l’analyse et rechercher les racines du mal dans les arcanes de notre système social car, la gestion de nos hôpitaux n’est pas étrangère au mode de fonctionnement de nos sociétés fragilisées par l’individualisme, le culte du matérialisme et de l’avoir, la promotion de « l’hôpital entreprise » le tout sur fond de corruption et d’arnaque organisée.

A l’évidence, nous avons encore une conception très restreinte de la santé et de la médecine. Or, quand on parle de tout cela, on ne désigne pas exclusivement les professionnels du bien être social, mais bien plus de toute la société. Dit autrement, tout système de santé repose sur des valeurs, des principes, des normes, des mœurs et des habitudes propres à sa société de référence.

Ainsi, minés par les pires pratiques qui soient ; mauvaise communication, cadre d’accueil frustrant avec des malades et des accompagnants souvent perdus abandonnés à leur propre sort et en perpétuelle errance dans l’enceinte des structures de soins faute d’orientation, personnel manquant, négligence à cause des manipulations sans fin de smartphones et de téléphones portables, nos hôpitaux sont la reproduction typique du schéma de société que nous avons et de ces comportements déplorables que nous incarnons chaque jour dans la rue, à la maison, bref, dans tous les milieux et établissements recevant du public.

Autant, ne pas confondre les procédures administratives, le discours théorique ambiant produit sur le mode de management de notre personnel, la gouvernance sanitaire conçue par les autorités et les pratiques médicales. Je ne vous apprends rien quant à ses impressions devenues banales ; le Sénégal est champion en matière de conception de documents et d’organisation mais, il traine un défaut congénital qui est celui de la pratique exemplaire.

Comment s’étonner que dans une société en état de détresse sociale et de surcroit caractérisée par une perpétuelle perte de ses valeurs les plus positives qu’il y ait des manquements en matière d’éthique.

En effet, la santé n’est pas un domaine séparé de la société. A ce titre, les connaissances et compétences acquises par nos professionnels de santé ne viennent pas que des amphithéâtres, elles se construisent et prennent forme en s’appuyant sur ce référentiel global qu’est la société. C’est pourquoi, l’efficacité de notre système de santé dépendra pour toujours du souci et de place accordée aux humains qui sont au fond la centralité de la médecine.

Notre perception est que la question de l’équipement de nos structures de santé demeure un défi majeur et une solution de taille, mais elle est insuffisante pour soulager le problème.

Si nous voulons régler le problème de la santé de nos populations, travaillons à éduquer notre société en luttant contre le principe de l’alignement des patients en fonction de leur valeur financière, de leur rang social, de leur appartenance géographique, ethnique ou religieuse, le manque de volonté politique. Porter une attention particulière à la qualité humaine et faire la promotion d’une société juste pour une médecine juste. 

Le malade n’est pas l’hôpital même s’il est toujours la première instance pointée du doigt lorsqu’il y a incident, mais plutôt le médecin censé le soigner, ce médecin vous m’excusez s’appelle la société. Faisons-en ce sens la distinction en ne mélangeant pas les causes de la maladie, c’est-à-dire, l’image de la société et les symptômes de celle-ci dont le plus criard aujourd’hui est le mauvais fonctionnement de nos structures de santé.

Pour une bonne santé de tous, priorité à l’humain, à l’humain et encore à l’humain.

Ghansou Diambang ; Sociologue et travailleur social

77 617 48 12/77 392 86 58    Email : gdiambang@yahoo.fr

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