vendredi, avril 19, 2024

Khadim Bamba Diagne, Economiste : «On n’investit pas l’argent emprunté de manière optimale dans les priorités»

Ne ratez pas!

Le Docteur Khadim Bamba Diagne est économiste, enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Le directeur scientifique du Laboratoire d’analyse de recherche économique et monétaire (LAREM) examine dans cet entretien, les retombées de la suspension du service de la dette pour les pays africains comme le Sénégal, décidée par le Club de Paris et le G20. L’auteur de la « Vision économique du mouridisme dans l’histoire de la pensée économique» condamne le management public de nos États qui ne favorise pas l’éclosion d’un secteur privé fort.

L’INFO : Est-ce que cette suspension du paiement du service de la dette est salutaire pour les pays pauvres comme le Sénégal ?

Dr Khadim Bamba DIAGNE : Cette décision est très importante. Pour le Sénégal, c’est comme si avec l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI), on prêtait près de 600 milliards de francs CFA à utiliser pour d’autres dépenses. Parce qu’en temps normal, ces 600 milliards de francs représentent le service annuel de la dette du Sénégal. Maintenant, il faut voir les modalités. Est-ce qu’on a décalé le paiement pour augmenter les intérêts ?  C’est là où est la question.

Est-ce que cela ne renforce pas l’idée que l’Afrique est un continent insolvable ? 

Le problème de la dette est un problème pour tous les pays. Ce n’est pas seulement un problème africain. Beaucoup de pays ont mesuré leur niveau d’endettement. C’est, le cas de la Cote d’Ivoire. Seul le Sénégal a un niveau d’endettement très élevé, voir près de 70%. D’ailleurs, c’est le seul pays de la zone UEMOA. Parce que le Sénégal a fait des dépenses exorbitantes qui n’ont pas encore été rentabilisées. La crise sanitaire a eu des conséquences dans tous les pays.

Comment l’Afrique pourrait structurer davantage le financement de son développement, notamment par des partenariats public-privé? 

Pour financer le développement de l’Afrique, l’argent est important. Mais, le grand problème de l’Afrique, c’est le management. Tout est prioritaire et on n’investit pas l’argent emprunté de manière optimale dans les priorités.  Le problème de l’Afrique, c’est qu’on finance des secteurs qui ne sont pas prioritaires. Il faut que l’Afrique cherche à financer son développement de manière endogène. Les fonds existent en Afrique.  Il faut pour cela travailler à développer un secteur privé national fort. Il faut soutenir les acteurs du privé à être ensemble, à faire des efforts.   Il y a beaucoup de milliardaires africains qui peuvent financer le développement du continent. Si on ne le fait pas, cela va être très compliqué. L’Afrique peut financer son développement à condition de régler un certain nombre de normes. Ce qui rend cela difficile, c’est que chaque régime travaille avec ses hommes d’affaires, alors que l’environnement des affaires n’aime pas la servitude et l’incertitude.  Un État stratège favorise des stratégies de financement public et privé. L’État doit faire tout pour faire prendre au secteur privé le financement de certaines infrastructures.

L’État dit ce qu’il veut et après incite le secteur privé dans des secteurs à haute potentialité de technologie de création d’emplois. C’est ça les grandes questions. Ce qui pose problème, c’est le problème de management, de la bonne gouvernance et de la redevabilité. On nous avait dit pendant la Covid que l’utilisation des 1000 milliards allait être auditée. Mais, ce n’est pas encore le cas.  Parfois, on fait des choses sans explication sur la pertinence des choix d’investissement. Il n’y a pas de contrôle sur la manière dont l’argent public a été dépensé.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.

Articles récents

« Aidez-moi », dit l’ex vice-président équatorien à l’origine de la crise avec le Mexique

L'ancien vice-président équatorien Jorge Glas, arrêté par la police dans l'ambassade du Mexique à Quito le 5 avril et...

Notre sélection pour vous