Ce 20 décembre, l’humanité entière se souvient, sans doute, de l’un de ses plus illustres fils, Léopold Sédar Senghor. L’histoire retient deux constantes de son existence : un intellectuel hors pair et un homme politique de premier rang.
Très tôt, Senghor, coryphée incontestable du mouvement de la Négritude, prit sa plume acérée et s’attaqua au « polycentrisme» (ce mot est de Cheikh Anta Diop). Cette théorie fallacieuse a consisté à hiérarchiser les races humaines : d’une part la race supérieure, la race blanche ; de l’autre la race inférieure, la race noire. L’homme noir va retrouver sa dignité grâce, en partie, aux écrits du plus grand poète de son époque. La suprématie du Blanc sur le Noir s’estompe. Senghor a toujours précisé que son combat est pour l’égalité des races. Cette idée d’égalité est la pierre angulaire sur laquelle il édifie sa « Civilisation de l’Universel » qui est un « rendez-vous du donner et du recevoir » sans complexe. De ce point de vue, Léopold Sédar Senghor apparaît comme le précurseur de ce qu’on appelle aujourd’hui la mondialisation ou globalisation en anglais.
Léopold Sédar Senghor, ce monument intellectuel, est également un virtuose politique. Il gouverna le Sénégal dans la vertu et la souplesse, contrairement aux autres présidents africains de son temps. Quelle âme douée de raison osera comparer Senghor à Mobutu, à Bokassa ou encore à André Malan, le père de l’Apartheid ?
Senghor n’a pas profité de sa présidence aux destinées du Sénégal pour s’enrichir. L’épanouissement des Sénégalais était sa sacro-sainte priorité. C’est pour cette raison qu’il fut l’ami des Marabouts les plus vénérés de son époque. Serigne Fallou Mbacké –que sa lumière nous éclaire– dira à propos de Senghor : « Je m’intéresse pas à Senghor parce qu’il est catholique. Je m’intéresse, surtout, à sa personne parce que, dans le domaine de la conduite des affaires du pays, le Président Senghor est le plus apte et le plus capable ».
Léopold Sédar Senghor gouverna le Sénégal dans le respect des valeurs cardinales du peuple sénégalais. Senghor n’a jamais pris une décision sensible sans associer en amont les chefs coutumiers et les chefs religieux, représentants légitimes du peuple. Son pouvoir s’inspira de l’Afrique traditionnelle. Le dialogue fut sa méthode adoptée. Car, disait-il, « reero amul niax waxtaan mo am ». Ce qui signifie que c’est dans le dialogue qu’on règle les problèmes.
Homme d’Etat confirmé, Senghor comprit, très tôt, que sa famille ne devait pas se mêler à la gestion du pouvoir, au risque de créer une dynastie qui serait anachronique et dangereuse pour la stabilité du pays. Sa femme, Colette, alternait sobriété et frugalité.Elle était presque inconnue du grand public. Senghor écarta tous ses parents de cette « corvée utile » (selon Senghor, la politique est une corvée utile). Il n’était pas obnubilé par le désir de s’enrichir. Boubacar Boris Diop, l’un de ses plus farouches détracteurs, confessera que Senghor ne s’est pas enrichi durant les vingt ans qu’il exerça le pouvoir. Le journaliste et grand écrivain sénégalais ajoute, enfin, que le poète-président est mort presque pauvre. Ce sont ces valeurs qu’il légua au Président Abdou Diouf.
Aujourd’hui, le pouvoir en place et la jeunesse sénégalaise doivent se référer à ces aspects positifs du Père de la nation pour édifier le développement intégral du Sénégal. Pour ce faire, il faudra lire et relire son œuvre afin de juger objectivement son auteur. La science a horreur des préjugés et de la subjectivité.
Abdoulaye Seydi , Doctorant en Littérature africaine à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis ;Elève Inspecteur de l’éducation populaire, de la jeunesse et des sports à Dakar.