Une semaine après le séisme qui a ravagé le sud-ouest d’Haïti, faisant près de 2.200 morts, répondre aux besoins de base des sinistrés demeure un défi pour les autorités, à l’heure où de nombreux habitants peinent à trouver eau potable et nourriture. 600.000 personnes nécessitent toujours une « assistance immédiate ».
Il n’aura fallu que quelques secondes samedi dernier, face à la secousse de magnitude 7,2, pour que des dizaines de milliers d’habitants, certains parmi les plus vulnérables du pays, perdent tout ce qu’ils possédaient. A la rue, depuis, ils luttent quotidiennement pour trouver de l’eau et de quoi se nourrir alors que les convois humanitaires commencent à distribuer les denrées de première nécessité, mais en quantités souvent insuffisantes.
Les recherches de survivants toujours en cours malgré le manque de moyens
Les recherches, elles, continuent malgré le manque de moyens et de secours. Luis Alva, un secouriste mexicain, est venu en renfort pour tenter de trouver des survivants sous les décombres, une semaine après le début des recherches. « Les premières 72h sont celles où on a le plus de chance de trouver des survivants. Mais il y a toujours une infime chance de trouver des survivants après une semaine », a-t-il déclaré à l’AFP. « Je sais que ça fait une semaine mais nous n’écartons pas la chance d’un miracle parce qu’en 2010, après 7 à 9 jours, on trouvait des gens encore vivants ».
Pour le moment, le bilan fait état de près de 2.200 morts, 12.000 blessés et environ 300 disparus. L’aide humanitaire et les moyens techniques pour mener des recherches arrivent difficilement jusqu’aux sinistrés les plus isolés. 600 000 personnes ont besoin d’une assistance immédiate, indique la Protection civile haïtienne.
Le défi de la distribution de vivres aux sinistrés: entre aide informelle et pillage, de nombreux habitants qui ont tout perdu dans le séisme survivent grâce à leurs proches
Des distributions informelles d’aide humanitaire ont ainsi eu lieu vendredi aux Cayes, troisième ville d’Haïti, largement détruite par le séisme, donnant souvent lieu à des bagarres dans la foule. Menées par des particuliers sans connaissance logistique, des répartitions de dons ont été réalisées au pied des camions, les sacs de riz lancés sur la foule sans que des bénéficiaires n’aient été préalablement identifiés comme étant en situation de vulnérabilité, a constaté un photographe de l’AFP.

Distribution des denrées alimentaires et d’eau aux sinistrés © Belga Images
Aux Cayes, la moitié d’un convoi de deux camions a été pillé par des individus non identifiés avant que la police haïtienne n’intervienne. Le reste des biens a été distribué depuis l’enceinte du commissariat dans une grande confusion, a ajouté le photographe.
Marcel François, lui, passe ses journées devant les ruines de sa maison, au bord de la route reliant l’aéroport au centre-ville des Cayes. « Je vois beaucoup d’autorités défiler, des cortèges d’officiels qui filent avec leurs sirènes, des grosses voitures d’ONG. Des camions aussi passent mais je n’ai rien vu arriver sur moi« , se désole auprès de l’AFP l’homme de 30 ans qui, comme nombre de sinistrés, ne doit sa survie qu’à la générosité de proches.
« Reconstruire vers le mieux »: une promesse déjà faite après le séisme de 2010, malheureusement elle ne s’est jamais concrétisée depuis
C’est dans cette ville qu’est venue vendredi la vice-secrétaire générale des Nations unies, Amina Mohammed, en visite 24 dans le pays. « Nous avons entendu quels étaient les besoins, de la part de ceux sur le terrain. Il y a de nombreux manques et nous restons engagés à vous accompagner », a déclaré la diplomate nigériane. « Nous avons vu un incroyable moment d’unité dans la réponse au séisme, aussi pensons-nous que cela peut être transformé en opportunité pour reconstruire vers le mieux », a estimé Mme Mohammed avant son départ d’Haïti.
L’idée de « reconstruire vers le mieux » n’a rien de nouveau pour les Haïtiens, à qui l’ONU avait déjà fait cette promesse après le séisme de 2010, qui avait tué plus de 200.000 personnes.
Le secrétaire général à l’époque, Ban Ki-moon, mais également Bill Clinton, alors envoyé spécial de l’ONU pour Haïti, avaient conjointement prôné le concept du « build back better » (reconstruire mieux), mais le slogan ne s’était pas concrétisé, et la reconstruction promise n’a pas été au rendez-vous dans une capitale ravagée par la catastrophe.
Séisme et crise politique: il y a un mois, le président haïtien, très décrié, a été assassiné chez lui par un commando armé
Puissance étrangère la plus influente en Haïti, les Etats-Unis ont annoncé le déploiement de 200 Marines dans le pays. Les huit hélicoptères que l’armée américaine a mis à disposition continuent à évacuer les blessés les plus graves depuis les zones affectées par le séisme vers les hôpitaux plus spécialisés du pays, à Port-au-Prince ou dans la ville de Mirebalais.

Une haïtienne blessée durant le séisme est évacuée à l’aide de civils et d’agents de la Marine américaine © Belga Images
Si la Protection civile haïtienne déploie ses efforts pour coordonner au mieux l’aide qui afflue de quantité d’acteurs, internationaux comme nationaux, cette nouvelle catastrophe naturelle a frappé Haïti à l’heure où le pays est en pleine crise politique. Cela fait à peine un mois que le président Jovenel Moïse a été assassiné en pleine nuit dans sa résidence par un commando armé composé de mercenaires colombiens. L’enquête pour déterminer les commanditaires de cette attaque est au point mort.
Vers des élections nationales « le plus rapidement possible » afin de stabiliser la situation politique du pays
Avant son meurtre, le chef d’Etat, très décrié, gouvernait seul par décret, car il n’avait pas organisé les élections législatives qui auraient dû se tenir en 2018.
Lors d’une session extraordinaire de l’Organisation des Etats américains (OEA) vendredi, le Premier ministre haïtien Ariel Henry a promis d’oeuvrer à l’organisation d’élections nationales « le plus rapidement possible ».
« J’ai pris l’engagement de tout mettre en oeuvre pour remettre mon pays sur les rails d’une démocratie fonctionnelle avec l’organisation, dans les plus brefs délais, de bonnes élections libres et transparentes. Il est impératif que nous retournions rapidement au fonctionnement normal des institutions démocratiques », a-t-il déclaré par vidéoconférence.
Les sinistrés attendent toujours de l’aide: des camps de fortune, informels, sont construits par les habitants qui n’ont plus rien
Très éloignées de ces considérations politiques, les victimes du séisme du 14 août, qui s’impatientent de recevoir de quoi vivre, commencent à occuper les terrains libres dans les centres urbains alors que les autorités haïtiennes veulent éviter la création de tels camps informels de sinistrés, symbole du chaos qui avait suivi le séisme de 2010.

Un camp informel de sinistrés après le séisme qui a fait plus de 2.200 morts il y a une semaine © Belga Images

