jeudi, mars 28, 2024

L’épopée de Jean Meïssa Diop le cybersalon des épouses en difficulté

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L’ancien Directeur de publication du quotidien « Grand Place », le journaliste Jean Meïssa Diop décrypte les enjeux de communication liés aux tentatives de résolution des ‘’problèmes conjugaux’’ à travers les forums virtuels au Sénégal, dans un essai publié récemment par les éditions Maguilen, ‘’Le cybersalon des épouses qui ont mal au lit’’ (177 pages).

Ce livre sous-titré ‘’La communication interpersonnelle virtuelle peut-elle se substituer à la communication interpersonnelle physique ?’’ est le produit d’une minutieuse observation faite du forum internet de Sentoo, par le journaliste, critique d’art et ancien membre du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) du Sénégal.

Pour rappel, le forum de Sentoo n’existe plus, ni Sentoo lui-même, depuis le milieu de la décennie 2000-2010. Ce portail internet avait été mis en place par la Sonatel, qui a changé de configuration après l’arrivée, dans son capital, de l’opérateur Orange.

Cet ‘’espace de communication interpersonnelle multilatérale’’ offert par Sentoo avait moult chances de se développer au Sénégal, où ‘’les canaux traditionnels de résolution des conflits n’existent plus, ne fonctionnent pas ou sont inefficaces’’, y compris en matière conjugale. Il a permis à de nombreuses femmes de ‘’se libérer’’ d’un certain ‘’trop-plein’’ de la vie conjugale.

Les intervenants ou ‘’forumistes’’ – hommes et femmes – ont eu le loisir, grâce à ce forum virtuel, de discuter des questions liées à la ‘’vie de couple’’, mises en débat par des femmes mariées éprouvant des difficultés dans leur foyer conjugal. Le forum de Sentoo était ‘’un espace ouvert, sans discrimination, où la prise de parole et les réactions qu’elle provoque sont d’autant plus libres que l’anonymat [était] garanti à tout acteur de cette communication’’.

Les ‘’forumistes’’ se trouvent des pseudonymes ou noms d’emprunt, du genre Katoucha, Diaraaf, Mkb, Ayanne ou Ancienne de IND, un anonymat dont ils se servent pour proposer des sujets de discussion et/ou y réagir.

Un ‘’nouvel arbre à palabres’’

Ce forum semblait venir à son heure, dans une société sénégalaise où ‘’il n’est pas facile d’avouer un adultère’’, une société ‘’où (…) il devient difficile de trouver un confident sûr, auprès de qui soulager ou délester la conscience du poids d’une telle faute ou évoquer le conflit conjugal’’, fait remarquer Jean Meissa Diop, diplômé du CESTI, l’école de journalisme et de communication de l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.

Sur Sentoo, un forum dont on a fait un ‘’nouvel arbre à palabres’’, des femmes pouvaient donc venir évoquer, par exemple, l’inconduite de leur conjoint par des posts du genre : ‘’Mon mari me trompe avec une fille de mon immeuble’’. ‘’Au rythme de la fréquence des évocations des problèmes conjugaux, il est intéressant de se demander si, par effet de substitution, l’internet n’est pas en train de prendre la place de l’arbre à palabres, de l’espace de communication traditionnel où se traitent de telles questions aujourd’hui en débat sur le forum’’, souligne Diop, comme pour témoigner du franc succès des forums virtuels dans le débat sur les difficultés vécues par les femmes mariées.

L’ancien directeur de publication du journal Walf Grand-Place, l’un des titres du groupe Walfadjri, où il a passé une bonne partie de sa carrière, fait la remarque suivante : ‘’Ces épouses qui rencontrent des difficultés conjugales n’ayant aucun confident ni conseiller à qui se confier avec la certitude d’être écoutées (…), se rendent au forum (de Sentoo, Ndlr) où elles savent pouvoir trouver, dans l’anonymat, la confidentialité et la sympathie, la compréhension, des conseils…’’

‘’Une abolition du conflit des générations’’

Jean Meïssa Diop, connu de nombreux lecteurs de la presse sénégalaise par sa chronique ‘’Avis d’inexpert’’, consacrée à l’audiovisuel et aux réseaux sociaux, évoque un facteur de taille, concernant la popularité des forums virtuels en général, quand il s’agit des conflits conjugaux : ‘’Il faut constater ici une abolition du conflit des générations ; tout le monde parle à tout le monde sans considération d’âge, ce qui aurait été impensable dans une réunion de famille africaine, qui est plutôt une affaire d’adultes, surtout en matière conjugale.’’

