Située dans le département de Ziguinchor, la communauté rurale de Nyassia a été pendant longtemps un bastion de la rébellion. Jadis no man’s land, les irrédentistes casamançais y ont enfoui toutes sortes de mines. Des engins tueurs qui ont fait aujourd’hui beaucoup de victimes civiles, des centaines de mutilés abandonnés à eux-mêmes, sans le moindre suivi psychologique ou soutien financier. Reportage !
Comme les fruits de l’infortune, il pensait que ses tragiques souvenirs disparaîtraient avec le temps. Se noieraient dans les eaux troubles où vogue sa tragique vie. Mais, il ne passe pas un jour sans que ses réminiscences s’éjectent de son hippocampe pour venir chahuter davantage son existence de mutilé. Là, il se voit encore à terre au milieu de ce cratère de boue et de paille, son corps immobile et déchiqueté, baignant dans une mare de sang. Là-bas, c’est une partie de sa jambe gauche qu’il aperçoit, tremblotante, entre deux plants de manguier. Il y a encore cette odeur de brûlé, ce parfum de mort, cette immense forêt qui étouffe ses appels à l’aide. Il y a surtout cette peur d’y rester, ces secouristes inexpérimentés qui arrivent sur le tard, cette évacuation mouvementée vers l’hôpital régional de Ziguinchor. Les cris des villageois, la détermination des militaires sur la route, fusil à la main, la sirène de l’ambulance. Ces longs mois passés dans les salles de soins entre les mains des toubibs, ces nuits blanches et ces journées sombres. « C’était dur, bredouille-t-il, vraiment insoutenable !