jeudi, mars 28, 2024

Second mandat présidentiel : si j’étais Macky Sall

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Par Thiémokho Diop

Après la publication par le Conseil constitutionnel des résultats définitifs de la présidentielle de 2019, Macky Sall est officiellement devenu le président de la république du Sénégal avec le score confortable de 58,26 % des suffrages. Mais derrière ce résultat aux allures de plébiscite, se cache une insatisfaction grandissante d’une bonne frange de la population, dont il doit absolument tenir compte durant son prochain quinquennat. De mon point de vue, la réussite d’un président de la république, doit aussi se mesurer à l’aune de sa popularité en fin de mandat, notamment, son dernier. Il est donc indispensable que le président réélu analyse froidement les résultats, afin de cerner les causes du mécontentement de plusieurs segments de la population. La meilleure façon de se remettre en question, c’est de voir dans quelle mesure les contempteurs ont raison. Au demeurant, lors de sa première déclaration officielle, au cours de laquelle, il a appelé à un dialogue inclusif, le Président de la république s’est aussi engagé à analyser les votes qui ne lui ont pas été favorables. Dans ces quelques lignes, je me propose humblement d’apporter ma contribution à cette réflexion.

Si j’étais Macky Sall, je me poserais au moins les deux questions suivantes : (i) Pourquoi les jeunes et les intellectuels ont été les moins satisfaits des résultats de mon septennat? (ii) Comment expliquer objectivement le désamour grandissant avec la diaspora, qui avait pourtant fortement contribué à mon élection en 2012?

La force d’une nation repose, pour beaucoup, sur l’engagement de sa jeunesse et l’implication de son intelligentsia. Si cette frange importante de notre pays ne se reconnait pas dans les politiques publiques, du moins dans leur mise en œuvre, il serait illusoire de prétendre à l’émergence. En passant en revue les récriminations faites au président Macky Sall, il apparait que nos jeunes compatriotes invoquent souvent la question de la transparence dans l’octroi des contrats pétroliers et gaziers mais aussi et surtout, celle relative à la part du Sénégal, dans les retombées financières et économiques lors de l’exploitation de ces ressources. En plus de ces enjeux, les intellectuels sénégalais pointent régulièrement du doigt, la question de l’indépendance de la justice, au regard des nombreuses accusations d’immixtion de l’exécutif dans les affaires judiciaires aux relents politiques.

La contribution de la diaspora dans le développement économique et social du Sénégal n’est plus à démontrer. De plus, cette diaspora, notamment celle vivant en Europe et en Amérique, est au contact des modèles de démocraties les plus achevés et des niveaux de développement économique les plus avancés. Par conséquent, un président soucieux de mener son peuple vers les sommets, se doit de prendre comme référence, les standards institutionnels et de bonne gouvernance visés par ces compatriotes vivants à l’étranger. Force est de constater que les sénégalais de la diaspora européenne et américaine ont été très critiques sur la gouvernance mais aussi sur le caractère extraverti de la croissance économique des cinq dernières années, avec notamment la prédominance des entreprises étrangères face à un patronat sénégalais peu présent.

Au total, les deux interrogations soulevées plus haut, semblent trouver leurs réponses dans le passif du bilan du Président. Si j’étais Macky Sall, j’inscrirais trois initiatives à savoir la réconciliation de la population avec sa justice, l’effectivité et le renforcement de la bonne gouvernance et enfin la formation et l’emploi des jeunes, au cœur de mon quinquennat :  

La réconciliation du peuple sénégalais avec sa justice passe par deux actes majeurs

C’est un euphémisme que de dire que, la relation de confiance entre le peuple et sa justice est sérieusement mise en mal. Même si cette situation n’est qu’une perception, il n’en demeure pas moins que tant que cette opinion largement partagée ne sera pas inversée, les soupçons d’instrumentalisation de la justice par Macky Sall continueront à lui coller à la peau. A sa place j’opérerais une rupture d’avec le modèle en vigueur depuis l’indépendance car c’est ce qui est attendu de lui. A mon avis, le premier acte qui peut amorcer un début de réconciliation entre la justice et les justiciables serait que Le Président de la république quitte la présidence du Conseil supérieur de la magistrature. Le second geste qui pourrait décrisper l’atmosphère serait de rompre la relation hiérarchique judiciaire entre le ministère de tutelle et le parquet. Autrement dit, le procureur ne devrait plus recevoir du ministre de la justice, des ordres de poursuite ou de non-poursuite. Si j’étais Macky Sall, je n’écouterais aucun conseil tendant à me dissuader d’aller dans ce sens. Tant qu’on n’expérimentera pas ce modèle, on ne saura pas s’il fonctionnera ou s’il donnera lieu à des blocages ou des dérives. Et puis, les sénégalais dans leur intelligence, le soutiendront s’il s’avérait que ces changements ont occasionné des dysfonctionnements préjudiciables à l’équilibre de la Nation.

Aller encore plus loin dans le renforcement de la bonne gouvernance 

Malgré les efforts que le Président estime avoir fourni en termes de bonne gouvernance, force est de constater qu’aux yeux de beaucoup de sénégalais notamment de la diaspora et des milieux intellectuels, ces progrès restent insuffisants. Cette catégorie de sénégalais reproche à Macky Sall de ne pas être allé assez loin dans la mise en œuvre de son fameux slogan « la gestion sobre et vertueuse ». L’implication suspecte d’Aliou Sall dans le dossier Petro Tim est souvent citer en exemple pour corroborer le scepticisme de certains, quant à l’effectivité de cette promesse électorale. Plus généralement, la gestion des ressources pétrolières et gazières fait l’objet de toutes les conjectures de la part de nos compatriotes. Une loi de répartition de ces revenus a certes été votée mais si j’étais Macky Sall, je m’emploierais à assurer une traçabilité de chaque centime tirer de ces ressources pour que chaque sénégalais n’en ignore la destination.

De nombreux sénégalais pensent aussi que la bonne gouvernance est incompatible avec la persistance de fonds politiques qui échappent à tout contrôle. A la place du président nouvellement réélu, je mettrais en place un cadre législatif et réglementaire permettant d’encadrer l’utilisation de ces importantes ressources financières, à défaut de les supprimer tout bonnement.

Faire de la formation et de l’emploi des jeunes, une priorité

La résorption du chômage des jeunes est sans conteste, l’un des enjeux les plus cruciaux auxquels les gouvernements africains en général sont confrontés. Cette question semble pourtant être bien cernée par le Président Macky Sall qui a décidé d’y apporter une réponse structurelle à travers la formation professionnelle comme préalable à l’employabilité des jeunes sans emploi. Cependant, au regard de l’impatience, somme toute justifiée, de la jeunesse sénégalaise, il urge de hâter le pas dans la mise en place des centres départementaux de formation professionnelle afin de fournir à ces jeunes les outils nécessaires à leur insertion sur le marché de l’emploi.

Parallèlement à l’accélération du processus d’implantation de ces institutions de formation, Macky Sall se doit de respecter sa promesse de création d’un million d’emploi à raison de 250 000 par an. Si j’étais à sa place, je m’efforcerais d’atteindre l’objectif de la première année afin de restaurer la confiance en termes de respect de la parole donnée.

En définitive, le Président Macky Sall qui a déjà battu les records en termes de résultats économiques, a toutes les chances pour devenir le meilleur Chef d’État sénégalais de tous les temps. Il en a les moyens, il lui faut juste de la volonté.

Thiémokho Diop, Économiste

Montréal, Canada

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