Joko Widodo a été élu pour un second mandat à la présidence indonésienne, selon les résultats officiels publiés mardi dans la capitale placée sous haute sécurité alors que l’opposition refuse de reconnaître sa défaite.
« Nous serons les dirigeants et les protecteurs de tous les Indonésiens », a promis Joko Widodo devant la presse au côté de son colistier Ma’ruf Amin après une campagne qui a profondément divisé le pays. Depuis plus d’un mois, M. Widodo s’abstenait de crier victoire en attendant les résultats officiels du scrutin du 17 avril.
Joko Widodo, surnommé « Jokowi », a obtenu 55,5% des voix, contre 44,5% pour son adversaire, l’ex-général Prabowo Subianto, selon la commission électorale (KPU).
Le président sortant, arrivé à la tête de la troisième démocratie au monde en 2014 avec 53,15% des voix, remporte ainsi cette élection avec une avance plus nette.
Prabowo Subianto a de son côté rejeté les résultats officiels mais appelé ses partisans à rester calmes, précisant qu’il allait employer « tous les moyens légaux » pour obtenir justice.
Plusieurs centaines de ses partisans se sont rassemblés devant l’organe de supervision des élections protégé par des policiers anti-émeutes, ont constaté des photographes de l’AFP, mais aucune manifestation de grande ampleur n’a été signalée.
« Nous n’avons qu’une demande, que l’élection soit honnête et juste », a souligné Dani Firdaus, un manifestant de 35 ans.
– Résultats en pleine nuit –
La publication officielle des résultats était initialement attendue mercredi, mais la commission les a finalement annoncés en pleine nuit, semblant vouloir couper l’herbe sous le pied de l’opposition.
Depuis le scrutin du 17 avril, auquel plus de 190 millions d’Indonésiens étaient appelés à voter, Prabowo Subianto, qui estime avoir remporté l’élection, conteste le décompte des voix. Il avait appelé ses partisans à descendre dans la rue.
Le responsable juridique de sa campagne a dit préparer une plainte devant la cour constitutionnelle, selon les médias locaux.
Plusieurs ambassades avaient publié des alertes invitant leurs ressortissants à ne pas se rendre dans le centre de la capitale au vu du risque élevé de manifestations violentes dans le pays musulman le plus peuplé au monde.
Quelque 36.000 membres des forces de l’ordre ont été déployés dans Jakarta. Le bâtiment de la commission électorale a été barricadé et protégé par des rouleaux de fils de fer barbelés et des axes routiers fermés.
Sur les réseaux sociaux, des appels a venir manifester en faveur de l’opposition circulaient mardi accompagnées de photos de manifestations de masse anciennes présentées comme datant du jour même, selon des journalistes de l’AFP spécialistes du factchecking.
– Beau-fils de Suharto –
Le ministre coordinateur de la Sécurité Wiranto a prévenu que les manifestations de masse seraient réprimées. « J’appelle toutes les parties à être bonnes joueuses (…) Si vous avez perdu, reconnaissez la victoire », a-t-il conseillé. Les autorités ont aussi tenté de décourager les manifestants en soulignant le risque terroriste.
La police indonésienne a indiqué vendredi avoir procédé à des dizaines d’arrestations d’individus suspectés de liens avec l’organisation jihadiste Etat islamique (EI), dont certains préparaient des attentats en vue de l’annonce des résultats des élections.
Devant le risque de fracture du pays, plusieurs partis, dont certains de l’opposition ainsi que les influentes organisations musulmanes Nahdlatul Ulama et Muhammadiyah qui comptent des dizaines de millions de membres, ont appelé les Indonésiens à reconnaître les résultats de l’élection.
L’organe de supervision des élections (Bawaslu) a rejeté lundi les allégations de fraudes « massives » brandies par l’opposition, estimant que les irrégularités du scrutin étaient mineures et pas de nature à changer le résultat.
« L’ampleur des abus et des erreurs au cours de l’élection a été au total très modeste », a également observé Kevin O’Rourke, un analyste politique de Jakarta interrogé par l’AFP avant la proclamation des résultats.
Joko Widodo, 57 ans, vu comme un musulman modéré dans un pays où l’islam conservateur progresse, avait choisi comme candidat à la vice-présidence le prédicateur conservateur Ma’ruf Amin afin de donner des gages à l’électorat religieux.
Son rival de 67 ans, ex-beau-fils du dictateur Suharto, s’était de son côté rapproché des groupes islamiques les plus radicaux en vue du scrutin.
L’ex-militaire, qui tente depuis une quinzaine d’années de parvenir au pouvoir, avait déjà perdu face à Joko Widodo en 2014 et avait déposé un recours en justice avant de s’incliner. RTL