vendredi, mars 29, 2024

Au procès Kriket, la défense tance les « fausses évidences »

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(Belga) « On ne condamne pas sur des probabilités »: au procès de Réda Kriket et de la « cellule d’Argenteuil », accusés d’avoir projeté un attentat jihadiste en 2016, la défense a fustigé jeudi devant les assises spéciales de Paris l' »absence de certitudes » dans le dossier.

Mardi, le parquet national antiterroriste (Pnat) a requis la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 22 ans, à l’encontre de Réda Kriket, d’Anis Bahri et d’Abderrahmane Ameuroud, présentés comme « le trio à la manoeuvre » d’une attaque terroriste qui « s’annonçait meurtrière ». Des peines allant de quatre à treize ans de réclusion ont été demandées contre quatre autres hommes accusés de soutien logistique. Le 24 mars 2016, deux jours après les attentats de Bruxelles, la police avait saisi dans un logement loué depuis huit mois sous un faux nom par Réda Kriket à Argenteuil (Val d’Oise) un arsenal « d’une ampleur inédite »: treize armes dont cinq fusils d’assaut, une quantité de munitions, des explosifs, ainsi que des milliers de billes métalliques. La « conviction des enquêteurs » est celle d' »avoir arrêté un individu très dangereux qui s’apprêtait à commettre un carnage » et dès lors « les éléments à décharge n’existent plus », a tancé l’avocat de Réda Kriket, Yassine Bouzrou. Mais, cinq ans après, « tout s’écroule », a-t-il estimé. Depuis sa « retentissante » interpellation, Réda Kriket, ex-délinquant aujourd’hui âgé de 39 ans, « conteste tout projet d’attentat terroriste », a rappelé Me Bouzrou. Devant la cour d’assises spéciale, l’accusé a redit avoir voulu commettre un braquage et « un certain nombre d’éléments vont dans son sens », a affirmé son conseil. Dans le logement d’Argenteuil, outre les armes et munitions dont la quantité n’avait rien « d’inédit », ont été retrouvés un détecteur de billets ou encore « des bombes lacrymogènes ». « On ne fait pas d’attentat avec cela », a appuyé Yassine Bouzrou. Pour le pénaliste, il y a aussi « ce qu’on ne retrouve pas »: un « courrier d’allégeance » à l’Etat islamique (EI) ou des « éléments de repérages de cibles ». Lors du réquisitoire, les avocates générales ont « assumé » que des questions restent sans réponse, notamment celle des « cibles » de ce projet d’attentat. Elles ont rejeté la responsabilité de cette zone d’ombre sur les accusés qui « ont fait le choix de se taire ». « Ce qui a été saisi à Argenteuil était destiné à commettre un attentat sanglant », qui a été « préparé pendant de longs mois, en lien avec l’Etat islamique et s’inscrivant dans la vague d’attentats perpétrés » en 2015 et 2016 en Europe, ont asséné les magistrates. Avant d’être arrêté aux Pays-Bas le 27 mars 2016, Anis Bahri avait cherché à « s’exfiltrer » en Syrie, donnant comme garants deux cadres de la cellule des « opérations extérieures » du groupe terroriste, derrière les attentats de Bruxelles et ceux du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. « On ne se recommande pas de telles figures sans lien de confiance fort », a souligné l’une des avocates générales. Pour l’accusation, le projet d’attaque de la « cellule d’Argenteuil » a commencé en janvier 2015, avec le séjour en Syrie de Réda Kriket et d’Anis Bahri qualifié d' »hautement probable ». Mais « on ne condamne pas sur des probabilités! », a tonné Me Yassine Bouzrou. Dans un dossier où « hypothèse a été l’un des mots les plus prononcés », Me Camille Fonda, l’une des avocates d’Anis Bahri, a appelé la cour à « s’affranchir des fausses évidences ». Quatre mois après les attaques sanglantes du 13 novembre 2015, et deux jours après celles de Bruxelles, « on se raccroche à une vérité unique, illusoire, qui semble atténuer nos angoisses », a déclaré la pénaliste. Mais « Argenteuil, ce n’est pas le 13 novembre, ce n’est pas Bruxelles, ce n’est pas une cellule de l’Etat islamique », a tempêté Me Fonda, estimant que « dans ce dossier, l’accusation s’est vautrée dans les détails car il manque l’essentiel: qui, quoi, comment ». « Les attentats commandités par l’Etat islamique, ce n’est pas une ombre qui plane, c’est une réalité. Le dossier d’Argenteuil, c’est une ombre qui plane. Mais on ne condamne pas à la perpétuité pour une ombre qui plane », a plaidé Me Fonda, demandant pour Anis Bahri une peine qui « lui offre l’espoir ». Dénonçant une « hystérie collective » au « prétexte d’événements tragiques passés », l’avocate d’Abderrahmane Ameuroud, Isabelle Coutant Peyre, a elle plaidé l’acquittement. M. Ameuroud avait été arrêté le 25 mars 2016, dans l’avenue Rogier, à Schaerbeek. Lors de son interpellation, cet homme de nationalité algérienne avait été blessé par balle à la jambe par la police. Il avait déjà été condamné en mai 2005, pour complicité dans l’assassinat du commandant Massoud perpétré le 9 septembre 2001 en Afghanistan. Le verdict est attendu vendredi. (Belga)

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