samedi, avril 27, 2024

« Le Parti socialiste sénégalais face à son destin », par Amadou Bal BA

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Le Parti socialiste sénégalais va aborder son 15ème congrès, à Dakar, les 5 et 6 juin 2014, dans un contexte particulièrement difficile. Le P.S. est confronté à des questions de leadership, d’alliance, de stratégie et de lisibilité de sa ligne politique.

Un des objectifs de ce congrès est de renouveler le mandat de ses instances, largement arrivé à expiration ; c’est le 2ème congrès sur une période de 15 ans. Héritier de la SFIO, du Bloc Démocratique Sénégalais et de l’Union Progressiste Sénégalaise, le PS avait, jusqu’ici, privilégié le débat, l’échange et la démocratie interne. M. Ousmane Tanor DIENG, Secrétaire Général sortant, avait promis de ne pas se représenter. Mais on sait que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Comme l’a dit Amadou Hâmpaté BA « La parole vaut ce vaut l’Homme. L’Homme vaut ce vaut sa parole». La classe politique ne peut être crédible que si l’on « dit ce qu’on fait et on fait ce qu’on dit», en référence à un slogan de Lionel JOSPIN.

Suite à un appel de candidatures, Ousmane Tanor DIENG, le Secrétaire Général sortant, devait, pour la première fois, affronter une femme, l’avocate Aïssata TALL SALL. Les observateurs y avaient vu un double signe de la vitalité du Parti socialiste, héritier d’une grande tradition démocratique au Sénégal.

D’une part, ne serait-ce que la démocratie interne au sein d’un parti, tant redoutée en Europe et particulièrement combattue en Afrique, allait être expérimentée par le Parti Socialiste Sénégalais. Je me disais, qu’une fois de plus, le Sénégal allait réaffirmer, en Afrique, sa vocation historique à servir de modèle de démocratie.

D’autre part, au moment où la loi sur la parité, votée en 2004, a été remise en cause par les religieux pour les élections du 29 juin 2014, en violation flagrante des principes républicains, le Parti socialiste sénégalais allait réagir de façon vigoureuse, et surtout symbolique, en mettant en compétition un femme au poste de Secrétaire Général d’un grand parti de gouvernement. Qu’elle gagne ou qu’elle perde, l’essentiel n’est pas là. Les symboles ont une grande importance en Politique et permettent de faire bouger les lignes.

Et voila que le vendredi 30 mai 2014, Mme Aïssata TALL SALL est évincée de cette élection interne, sans que les vraies raisons de ce putsch ne soient vraiment décelables. M. Ousmane Tanor DIENG sera donc élu Secrétaire général, sans mener la bataille. Officiellement, les instances dirigeantes redoutent que ce débat interne n’abîme encore davantage le PS déjà mal en point. D’autres disent que les jeux sont faits, avec son trésor de guerre, acquis de longue date, Tanor lors du renouvellement des instances, s’est octroyé une majorité confortable pour se faire réélire Secrétaire Général, sans coup férir. Qu’importe ! Mon parti ne doit pas avoir peur du débat, dès l’instant que celui-ci porte, non pas sur les personnes, mais sur les idées, la ligne politique du Parti, ses alliances et sa stratégie.

Je redoute, par conséquent, que ce congrès des 5 et 6 juin 2014 ne soit une rencontre pour rien, une manifestation folklorique pour se rassurer et se complimenter. Songez seulement que le PS, qui a dirigé le Sénégal de 1960 à 2000, ne représente maintenant que 11% des électeurs.

En vue du congrès, la direction du PS a communiqué aux militants un rapport d’orientation de 39 pages, intitulé « Valeurs socialistes et défis de notre époque». Le Socialisme y est défini comme « La rationalité et partant, l’efficacité, la justice sociale fondée elle-même sur la solidarité humaine». Soit ! La première partie de ce document traite sur 30 pages, le bilan des Socialistes au gouvernement. La deuxième partie, sur 4 pages, est consacrée aux défis du XXIème siècle et les solutions socialistes. La troisième partie, en 5 pages, est consacrée au rôle des partis politiques dans une société en pleine mutation.

