Le chef de l’Etat turc Recep Tayyip Erdogan a été réélu dès le premier tour dimanche pour un nouveau mandat aux pouvoirs renforcés, venant à bout d’une opposition pourtant revigorée lors d’élections présidentielle et législatives âprement disputées.

« D’après les résultats, il apparaît que Recep Tayyip Erdogan a remporté la majorité absolue des voix valides », ce qui lui permet d’être réélu au premier tour, a indiqué le chef du Haut comité électoral (YSK), Sadi Güven, lors d’un point presse à Ankara.

D’après l’agence de presse étatique Anadolu, M. Erdogan arrivait en tête de la présidentielle avec un score de 52,5% après dépouillement de plus de 99% des urnes, et l’alliance dominée par son parti islamo-conservateur, l’AKP, menait avec 53,61% dans le volet législatif du scrutin.

M. Erdogan, au pouvoir depuis 15 ans, n’a pas attendu l’annonce de la commission électorale pour revendiquer la victoire. « Notre nation m’a confié la responsabilité de président de la République », a-t-il dit lors d’une déclaration à sa résidence à Istanbul.

Ces élections sont particulièrement importantes, car elles marquent le passage du système parlementaire en vigueur à un régime présidentiel où le chef de l’Etat concentre la totalité du pouvoir exécutif, aux termes d’un référendum parlementaire qui s’est tenu l’an dernier.

– Cris de joie –

Son principal concurrent, le social-démocrate Muharrem Ince, arrive en deuxième position de la présidentielle avec 30,7%, et l’alliance anti-Erdogan formée par plusieurs partis d’opposition pour le volet législatif du scrutin récolte 34%, d’après les résultats partiels publiés par Anadolu.

M. Ince n’a fait aucun commentaire concernant le résultats dimanche soir, convoquant une conférence de presse pour lundi à la mi-journée à Ankara.

Plusieurs milliers de partisans de M. Erdogan se sont rassemblés dans la soirée aux abords de la résidence du président à Istanbul, chantant et brandissant des drapeaux.

La déclaration du chef du YSK, retransmise sur un écran géant, a été accueillie par des cris de joie au siège de l’AKP à Ankara où une foule compacte attendait l’arrivée de M. Erdogan en provenance d’Istanbul.

« Nous savions à 100% que nous allions gagner, Erdogan est notre champion », a dit Handan Boztoy, venue avec sa fille fêter la « victoire ». « Les résultats ne changeront pas, ces 16 dernières années c’est toujours Erdogan qui a gagné. Nous sommes derrière lui en tant que nation ».

M. Erdogan s’est imposé comme le dirigeant turc le plus puissant depuis le fondateur de la République, Mustafa Kemal. Il a transformé la Turquie à coups de méga-projets d’infrastructures et en libérant l’expression religieuse, et a fait d’Ankara un acteur diplomatique clé.

« La victoire d’Erdogan est incontestablement le signe de sa grande popularité auprès de l’électorat turc, en particulier l’électorat conservateur dans les régions rurales d’Anatolie, et le signe de sa résilience face à une opposition unie », estime Jana Jabbour, docteure associée au CERI/Sciences Po et spécialiste de la Turquie.

Ses détracteurs accusent le « Reis », âgé de 64 ans, de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016, suivie de purges massives qui ont touché des opposants et des journalistes et suscité l’inquiétude de l’Europe.

S’il pensait mettre toutes les chances de son côté en convoquant ces élections pendant l’état d’urgence et plus d’un an avant la date prévue, M. Erdogan a été rattrapé lors de la campagne par la dégradation de la situation économique et surpris par un sursaut de l’opposition.

Voyant dans ces élections leur dernière chance d’arrêter M. Erdogan dans sa quête d’un pouvoir incontestable, des partis aussi différents que le CHP, Iyi (nationaliste) et le Saadet (islamiste) ont noué une alliance inédite pour les législatives, avec l’appui du HDP (prokurde).

– Le parti prokurde au Parlement –

M. Ince, un député combatif qui a porté les couleurs du CHP à la présidentielle, s’est imposé comme le principal rival de M. Erdogan pour la présidentielle, électrisant des foules aux quatre coins du pays et réveillant une opposition assommée par ses défaites successives.

M. Erdogan présente le nouveau système présidentiel auquel il va accéder comme nécessaire pour doter la Turquie d’un exécutif stable, mais ses détracteurs l’accusent de vouloir monopoliser le pouvoir avec cette réforme qui supprime notamment la fonction de Premier ministre et permet au président de gouverner par décrets.

La campagne a été marquée par une couverture médiatique très inéquitable en faveur du président turc, dont chaque discours a été retransmis in extenso par les télévisions.

Le candidat du parti prokurde HDP, Selahattin Demirtas, a été contraint de faire campagne depuis une cellule: accusé d’activités « terroristes », il est en détention préventive depuis 2016.

Selon les résultats partiels, M. Demirtas a obtenu près de 8% des voix et son parti à franchi le seuil de 10% au niveau national lui permettant de siéger au Parlement.

Les craintes de fraudes ont été vives pendant le vote, notamment dans le sud-est à majorité kurde. Les opposants, qui avaient mobilisé une armée d’observateurs, ont dénoncé des irrégularités, notamment dans la province de Sanliurfa. RTL

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