vendredi, octobre 11, 2024

Petra, cité fantôme: le plus célèbre temple jordanien frappé de plein fouet par la pandémie

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« C’est la première fois que je vois cet endroit si vide, d’habitude il est rempli de milliers de touristes »: gardien des lieux, Nayef Hilalat est seul face au majestueux Khazneh, le plus célèbre des temples de la cité antique de Petra.

Site touristique phare de la Jordanie et du Moyen-Orient, la cité taillée dans du granit rosé il y a quelque 2.000 ans par les Nabatéens est désertée par les visiteurs, conséquence de la pandémie de Covid-19.

« Tous les ans à la même époque, l’endroit fourmille », raconte à l’AFP Nayef Hilalat, qui travaille depuis dix ans sur ce lieu figurant parmi les Sept nouvelles Merveilles du monde.

« Aujourd’hui, on n’entend plus que le chant des oiseaux », dit cet homme de 42 ans, coiffé d’une casquette kaki frappée du drapeau jordanien.

Au bout du Siq, gorge tortueuse de plus d’un kilomètre d’ordinaire empruntée par les touristes à pied, à dos d’âne ou dans des calèches, il fait de lents aller-retours devant l’entrée de la Khazneh (« Trésor »).

Même atmosphère irréelle dans les cafés et boutiques de souvenirs alentours: tables recouvertes de poussière, gobelets en plastique jonchant le sol, chemises à vendre décolorées par le soleil… La vie semble avoir suspendu son cours.

« Du jamais-vu » 

Les derniers touristes ont quitté les lieux le 16 mars, à la veille de la fermeture des aéroports en Jordanie, où le secteur représente 14% du PIB et emploie quelque 100.000 personnes, avec cinq millions de visiteurs par an.

Depuis, située entre mer Rouge et mer Morte, dans la « Vallée de Moïse » (Wadi Moussa), l’immense cité, qui s’étire sur 264.000 mètres carrés, est une ville fantôme.

Près de 200 guides ainsi que 1.500 propriétaires d’ânes et chevaux utilisés pour transporter des touristes sont désormais au chômage.

« Ce qui nous arrive est une catastrophe », dit Naïm Nawaflé, 55 ans, guide touristique à Petra depuis une trentaine d’années.

« Autrefois, la fréquentation variait au gré des soubresauts dans la région, mais aujourd’hui, il n’y a plus aucun touriste, c’est du jamais-vu. »

Père de six enfants, il touchait l’équivalent de 70 dollars par jour. Si la saison ne reprend pas bientôt, il aura épuisé ses maigres économies.

Il craint aussi que les visiteurs, « surtout les personnes âgées et les retraités, ne soient découragés par les mesures » prises contre le virus.

Au total, ce sont environ 80% des habitants de la région, soit 38.000 personnes, essentiellement des bédouins, qui dépendent directement ou indirectement du secteur, souligne Sleimane al-Farajate, responsable du tourisme et du développement à Petra.

Comme Naël Nawas, 41 ans et père de huit enfants, qui gagnait entre 40 et 55 dollars par jour en transportant des touristes sur son âne.

Depuis mi-mars, il travaille pour un marchand de bétail. Si le tourisme ne reprend pas, « on se retrouvera dans un immense pétrin », dit-il.

De 90% à « plus rien » 

Dépourvue d’hydrocarbures, théâtre de mouvements sociaux ces dernières années, la Jordanie était déjà dans une situation économique précaire avant l’irruption du Covid-19. Au premier trimestre, le royaume a enregistré un taux de chômage de 19,3%.

A Pétra, l’ambiance est tout aussi morose dans les hôtels -la ville en compte 45, soit 3.000 chambres.

« La pandémie est arrivée au pic de la saison, qui débute en février », se désole Tarek Twissi, propriétaire de « La Maison », un établissement trois étoiles.

« Les réservations dépassaient 90% et en une seule semaine, plus rien », regrette ce président de l’Association des hôtels de Pétra.

Le choc a été d’autant plus brutal que Pétra, classée en 1985 au patrimoine mondial de l’Unesco, avait battu l’an dernier un record, « avec 1,13 million de touristes dont un million venus de l’étranger », note Sleimane al-Farajate.

Il espère que les gens reviendront vite dans « des pays peu touchés par la pandémie (…) comme la Jordanie », où environ 800 cas ont été officiellement recensés, dont neuf décès.

Après avoir été fragilisé par l’instabilité chez ses voisins irakien et syrien, le secteur avait engrangé 5,3 milliards de dollars en 2019, renchérit le directeur de l’office du Tourisme jordanien, Abed Al Razzaq Arabiyat.

A ce jour, ces recettes sont quasi « nulles ».

Si le gouvernement n’a pas encore fait d’annonces concrètes, M. Arabiyate promet des mesures pour « sauver » la saison, en misant notamment sur « le tourisme intérieur », dans un pays où la population ne dépasse toutefois pas 10 millions d’âmes.

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