mardi, avril 23, 2024

Felwine Sarr se prononce sur l’origine des difficultés du continent africain

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L’économiste Sénégalais Felwine Sarr qui estime que « les G7 comme les G20 entretiennent une politique de la compassion » à propos de l’Afrique a laissé entendre qu’une part des difficultés du continent africain est la conséquence de la « relation asymétrique entretenue par les grandes puissances qui pillent les ressources autant qu’elles peuvent ».

L’universitaire ne veut certes pas nier les difficultés du continent encore moins les responsabilités des gouvernements dans la situation que traverse l’Afrique.

« Leur mauvaise gouvernance et la corruption sont souvent mises en avant pour justifier la situation. Personne ne dira qu’il ne faut pas davantage de transparence et de meilleure gestion des ressources », déclare-t-il dans entretien paru sur Le Monde.fr.

Pour l’enseignant à l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, s’« il est heureux d’être sorti du mythe d’une croissance économique qui apporterait par elle-même le bien-être au plus grand nombre », il semble « insuffisant » d’« aborder la question des inégalités uniquement à l’échelle d’un pays ».

Selon lui, « on ne peut ignorer que la répartition inégale des richesses dans le monde est liée aux règles de l’économie globale et du commerce international ».

« Comment un pays peut-il assurer à sa population l’accès aux services essentiels lorsqu’il lui est impossible de vendre ses matières premières à un prix juste ou lorsque les firmes multinationales présentes sur son sol ne paient pas leurs impôts ? Ne pas parler de ces sujets lorsqu’on prétend vouloir réduire les inégalités ne peut conduire qu’à des discours incantatoires », affirme l’écrivain.

L’universitaire appelle plutôt à « regarder les choses de manière plus globale ». De son point de vue, « les G7 comme les G20 entretiennent une politique de la compassion : l’Afrique est le continent qu’il faut aider, la dernière frontière obscure de l’humanité, vers laquelle se penchent tous les bons Samaritains ».

« C’est un rapport irrespectueux et hypocrite, car une part des difficultés du continent vient de la relation asymétrique entretenue par les grandes puissances qui pillent les ressources autant qu’elles peuvent », soutient-il.

A l’en croire, « ce sont d’abord les Africains qui aident les Africains », car « les transferts de capitaux des migrants sont supérieurs à l’aide publique au développement et aux investissements étrangers ».

« Pourtant, s’étonne-t-il, le discours dominant met en avant une Afrique sous perfusion. Les G7 sont d’abord une occasion pour les pays membres du club de réaffirmer leur puissance et leur vision du monde, en donnant des leçons aux autres. Nous devons apprendre à faire un monde commun dans le respect mutuel. »

Il déplore le fait que le jugement que les Occidentaux émettent sur l’Afrique se fait « à travers une projection de leurs valeurs et de leur modèle de développement, comme s’il était le seul ».

« Or il est nécessaire de repenser les cadres à travers lesquels les sociétés sont analysées, tout comme leur marche vers ce qu’on appellerait un progrès économique, social, spirituel… », suggère-t-il.

« Le modèle développementaliste occidental montre ses limites, notamment en termes d’empreinte écologique, de mise en danger de la biodiversité et du climat. Il est nécessaire de changer les modes de production et de consommation. Cette question nous engage tous, au Nord comme au Sud. Pourtant, on continue à vendre à l’Afrique un vieux schéma et à compter ses pauvres avec un critère monétaire fixé par des institutions internationales », regrette-il.

Il suggère l’abandon des modèles standardisés qui « n’appréhendent la pauvreté qu’à travers un seuil unique de quelques dollars par jour ».

« La pauvreté est inacceptable et il faut tout faire pour l’éradiquer. Mais cela énoncé, il est important de sortir des modèles standardisés qui n’appréhendent la pauvreté qu’à travers un seuil unique de quelques dollars par jour », avance-t-il, avant d’ajouter : « Les enquêtes de terrain ont permis de montrer que des individus sans revenus stables mais disposant d’un capital social et d’une richesse relationnelle parvenaient à répondre à leurs besoins, voire à épargner ».

Il estime que le fait que « l’Afrique occupe toujours le dernier rang dans les classements internationaux » demeure « problématique, car cela renvoie une image de handicap ».

« Je ne sais pas comment la jeunesse africaine va relever ses défis si elle se voit toujours occuper la place déficiente de l’humanité », s’interroge-t-il.

Et de s’insurger contre l’absence des richesses du continent, « plurielles et immenses », dans les indicateurs.

Aussi suggère-t-il de « complexifier cette image » et de « ne pas accepter d’être réduits à des critères qui nous rabaissent ».

« Un des défis du continent, c’est la confiance en soi, celle qui permet de dire non lorsque d’autres vous proposent des programmes pour vous sortir de vos difficultés et qu’ils ne sont pas adaptés », soutient-il.

APS

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