Les choses deviennent de plus en plus claires dans le carnage de Boffa avec l’enquête qui commence à donner des résultats, en Casamance. Toutes les pistes mènent vers la forêt. Un refuge pour certain et une ressource à exploiter pour les businessmen. Avec les coupeurs de bois tués, derniers maillons d’une longue chaîne, la lutte pour l’accaparement des ressources forestières n’est visiblement qu’à ces débuts, selon certains observateurs qui s’expliquent difficilement «l’incapacité» de l’Etat à protéger une forêt qui se réduit chaque jour de plus en plus.

L’exploitation forestière risque de faire plusieurs autres victimes en Casamance. Car, malgré les nombreuses mesures prises, c’est comme si l’Etat a démissionné dans la protection des ressources. Et les frustrations sont de plus en plus nombreuses. Des exploitants «visiblement bien protégés» font la loi. On coupe sans aucune crainte. Quand une opération est préparée, les fuites permettent aux «criminels de la forêt» de s’échapper. Et, aucune enquête sérieuse n’est encore diligentée pour permettre de situer les responsabilités. Dès lors, il faut agir et faire vite pour ne pas attiser le feu en Casamance, explique Amadou qui a participé à beaucoup d’activités pour le retour de la paix dans cette région méridionale.

En effet, comme à Boffa-Bayotte, dans la zone du département de Médina Yéro Foulah, le ballet des charrettes se poursuit au vu et au su de tous. Les «criminels de la forêt» ont de solides attaches et ceux qui coupent, à l’image des victimes de Boffa, sont les derniers maillons de la chaine. Les bénéficiaires du trafic sont ailleurs et utilisent leurs comptes bancaires, sans aucune crainte. Ceux qui avaient cru naïvement que le départ du «dictateur Jammeh» de la Gambie voisine allait mettre fin au trafic se sont lourdement trompés. Le business se poursuit, malgré la présence des Forces armées sénégalaise en Gambie. Les coupeurs viennent désormais jusqu’à la périphérie de Kolda. Et, pour ce département d’élevage, les conséquences commencent à se faire sentir, avec l’ensablement des vallées, le tarissement précoces de mares et l’augmentation de la pauvreté.

Le secrétaire général du Conseil départemental de Médina Yéro Foulah qui a fait un DESS sur le sujet est aussi clair: «il faut passer au plus complexe, loin des hauteurs supposés, pour mettre hors d’état de nuire les autres bandits au col blanc, ces pilleurs de nos forêts. Si cette affaire ne sert pas à ça, ce serait dommage pour le Sénégal et la Casamance. ‘’Dommage’’ serait même peu dire. C’est pourquoi, je voudrais que toutes les bonnes volontés lancent une pétition pour dire: ‘’ça suffit’’. Qu’on ne pille plus nos forêts. De Ziguinchor à Médina Yoro Foulah, en passant par Sédhiou et Kolda, refusons que ce dossier soit clos juste après l’arrestation des auteurs de ce crime. Refusons la fatalité. Exigeons une enquête sur cette mafia qui suce nos ressources forestières. Ce n’est ni une affaire de Casamançais, ni une affaire des cadres de la Casamance, ni une affaire d’un quelconque mouvement. Il s’agit d’exiger la bonne gouvernance dans la gestion forestière. Il s’agit de lutter pour les prochaines générations. Il s’agit de se battre pour un des leviers les plus solides pour notre développement local: la forêt.»

Avant de poursuivre que, dans l’état actuel des compétences transférées aux collectivités locales, il est plus judicieux de parler de cogestion, tellement l’Etat central continue de concentrer les moyens de l’exercice de ces compétences. Dans le domaine de la gestion forestière, cette situation relève surtout non pas de l’Etat, mais d’une volonté manifeste de la direction des Eaux et Forêts et des services déconcentrés de l’Etat aux niveaux régional, départemental et communal avec comme enjeux le contrôle et la gestion des ressources forestières. Alors même que cette gestion est dévolue aux collectivités locales. Toujours est-il que cette tuerie devrait permettre de voir les différentes ramifications de cette exploitation forestière en Casamance. Si l’Etat veut vraiment maintenir la paix en Casamance, conclut-il.

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