Scènes inimaginables à Washington: des partisans de Donald Trump ont envahi mercredi le Capitole, temple de la démocratie américaine, interrompant la session qui devait confirmer la victoire de Joe Biden. Après une coupure de plusieurs heures, le Congrès a repris en soirée le processus de certification de la victoire du démocrate, en rejetant, au Sénat puis à la Chambre des représentants, les objections d’élus républicains visant les résultats de la présidentielle dans l’Etat de l’Arizona.
Chaos à Washington, la capitale de l’un des pays où la sécurité et le respect de la loi est quasiment une religion. Des milliers de manifestants pro-Trump ont fini par envahir le Capitole, où des Sénateurs étaient sur le point d’avaliser une nouvelle fois la victoire du démocrate Joe Biden, en rejetant les accusations républicaines de « trucage » des élections.
C’est le résultat de plusieurs mois de communication populiste de Donald Trump. Battu au niveau des chiffres, il ne cesse de dire que c’est lui le vrai vainqueur, que les élections ont été manipulées, attisant la suspicion et la colère de ses millions de partisans.
Ses plus grands fans étaient donc réunis à Washington, et la situation a dégénéré. Quatre personnes sont mortes au cours de la poussée de violence, selon les médias américains, dont Associated Press qui cite la police. Le décès d’une partisane du président sortant Donald Trump, blessée par balle, avait été déjà confirmé. Trois autres personnes ont aussi succombé à leurs blessures aux urgences, selon le chef de la police de Washington, Robert Contee.
La police affirme que tant les forces de l’ordre que les sympathisants de Donald Trump ont utilisé des agents chimiques irritants durant l’occupation du Capitole avant que l’ordre y soit rétabli après plusieurs heures. Deux bombes artisanales ont en outre été retrouvées en deux lieux distincts, de même qu’un fusil et un cocktail Molotov dans un véhicule.
Des membres du staff du Capitole lève les mains face aux forces spéciales, lorsqu’elles reprennent le contrôle
Que s’est-il passé ?
Des partisans de Donald Trump ont envahi mercredi le Capitole, temple de la démocratie américaine, interrompant la session qui devait confirmer la victoire de Joe Biden. Les images prises de l’intérieur du majestueux bâtiment situé au coeur de la capitale fédérale américaine marqueront l’Histoire: élus portant des masques à gaz, agents de la police en civil arme au poing.
Elles resteront à jamais associées à la fin de mandat tumultueux de Donald Trump, qui apparaît désormais extrêmement isolé dans son propre camp. Depuis des mois, il refuse d’accepter sa défaite et souffle sur les braises de la division en brandissant des théories du complot.
Des militaires de la Garde nationale ont été envoyés à Washington pour rétablir le calme après plusieurs heures d’extrême tension. Un couvre-feu est entré en vigueur en fin d’après-midi dans la ville, où l’état d’urgence sera prolongé durant deux semaines.
Plus tôt dans la journée, des milliers de manifestants pro-Trump rassemblés à Washington
Biden choqué, Trump continue
Lors d’une allocution au ton grave, Joe Biden, qui s’installera à la Maison Blanche le 20 janvier, a dénoncé une attaque « sans précédent » contre la démocratie américaine. Il a appelé Donald Trump à s’exprimer « immédiatement » à la télévision pour réclamer « la fin du siège » du Capitole et de cette « insurrection ».
En guise d’allocution solennelle, le président américain s’est contenté de quelques tweets et d’une brève vidéo dans laquelle il a demandé à ses partisans de se tenir à l’écart de la violence et de « rentrer chez eux ». « Je vous aime (…). Je comprends votre douleur », a-t-il cependant ajouté, évoquant une nouvelle fois une élection « volée« .
Facebook et Twitter bloque Trump
La vidéo a été retirée peu après par Facebook qui a jugé qu’elle « contribuait aux risques de violence ». Le réseau social a par la même occasion décidé de bloquer le président américain pendant 24 heures. De son côté, Twitter a également supprimé la vidéo, a bloqué le compte @realDonaldTrump pour douze heures et l’a menacé de suspension permanente, des mesures sans précédent.
Le seul des prédécesseurs républicains de Donald Trump encore en vie, George W. Bush, a dénoncé des scènes de chaos dignes d’une « république bananière« .
Pour Barack Obama, ces violences sont « un moment de déshonneur et de honte » pour l’Amérique.