Son essai fourmille de statistiques lui permettant de déceler un ‘’fait remarquable’’, l’âge très jeune des ‘’forumistes’’ : 69,23 % d’un corpus de 546 intervenants des deux sexes sont âgés de 35 au plus, soit ‘’l’âge limite de la jeunesse’’. ‘’Dans ce face-à-face multilatéral’’ auquel ils se livrent, ‘’les uns et les autres dialoguent, échangent’’ et ‘’repartent avec des conseils utiles, qui peuvent être considérés comme des outils de communication au sein du couple’’, souligne-t-il.

Les forums engrangent autant de succès ou de popularité parce que ‘’l’espace traditionnel de résolution du conflit conjugal est de moins en moins fréquenté par les couples à problèmes en milieu urbain’’, dans un contexte d’‘’affaissement du cercle familial en tant qu’espace de communication et de résolution des conflits’’, analyse Jean Meïssa Diop.

Il fait remarquer que, sur le forum de Sentoo, les épouses abordent au moins 10 thèmes : ‘’l’infidélité de l’époux’’, ‘’la qualité des relations sexuelles’’, ‘’l’incompréhension-climat au foyer’’, ‘’l’amour extraconjugal de la femme’’, ‘’le désir d’avoir un enfant’’, ‘’les relations avec la belle-famille’’, ‘’les mauvais traitements’’, ‘’la solitude conjugale’’, ‘’la polygamie de l’époux’’ et ‘’le mariage forcé’’.

Un concert d’indignations

L’infidélité du conjoint est le thème le plus largement évoqué. Quinze sur un corpus de 59 femmes ‘’auteures de sujets’’ de discussion, soit 25,43 %, affirment que l’infidélité de leur conjoint est ‘’la cause de l’instabilité de leur ménage’’, rapporte Diop. ‘’Suit de loin, en deuxième position, la qualité des relations sexuelles, dont se plaignent 18,65 % des auteurs. Vient en troisième position l’incompréhension-climat au foyer.’’

‘’C’est aussi une importante découverte, la ‘haute’ quatrième place de l’amour extraconjugal dans les difficultés conjugales vécues par 15,25 % des épouses, fait remarquer l’essayiste. Nous [parlons de] découverte parce que c’est une question que très peu de femmes mariées accepteraient d’évoquer dans une discussion publique.’’ Et Jean Meïssa Diop de déduire de ce constat qu’‘’on peut donc présumer que c’est l’anonymat du forum virtuel qui incite à ces aveux d’infidélité (…) féminine’’.

Que proposent les ‘’forumistes’’ aux femmes contrariées par la vie conjugale, auteures de ces thèmes de discussion ? Concernant l’infidélité, ils mettent souvent en cause le mari, tout en conseillant à l’épouse de ‘’se faire séduisante, parce que si le conjoint va voir ailleurs, c’est parce que l’épouse a des limites en matière de séduction’’, rapporte Diop. Selon lui, des réponses des ‘’forumistes’’ à la question de l’‘’incompréhension-climat au foyer’’ découle la preuve que ‘’la vie de couple s’entretient par une bonne communication’’. Jean Meïssa Diop se rend compte, en ce qui concerne ‘’les relations avec la belle-famille’’ des épouses, que ‘’les réponses données (…) n’en sont pas’’ de vraies, car ‘’les interventions se limitent à un concert d’indignations’’.

Pour le sociologue Dominique Mendy, enseignant au CESTI et auteur de la préface du livre, l’intérêt des ‘’forumistes’’ pour ‘’les problèmes conjugaux’’ donne corps à la ‘’dimension cathartique des médias’’. ‘’A défaut d’une absolution garantie, les gens, au moins, en ressortent (de ces forums, Ndlr) avec la satisfaction d’avoir trouvé ‘une oreille attentive’, et surtout d’avoir bénéficié d’une entraide avec les ‘conseils, les astuces, les recettes de séduction’ des autres’’, ajoute-t-il.

Les forums virtuels permettent de ‘’surmonter la barrière de la timidité et de la présence d’autrui’’, en plus de ‘’favoriser la libre expression’’, selon M. Mendy.

APS

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