jeudi, mars 28, 2024

Pédocriminalité: le rapport de la Ciase critiqué, Sauvé et Moulins-Beaufort répliquent

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« Discutables » ? Largement saluées à leur publication, les conclusions de la commission sur la pédocriminalité dans l’Eglise (Ciase) ont été remises en cause par des intellectuels catholiques, des critiques aussitôt rejetées par son président Jean-Marc Sauvé et le chef de l’épiscopat.

Publié début octobre, le rapport de la commission a estimé à 330.000 le nombre de personnes de plus de 18 ans ayant fait l’objet de violences sexuelles depuis 1950, quand elles étaient mineures, de la part de clercs, de religieux ou de personnes en lien avec l’Eglise.

Plus d’un mois après, huit des quelque 200 à 250 membres de l’Académie catholique, qui réunit des intellectuels, ont remis en cause ces conclusions dans un texte de 15 pages révélé par La Croix.

Cette Académie, créée en 2008 pour « faire avancer la réflexion sur des thèmes choisis, d’actualité intellectuelle ou sociale » n’est pas une instance officielle de l’Eglise catholique.

Parmi les critiques se trouve son président, Hugues Portelli, avocat et professeur émérite de sciences-politiques à l’université Paris II, Philippe Capelle-Dumont, professeur de théologie à l’université de Strasbourg, ou encore le philosophe Pierre Manent. Leurs critiques, soulignent ils, n’engage pas l’Académie – dont M. Sauvé est par ailleurs membre.

Selon eux la Ciase a utilisé une « méthodologie défaillante et contradictoire ». En particulier le chiffre de 330.000 victimes, qui est une estimation issue d’un sondage Ifop exploité par l’Inserm.

– « Carences sérieuses » –

Les signataires reconnaissent qu’il repose sur un « très vaste » échantillon (28.000 personnes) mais pointent du doigt le « gouffre » avec d’autres chiffrages obtenus par la commission (2.738 victimes comptées lors de l’appel à témoignages et 4.832 à 27.803 via le travail sur les archives).

Le rapport de la Ciase présente en outre des « carences sérieuses dans les domaines théologique, philosophique et juridique » et ses 45 recommandations sont « discutables dès lors que leurs prémisses le sont ».

Formulées par une commission « sans autorité ecclésiale ni civile », elles « ne peuvent être qu’indicatives pour guider l’action de l’Eglise et de ses fidèles. Certaines pourraient s’avérer ruineuses pour l’Eglise », mettent-ils en garde, à propos du processus de réparation prévu.

Interrogé par l’AFP, Jean-Marc Sauvé a jugé ces « mises en cause aussi graves qu’indigentes ». « Aucune n’est de nature à remettre en cause nos analyses » ajoute-t-il.

Il a invité l’Académie catholique « à mener une étude scientifique avec toutes les garanties scientifiques nécessaires, sur les violences sexuelles dans l’Eglise catholique, comme dans notre société, de telle sorte qu’elle puisse étayer ou non ses soupçons ».

« Il ne suffit pas d’insinuer et de dénigrer ou encore de dénoncer de graves biais ou manquements déontologiques et méthodologiques. Il faut de la clarté, (…) du débat contradictoire et, pour nos détracteurs, des preuves », a insisté l’ancien haut fonctionnaire.

– « Ecouter les victimes » –

Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), qui a commandé le rapport de la Ciase en 2018, est lui aussi venu défendre ses travaux.

« si des experts et des scientifiques peuvent toujours discuter de leurs méthodes et de leurs résultats, nous, évêques, avons reçu les conclusions de la Ciase pour ce qu’elles sont: un travail que nous devons prendre au sérieux et qui désigne des chemins de renouvellement possibles pour notre Eglise » écrit il lundi dans La Croix.

« Ce n’est pas tant face aux chiffres accablants établis par la Ciase et que discutent certains que les évêques se sont décidés à assumer la responsabilité institutionnelle de l’Eglise et à parler de dimension systémique », ajoute-t-il.

« C’est en écoutant les personnes victimes, celles dont la Ciase a recueilli le témoignage, celles que nous rencontrons (…) depuis des années que nous avons avancé », assure l’archevêque.

« Le plus triste » avec ce débat, ajoute-t-il, « est que les premières personnes qui risquent d’en être atteintes sont les personnes victimes. »

Sur twitter, Eric Boone, qui fut l’une des premières victimes à témoigner devant la Ciase, a invité les autres victimes à écrire sur le site internet de l’Académie pour « faire part de notre stupeur, notre colère, notre incompréhension ».

Mgr Eric de Moulins-Beaufort et Véronique Margron, la présidente de la Corref (instituts et congrégations religieuses), qui faisaient partie de l’Académie en ont démissionné la semaine dernière.

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