vendredi, mars 29, 2024

Drancy: l’histoire oubliée de Philippe Ferrières mort après une clé d’étranglement de la police

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Le 24 mai 2019, Philippe Ferrières, 36 ans, meurt à Drancy après avoir subi une clé d’étranglement lors de son arrestation. Une affaire peu médiatisée, pourtant emblématique de la controverse autour de ce geste que le gouvernement a promis d’abandonner.

« J’ai appelé la police pour le protéger de lui-même, pas pour qu’on le tue », dit Karen Levy, rongée par la « culpabilité » et le souvenir de son compagnon au sol, « visage blanc, lèvres bleues ».

Alors que le débat sur les violences policières et le racisme est revenu au coeur de l’actualité depuis la mort de George Floyd aux Etats-Unis, elle déplore que le « nom de Philippe ne résonne pas ». « Il est blanc, pas issu des cités et il est quand même décédé d’une bavure. Les bavures, ça touche tout le monde ».

Cette nuit-là, à minuit et demi, Karen Levy appelle la police. Elle est inquiète: son compagnon tente de s’introduire dans son appartement, il a bu et jette des cailloux à sa fenêtre en criant son nom.

Ce dernier a interdiction d’entrer en contact avec la mère de son fils de 7 ans. Il est sous contrôle judiciaire et doit comparaître quelques jours plus tard au tribunal pour violences conjugales, selon le parquet de Bobigny.

Trois policiers du commissariat de Drancy (Seine-Saint-Denis), âgés de 24, 29 et 42 ans, se rendent sur place. Ils connaissent le couple, deux sont déjà intervenus à cette adresse. Ce soir-là, ils trouvent ce moniteur d’auto-école au pied de l’immeuble.

Quelques semaines plus tôt, le journal municipal a consacré un article à ce « héros du quotidien » qui avait escaladé un immeuble pour sauver un enfant suspendu dans le vide.

Quand la police arrive, Philippe Ferrières, 1m80 pour une centaine de kilos, est « en sueur », « excité » et « paraît très speed », diront les policiers en audition, selon des éléments de l’enquête dont l’AFP a eu connaissance.

Au départ, « il reste gérable », ajoute un agent. Mais il change de comportement lorsque l’équipage lui annonce qu’il a reçu l’ordre de l’interpeller: « Je ne retourne pas en garde à vue », lance-t-il en se débattant.

– « Coup sec » –

Il est 1H30 du matin, après plusieurs minutes de corps à corps, le fonctionnaire le plus expérimenté de l’équipage décrit avoir placé son avant-bras sous le menton et « donné un coup sec » sur le cou, avant de maintenir la position « deux ou trois secondes », jusqu’à ce que l’interpellé lâche: « C’est bon, je me rends ».

« J’ai alors relâché la pression », dit le brigadier.

Philippe Ferrières est menotté, placé sur le flanc. Des renforts arrivent et se rendent comptent que son pouls est fuyant. Parmi eux, un policier, également pompier volontaire, le démenotte et le place sur le dos. Il commence un massage cardiaque en attendant les secours. Mais les pompiers n’arriveront pas non plus à ranimer le compagnon de Karen Levy. Il est déclaré mort à 2H30 du matin.

L’autopsie attribuera sa mort à une « asphyxie mécanique par compression cervicale associée à un traumatisme crâno-facial ».

L’analyse toxicologique révèle par ailleurs « que la somme des toxicités de l’alcool et de la cocaïne retrouvés dans le sang de l’homme a pu être à l’origine d’une intoxication aiguë ».

Plus d’un an après, l’instruction est toujours ouverte pour « recherche des causes de la mort » et « aucune qualification n’est retenue à l’encontre de quiconque », indique le parquet.

Selon une source policière, les trois fonctionnaires n’ont pas été suspendus mais ils ne travaillent plus sur la voie publique.

L’avocat de Karen Levy, Arié Alimi, représente aussi la famille du livreur Cédric Chouviat, mort en 2020 à Paris des suites d’une asphyxie « avec fracture du larynx » lors de son interpellation. Il réclame l’interdiction de la clé d’étranglement qui « tue des pères de famille ».

Début juin, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a annoncé l’abandon de ce geste controversé. Mais face à la colère de policiers qui se sont mobilisés dans la rue, les autorités ont précisé que cette technique resterait autorisée le temps qu’une solution alternative soit trouvée.

Le 11 juillet, Karen Levy prévoit, elle, d’organiser une marche blanche à Drancy, « en hommage à Philippe ».

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