jeudi, mars 28, 2024

Dans les Ardennes, l’énigme Estelle Mouzin ravive la sinistre légende de « l’Ogre »

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Un morceau de forêt en pente, coincé entre une route et un chemin terreux qui débouche sur des vallons champêtres: d’après les derniers aveux de l’ex-femme de Michel Fourniret Monique Olivier, c’est là que « l’Ogre des Ardennes » se serait débarrassé du corps d’Estelle Mouzin.

Depuis mardi, les enquêteurs s’affairent dans ce sous-bois à la sortie du village d’Issancourt-et-Rumel. Drône, géoradar pour sonder le sol, experts archéologues, mini-pelleteuse… ont été sortis pour retrouver les restes de la fillette de neuf ans disparue le 9 janvier 2003 en Seine-et-Marne.

Toujours en cours samedi, ce ballet méticuleux a des airs de déjà-vu: c’est la cinquième fois en moins d’un an que gendarmes et militaires spécialisés tentent de faire parler la terre ardennaise en revisitant le passé de Michel Fourniret. Et dix-huit ans après les faits, cette énigme criminelle remue les tripes des habitants, replongés dans la légende macabre du « monstre » de leur région.

Fourniret connaît bien le village d’Issancourt-et-Rumel

Ce village de 400 âmes, Fourniret le connaît bien: dans les années 70, sa mère y a habité une petite maison, selon le maire et plusieurs voisins rencontrés par l’AFP.

Lors de ses visites, « il allait parfois à la messe avec elle », raconte Jean-Pierre Félix, 75 ans. A l’époque, l’agriculteur n’imagine pas croiser un prédateur sexuel, obsédé par les jeunes vierges, qui finira par être condamné à la perpétuité incompressible pour sept meurtres commis entre 1987 et 2001.

Du modeste domicile maternel, huit minutes en voiture suffisent pour atteindre le village voisin de Ville-sur-Lumes où vivait la soeur de Fourniret, Huguette, dans une maison dont il hérite à sa mort en 2002. C’est là qu’il séquestre, viole et étrangle Estelle, selon Monique Olivier.

Lors d’une énième audition la semaine dernière, sa complice diabolique a avoué avoir été présente lors du transport du corps. Transférée sur place, elle a délimité ce sous-bois où elle assure avoir vu son « fauve » s’enfoncer avec le cadavre.

Après Fourniret, on ne regarde plus le paysage de la même façon

Un endroit où Jean-Claude et Eliane Garraud promènent habituellement leur chienne en repensant à leur fille en tremblant. « A l’époque, il n’y avait pas de trottoir et on avait peur qu’elle se fasse renverser », souffle Eliane, émue. « Mais en fait le danger était ailleurs. On se dit qu’on a eu chaud. »

Du lieu des fouilles, les chemins forestiers qui serpentent derrière le village permettent de rejoindre en vingt minutes le château du Sautou, sur la commune de Donchery. Sur ce vaste domaine, acheté en cash par Fourniret grâce au magot du « gang des postiches », les corps de Jeanne-Marie Desramault et d’Elisabeth Brichet été retrouvés.

« Après Fourniret, on ne regarde plus le paysage de la même façon », confie Guerric Pierrard, 63 ans, ex-technicien d’intervention chez France Télécom, marqué par le meurtre de Céline Saison, enlevée à Charleville-Mézières et retrouvée dans une forêt belge toute proche en 2000. Le père était un collègue de travail.

Ville-sur-Lumes, le domaine du Sautou, Sedan, ville natale du tueur en série où il laisse échapper l’adolescente qui causera sa perte… « Sur une carte, une bonne partie du parcours criminel de Michel Fourniret tient dans un mouchoir de poche », rappelle Didier Seban, l’avocat de la famille Mouzin.

Et c’est sur ce territoire, où « l’Ogre » partait à la « chasse », que la juge d’instruction Sabine Kheris fait remuer ciel et terre depuis qu’elle a repris le dossier Mouzin en 2019.

D’autres secrets ?

A Donchery en octobre, « Madame cold case » a également fait ouvrir le caveau des Fourniret. Histoire de s’assurer que Michel n’avait pas caché Estelle avec les dépouilles de son père et de sa soeur. « Les moyens employés sont à la hauteur de l’atrocité du criminel », observe le maire Christian Welter qui n’avait jamais dérangé les morts.

A Ville-sur-Lumes, la fosse commune « destinée aux indigents » a aussi été inspectée, avoue l’édile Jean-Louis Boucher. Tout comme « les puits » du village: Isabelle Laville, premier meurtre de Fourniret, avait été retrouvée à 30 mètres de profondeur.

Les fouilles dans l’ancienne maison de sa soeur n’ont rien donné non plus, au grand soulagement de la locataire actuelle. « Ça m’a rassurée qu’ils ne trouvent rien, sinon je ne sais pas ce que j’aurais dit à mes quatre enfants », souffle cette Ardennaise de 36 ans qui souhaite rester anonyme.

Comme tous ici, elle aimerait que les recherches se terminent enfin. Tant pour la famille d’Estelle que pour oublier Fourniret. Un voeu probablement pieux, compte tenu du trou étrange, entre 1990 et 2000, dans l’itinéraire meurtrier de Fourniret qui s’est pourtant vanté d’avoir tué deux « membranes sur pattes » par an depuis 1987.

Aujourd’hui très affaibli, l’Ogre de 78 ans risque d’emporter ses secrets avec lui. Mais dans les Ardennes, tant que Monique Olivier sera en vie, « on sait qu’on risque de découvrir de nouvelles affaires atroces. »

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