Il va de soi, que l’héritage des Socialistes en termes de construction d’un Etat démocratique et d’une Nation sénégalaise, est globalement positif. C’est un passé glorieux dont ne pouvons qu’être fiers. Mais si l’alternance est intervenue en 2000, et que le PS est dans l’opposition depuis 12 ans, et qu’il ne cesse de reculer, dangereusement, scrutin après scrutin, c’est que les Sénégalais ont quelque chose à nous reprocher. Tout n’est pas rose. Cette longue évaluation du bilan des socialistes au gouvernement, manque de distance critique et d’examen de conscience. Certes, notre dette à l’égard du président SENGHOR, en termes d’indépendance pacifique, de cohésion nationale, d’identité culturelle et de prestige du Sénégal dans le monde, est immense. Toutefois, certaines mesures arbitraires ou autoritaires (enfermement sur une durée excessive de Mamadou DIA et de ses compagnons, répressions des mouvements étudiants, longue période de monopartisme, etc.), ainsi que son anticommunisme, sans discernement, ont quelque peu terni son image. Même si Abou DIOUF, dans le sillage du président SENGHOR est un grand démocrate qui a permis une alternance pacifique, dont on est fier, il ne nous a pas laissé de grandes réalisations. Ses 20 ans au pouvoir ont été deux décennies perdues. Cet immobilisme et ce manque de dynamisme, et vivant dans un passé glorieux, mais révolu, n’a pas tenu compte des profondes aspirations des Sénégalais à mieux vivre. C’est le reproche que nous renvoient les Sénégalais. Plus grave encore, pendant le règne d’Abdou DIOUF, et à partir de 1996, le PS, et à défaut d’avoir une vision stratégique pour l’avenir, le débat qu’avait initié le président SENGHOR, s’est transformé en conflit de personnes. Le PS porte encore les stigmates des défections de Djibo KA, de Robert SAGNA, ainsi que le conflit fratricide entre Tanor et Moustapha NIASSE. Si une alliance était intervenue en 2012 entre Tanor et Moustapha NIASSE, c’est le PS qui serait, actuellement, aux commandes du Sénégal. Espérons que cette compétition entre Tanor et Aïssata TALL SALL ne portera encore un préjudice au Parti Socialiste.

La deuxième partie de ce rapport constate que le néo-libéralisme a échoué. La troisième partie considère que le PDS d’Abdoulaye WADE n’a pas été à même de résoudre les problèmes des Sénégalais que seul le PS pourrait prendre en charge. C’est à l’honneur du Secrétaire Général Ousmane Tanor DIENG d’avoir refusé toute compromission avec Abdoulaye WADE. Notre objectif de le faire partir en 2012 a été atteint. En revanche, bien des Socialistes s’interrogent sur l’opportunité de notre présence au gouvernement de Macky SALL. Pour eux, le PS qui travaille avec l’ancien Premier Ministre de WADE, M. Macky SALL, « fait du WADE, sans WADE». Le constat général dressé, après deux ans au pouvoir, est la « hollandisation» du pouvoir de M. Macky SALL dont les résultats, en termes d’aide aux populations en difficulté, sont particulièrement médiocres.

Le Sénégal compte plus de 166 partis politiques. Cependant, aux dernières élections présidentielles de 2012, seuls 5 partis politiques sortent du lot et totalisent 95 % des voix. Trois partis politiques sont d’inspiration libérale (le PDS de maître Abdoulaye WADE, l’APR de M. Macky SALL et REWMI de M. Idrissa SECK). Deux partis sont de la mouvance socialiste (Le Parti Socialiste avec Tanor DIENG et l’Alliance des Forces de Progrès de M. Moustapha NIASSE). Avec qui s’allier ?

Faut-il récréer un grand parti socialiste ? Comment sera désigné le candidat du PS aux présidentielles de 2017 ? Autant de questions que le rapport introductif ne clarifie pas. Pendant ce temps, le Parti Socialiste continue sa lente décadence. Désormais, le Parti Socialiste est face à son destin : se renouveler, se remettre en cause, ou périr. Déjà ce n’est pas facile d’être dans l’opposition, mais jusqu’à ce quel niveau les militants socialistes accepteront la marginalisation de leur parti, sans réagir ?

M Ousmane Tanor DIENG est un authentique socialiste. J’espère que l’intérêt du parti prévaudra sur le reste.

Pour ma part, en ces temps difficiles, et plus que jamais, les Sénégalais ont besoin d’un Parti Socialiste puissant, et qui réaffirme ses principes de démocratie, de laïcité, de transparence dans la sphère publique, de bonne et saine gestion de nos faibles deniers publics, de justice, de compassion et de bienveillance à l’égard des plus faibles.

Paris, le 1er juin 2014.

M Amadou Bal BA – Baamadou.over-blog.fr.

ferloo

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