Indignation à travers le monde
Berlin a appelé les pro-Trump à « cesser de piétiner la démocratie ». Londres dénonce des « scènes honteuses« . Le président français Emmanuel Macron a appelé à ne rien céder face à « la violence de quelques-uns » contre les démocraties.
Intervention remarquée: le chef de l’Otan Jens Stoltenberg a dénoncé des « scènes choquantes », martelant que le résultat de cette élection démocratique devait être « respecté ».
Ignorant le chaos au Congrès, le Dow Jones a terminé sur un nouveau record.
Selon la US Capitol Historical Society, c’est la première fois que le Capitole a été envahi depuis que le bâtiment avait été incendié par les troupes britanniques en 1814.
Dans un geste extraordinaire qui restera probablement dans les livres d’histoire, Donald Trump avait choisi de défier le Congrès en réunissant des dizaines de milliers de ses supporteurs à Washington.
« Nous ne concéderons jamais »
A cette occasion, il s’en est pris avec un extrême virulence à son propre camp. Les ténors républicains sont « faibles » et « pathétiques », a-t-il lancé sous un ciel chargé de lourds nuages, à des dizaines de milliers de partisans.
« Nous n’abandonnerons jamais. Nous ne concéderons jamais » la défaite, a-t-il martelé, mettant la pression sur son vice-président Mike Pence pour qu’il « fasse ce qu’il faut ».
Avant que les débats ne sombrent dans la confusion, Mike Pence avait bien commencé à présider la session conjointe de la Chambre des représentants et du Sénat qui doit officialiser le vote de 306 grands électeurs en faveur de Joe Biden contre 232 pour Donald Trump.
Selon la Constitution, son rôle, essentiellement protocolaire, consiste à « ouvrir » les certificats envoyés par chacun des 50 Etats pour transmettre les votes de leurs grands électeurs.
Certains élus républicains avaient émis des objections aux résultats de l’élection dans certains Etats, mais plusieurs d’entre eux ont indiqué, après les incidents violents, qu’ils ne s’associaient plus à la démarche.
Le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, a martelé à la reprise que le Congrès ne se laisserait pas « intimider« .
Le sénateur républicain Lindsey Graham, un proche allié de Donald Trump, a de son côté annoncé qu’il cessait d’emboîter le pas du président. « Ne comptez plus sur moi. Trop c’est trop », a-t-il dit.
Et, selon certains médias américains, des ministres du milliardaire républicain ont discuté de la possibilité d’invoquer le 25ème amendement de la Constitution, qui autorise le vice-président et une majorité du cabinet à déclarer le président « inapte » à exercer ses fonctions.
Le Sénat désormais démocrate
Les violents incidents sont intervenus au lendemain de deux élections partielles en Géorgie remportées par les démocrates, qui ont ainsi repris le contrôle du Sénat aux républicains.
Le candidat démocrate Raphael Warnock a battu la sénatrice républicaine Kelly Loeffler et est entré dans l’Histoire en devenant le premier sénateur noir élu dans cet Etat du Sud traditionnellement conservateur.
Et Jon Ossoff a remporté la deuxième sénatoriale cruciale en Géorgie. A 33 ans, il va devenir le plus jeune sénateur démocrate depuis… Joe Biden en 1973.
Les démocrates auront 50 sièges au Sénat, comme les républicains. Mais comme le prévoit la Constitution, la future vice-présidente Kamala Harris aura le pouvoir de départager les votes, et donc de faire pencher la balance du côté démocrate.
Dans la nuit de mercredi à jeudi (heures belges), le Sénat a repris ses débats
Le Congrès a repris le travail
L’entrée des militants pro-Trump dans le cénacle de la démocratie américaine a forcé l’interruption durant plusieurs heures de la séance de certification de la victoire électorale du président élu démocrate Joe Biden. Celle-ci a depuis lors repris et reste en cours. D’ailleurs, le Congrès américain a rejeté jeudi matin (heure belge) une première objection à la certification de la victoire de Joe Biden. Le Sénat a décidé, à une écrasante majorité de 93 voix contre 6, de ne pas donner suite aux objections d’élus républicains visant les résultats de l’élection présidentielle dans l’Etat de l’Arizona.
Quelques minutes plus tard, la Chambre des représentants a à son tour écarté l’objection à 303 voix contre 121, franchissant un pas de plus vers la certification des résultats de l’élection présidentielle. Conformément à un processus ultra-codifié, les deux chambres s’étaient séparées pour débattre de la question.